Partie 15

441 40 2
                                    

-Je suis vraiment désolée Thalya, tu sais que je n'y suis pour rien n'est-ce pas ? me demande mon amie en me prenant les mains.

-Je sais bien que ce n'est pas de ta faute Lucie. C'est cette femme !Je ne sais pas ce qu'elle a contre moi. Elle n'avait strictement aucun argument ! Elle me dit qu'il faut se méfier des apparences. Je n'y comprends rien moi. Même ta mère n'a rien su me dire à part « le client est roi et avec un client de cette envergure on hoche la tête et on sourit ». Donc je perds des heures de travail, je vais peut-être devoir chercher un autre travail pour supporter les frais de la maison et de mes études et je souris car cette garce à une dent contre moi ! Ce n'est plus une dent d'ailleurs c'est toute la mâchoire ! Nous explosons de rire toutes les deux.

-Rah Thalya! En tout cas tu sais très bien que tu m'as moi et que si tu as besoin de quoi que ce soit...

Cette fille est vraiment une perle. Pourquoi un tel contraste avec sa mère ? Ce n'est pas que Mircella est une mauvaise personne. Non. Elle a une boite à faire tourner, des comptes à rendre puis un côté carriériste. Sa fille a souvent été relayée au second plan. C'est la raison pour laquelle elle a été embauchée au journal : faire d'une pierre deux coups. Jouer les mères tout en poursuivant son ambition de tenir son propre journal. J'ai envie de tout envoyer promener mais je ne vis ni d'amour ni d'eau fraîche alors j'applique le conseil de Mircella, je me tais et je prends ce qui vient.


En rentrant chez moi, mon corps est sur le point d'imploser tant le besoin viscéral de se vider la tête le consume. Je troque alors ma robe bordeaux contre mon legging et mes baskets et file en direction des quais. A cette saison la nuit tombe bien vite. Les lampadaires ajoutent une éclairage bien singulier aux docks soulignant certains éléments et rendant mystérieux d'autres. En fin de journée à part quelques joggeurs, il n'y a essentiellement que les voitures qui passent sur l'aqueduc du port. Ici tout est redevenu calme. Ce dont j'ai besoin. Je repousse de toutes mes forces le sol pour effectuer un dernier sprint vers le belvédère. Je m'arrête en bout de courses et commence une série d'étirements. Un mouvement furtif en arrière attire mon attention. Je tourne la tête vers un joggeur qui fait demi-tour. Dans la pénombre je crois reconnaître une silhouette féminine et des dreds sur le sommet de sa tête. La foulée est trop rapide, elle ne détale plus qu'elle ne court. Il nem'en faut pas plus pour m'inciter à la poursuivre. Elle accélère,je repousse mes limites. Les mètres se rapprochent, j'y suis presque...Une nouvelle foulée de sa part me distance. Je suis obligée de puiser dans mes réserves pour la talonner. Mes doigts me piquent, mes yeux et mes pommettes me brûlent. Je trouve je ne sais où un nouvel élan d'énergie. Je tend la main sur son épaule. Sans comprendre ce qui m'arrive, en une fraction de seconde, elle me tire la mienne, me retourne et me plaque brutalement au sol. La tête me tourne, le dos me lance.

-Jamais par derrière, cingle-t-elle.

Son genou sur mon thorax, me coupe le souffle. Ses mains me maintiennent au sol. Je gigote, tente de respirer. L'air me fait défaut. Je cherche l'énergie de la repousser. Elle ne bouge que très peu. Je lève à nouveau le bassin pour l'éjecter. Rien. Les étincelles réapparaissent dans mon corps animant ma rage. Je la fusille du regard tandis qu'elle baisse le sien sur mes yeux. Elle ouvre la bouche et n'a pas le temps dé commencer sa phrase qu'elle se retrouve sur le côté. Je me relève. Dieu que cette femme est surprenante. Quelle prise de lutte !

-Excusez-moi si je vous ai fait peur...je commence, avant de reprendre mon souffle, Dieu qu'elle poigne vous avez! Pas étonnant que vous travailliez dans une boite de nuit !

Elle se lève à son tour et se penche vers moi.

-Je le savais ! s'exclame-t-elle.... Je l'ai toujours su ! poursuivit-t-elle si bas que je me demande si je l'ai bien entendu.

Son regard balaie furtivement le paysage derrière moi et avant que je ne comprenne réellement de quoi elle voulait parler elle jette aussi vite :

-Il ne faut pas qu'on nous voit ensemble. Son regard toujours sur mes arrières, elle s'éloigne.

-Mais attendez ne partez pas ! Cali, que vouliez-vous dire par là ?

-Je n'aurai jamais du vous laissez prendre le dossier. Évitez les ennuis, ne venez plus à l'Antique. Faites très attention à vous.J'espère qu'en cas d'urgences, il vous reste quelques réflexes.

-Des réflexes ? Les ennuis ? Mais de quoi me parlez-vous enfin? Je m'énerve. Tout ce que je veux savoir c'est pour quelle raison valable ai-je été démise de ce dossier ?

-Mieux vous en saurez, mieux ce sera.

Je la rattrape par le coude.

-Encore une fois je constate qu'il n'y a aucun argument qui tienne la route.

Elle me paraissait être pourtant quelqu'un de rationnel jusque là. Elle regarde furtivement à droite, à gauche.

Soudain elle m'attrape les épaules et me plaque contre un pignon de maison.

-Thalya croyez-vous aux dieux ?

-Heu, je ne vois pas le rapport avec Jésus.

Elle secoue la tête comme si elle avait à faire à une simple d'esprit.

-Je ne vous parle pas de dieu mais des dieux, s'exaspère-t-elle.

Je hausse les sourcils. Drôle de question.

-Je sais que certaines religions sont polythéistes... je commence.

-Et si je vous disais que les dieux ne sont pas à l'image du dieu parfait, exempt de tous défauts et modèle de toutes vertus comme on s'évertue à nous le faire croire depuis des siècles ? Et si le dieu tel que nos religions monothéistes nous le décrivent n'était idéalisé que parce qu'à une certaine époque les dieux ont cédé aux péchés ? Colère, avarice, luxure, orgueil,avides de pouvoirs, de possessions, de terre, de convertis et de vices ? Que les humains ont eu besoin de croire en un dieu porteur d'espoir qui incarnait toutes les valeurs morales des sociétés et qu'ils se sont glorifiés ces personnages ?

La pression qu'elle exerçait sur mes épaules disparaît, me laissant digérer cette longue tirade.

Mon cerveau essaie de démêler ces paroles, de les mettre dans l'ordre pour suivre un chemin, en trouver un sens. Le temps que je ne relève un regard confus vers elle, elle a déjà disparue.



ArèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant