Partie 17

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Je noie mes pensées dans le cinquième verre que le barman pose devant moi.

Diony...Dionysos...comme le dieu grec du vin. Il est aussi étrange d'appeler son enfant ainsi, qu'étrange que l'homme porte ses attributs divins. Les éclats de rire de Benoît me tirent de mes pensées. Je ne sais pas si j'ai réfléchi à haute voix ou bien s'il rit aux remarques de ses comparses. Toujours est-il qu'ici la fête bat son plein. Autour de nous, les corps se sont détendus en raison de l'alcool et des cracheurs de feu qui réchauffent la terrasse panoramique.

Désormais les clients se dandinent sur la piste de danse. Les corps se frôlent,se désinhibent. Certains s'embrassent avec fougue, se caressent.L'ambiance commence à devenir un peu...

-gén...je commence en me tournant vers Benoît. Je reste bouche bée devant un Benoît entrain d'explorer les amygdales de son« dieu ».

Je me racle la gorge avant de prendre la fuite direction le petit coin.J'esquive les danseurs qui semblent de plus en plus déchaînés. Je tourne la tête un instant pour observer la piste. C'est comme si la musique possédait ces corps. Les sonorités sont tellement chaudes,les voix : suaves ...une bouffée de chaleur me saisit. Il faut que je continue. J'avance d'un pas, deux...pourquoi est-ce que je devais y aller déjà ? Nouvelle vague de chaleur. Mes doigts suivent le chemin de ces ondes. Ils caressent mes épaules nues,glissent entre mes seins...Mes hanches entreprennent un mouvement. Je me sens tellement bien. Cette chaleur est comme une caresse sur mon corps. Je ferme les yeux et me laisse bercer. Très vite un corps se colle contre mon dos. Il se frotte d'avantage, suit mes mouvements. Je ne tarde pas à sentir quelque chose de dur contre mes fesses. Alarme interne. Alarme interne. Mes poils se hérissent, mon dos se raidit. Je rouvre les yeux, expulsant la brume qui m'entoure. Mon radar en alerte cherche l'origine de son intuition. Mon regard se porte sur l'entrée. Là où certaines femmes se tournent pour chuchoter entre elles et jeter des coups d'œil furtifs. Les hommes reculent d'un pas ou baissent la tête. Une vague de frissons me parcourt à nouveau. Un sentiment devenu malheureusement familier. Jusqu'à ce que je le vois: LUI.


Telle une panthère il se meut à travers la foule. Ses déplacements sont légers et fluides. Ses cheveux tombent en bataille sur son regard fier et impénétrable. Il ne prête aucune attention à ce qui l'entoure. Il marche droit devant lui. Ses épaules moulées dans son costume noir satiné dégagent son élégante chemise blanche. Je tourne brusquement la tête avant d'être démasquée. Il faut que je me sauve. Oui que je me sauve. Le hic c'est qu'il est encore trop près de la porte d'entrée. Faire marche arrière. Retrouver Benoît. Lui dire au revoir et ensuite, oui ensuite quand la voie sera libre je m'éclipse.

-Ma chérie ! Un petit shoot ! s'écrie-t-il complètement éméché.

Je le secoue légèrement pour lui faire entendre raison.

-Benoît j'ai un peu trop bu, je vais y aller.

-Un dernier, un dernier !!! chante-t-il en me tenant l'avant bras.

Sachant que je perdrai moins de temps à obéir, je m'exécute. Ses amis explosent de rire et me suivent. L'alcool monte bien plus vite que prévu et je suis obligée de m'agripper au comptoir pour ne pas perdre l'équilibre. Le brouillard commence à s'épaissir et les voix deviennent échos.

-Une autre tournée par ici !! commande l'un de ses amis.

Soudain une effluve boisée parvient à mes narines. Tous mes sens sont en alerte. Mes poils se dressent. Mon cœur se serre. Je le sens. Il est là, dans mon dos. C'est tout mon corps qui réagit activement à sa présence. Un shooteur passe dans mon champ de vision. Je tourne la tête pour ne pas vomir sur le bar. Mauvaise idée.

Tandis qu'une onde de choc se répand dans toutes les fibres de mon corps,je reste captive de prunelles gris-bleues. Prisonnière de cet océan en colère, toutes mes pensées partent à la dérive. Ce qui m'entoure devient secondaire, le silence : dangereux,l'électricité : palpable. Et soudain, contre toute attente, le mal de mer/de verre me secoue. Ça ne va pas. Nouveau spasme. Ma tête bascule, avant d'être bestialement tirée en arrière, me faisant passer l'envie de régurgiter. Et dans mon tourbillon une voix se détache.

-Mi-nable, grogne la voix masculine.

Enragée,je rouvre les yeux, me dégage de cette poigne de fer, prête à en découdre.

Le feu bouille dans mes veines. J'inspire profondément, tentant de maîtriser cette déferlante qui menace de tout embraser. Mon cauchemar m'assassine du regard. Tous ses muscles sont crispés dans son Armani trader. Un taureau prêt à charger. Narines frétillantes,mâchoire crispée, sourcils froncés. Et soudain, ses yeux obscures quittent les miens, descendent furieusement le long de mon visage,sur mon nez, mes lèvres sur lesquelles ils s'attardent une fraction de secondes, à moins que je ne me l'imagine. Ils longent mon cou et s'arrêtent, indéchiffrables sur...ma poitrine ! Le rustre! Le malappris! Ma main me démange. La fureur est à son comble, il suffirait d'une étincelle...Et là tout s'enchaîne. Sa main plonge dans mon décolleté. Je prends de l'élan. Sa main contrecarre la mienne. Ses doigts filent entre mes seins, en ressortent ma chaîne.Insensible à ma position, il scrute dans les moindres détails mon médaillon. J'attrape ce qui me passe sous la main et...avale un cri lorsqu'il me la broie au vol. Mes mains prises au piège, j'ai récupéré désormais toute son attention. Un rictus dangereux dessine le bas de son visage si parfait. Une masse brune retombent sur ses yeux impénétrables. Pourtant pacifiste, je ne peux me résoudre à le laisser s'en tirer. Je ne sais d'où je tire cette hargne. Je bascule la tête en arrière, y mets tout mon poids,prends tout mon élan, et ... mon dos heurte de plein fouet le bar.Une poigne de fer me bloque les mains. Une autre me coupe la respiration. Un corps puissant me plaque contre le bar. Pourquoi personne ne me vient en aide ? Benoît ? Dionysos ? Je sens l'incompréhension de la situation et l'humiliation me gagner.Alors je fais la seule chose qui me reste à faire, avec la seule partie de mon corps disponible. Je lève le genou et lui assène un violent coup dans sa virilité.

ArèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant