Chapitre 37 Entrez dans l'arène

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Puis tout s'arrête. La « boobs armur » tombe sur ma poitrine, moulante comme une seconde peau. Horrifiée par cette indécence, mes bras se croisent sur mes épaules, essaient de cacher cette proéminence et nudité de mon ventre. Mes genoux se serrent pour cacher mes cuisses. Il reste peu de place à l'imagination. Repliée dans un coin de la cellule je me permets de lever la tête et constate que la tenue de gladiateur n'épargne personne. Les hommes cuirassés s'immobilisent devant la grille, regardent dans la même direction, semblant attendre la suite des évènements. Soudain, l'écho de pas en approche nous parvient. Dans un même mouvement, les hommes assis se lèvent, ceux devant les grilles se redressent. L'ombre de l'anxiété glisse sur certains visages. L'escadron de toute à l'heure se déploie, forme une haie impénétrable. La porte de la cage voisine s'ouvre. Les prisonniers avancent dans un silence gênant. Un de ceux qui précède un évènement horrible. Lorsque leurs pas lourds s'éloignent, un déclic nous avertit que notre tour est arrivé. A l'instar de nos prédécesseurs, pourtant plus nombreux, on nous passe des chaînes aux chevilles et aux poignées. Je cherche une réponse dans les yeux de la seule personne qui ne me semble pas hostile. Ce dernier tend les mains, semblant accepter son sort, sans manifester le moindre geste de rébellion. Mes poings sont sauvagement tirés, on me passe les menottes et me pousse en avant. D'un même mouvement les hommes se déploient devant, derrière et sur les côtés, nous ôtant, pour ce qu'il en reste, tout espoir de fuite. Des lanternes parsèment le chemin obscure. A mesure que nous progressons la vie extérieure nous parvient, de plus en plus bruyante. Nous aboutissons devant une immense voûte, voie d'accès à une arène surpeuplée, bordée de coupes enflammées. Ma tête se visse et se dévisse stupéfaite de tout ce monde : hommes mais aussi femmes, enfants...L'univers masculin a ouvert ses portes au grand public et nous sommes l'amuse-bouche. Escortés au pied de l'autel nous rejoignons nos prédécesseurs. Leurs regards se posent sur le Titan noir. Même assis il dépasse d'une bonne tête tous les soldats à ses côtés. Une main sous le menton, il passe en revue chacun de nous, s'attardant sur moi. Mes sourcils se froncent. Ma haine se réveille, vicieuse. Mes rancœurs d'avoir été menée ici, chercher asile auprès d'un homme qui me jette dans la fosse aux lions remontent à la surface. La foule est enragée. Les spectateurs hurlent, brandissent leurs bras, scandent des paroles incompréhensibles. Ils gesticulent des menaces de mort. Puis soudain, le silence tombe. Les spectateurs debout se rassoient, les têtes se tournent dans la même direction. Le titan s'est levé, domine l'assemblée. Maître de cérémonie, ses poings s'ouvrent puis se referment imposant le silence. Sa voix grave raisonne dans l'assemblée. Le flot de paroles qui suit est comme toujours incompréhensible. Hués et pointés du doigt nous sommes sur le banc des accusés. La voix devient agressive, emporte les gladiateurs dans l'arène, je le vois aux mains qui se serrent, aux mâchoires contractées et aux regards obscurcis.

- Tuer ou être tué, remuent les lèvres pincées de Rassan.

- Tuer ou être tué, remuent les lèvres pincées de Rassan

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Un amas d'armes échouent avec fracas au pied de l'autel. Puis tout s'enchaîne. La corne de brume raisonne. Les hommes se jettent sur les lames dans des cris barbares. Une main puissante arrache nos chaînes et m'expulse en arrière. Un corps massif pivote sur le sable, s'interposant entre le troupeau qui charge et moi. Mon coeur s'emballe. Un combat à mort. Alors même que je pensais avoir touché le fond, le cauchemar m'aspire, m'attire dans ses abysses. Un coup de talon envoie valser une lame dont je me saisis au vol. Les biceps de Rassan se contractent, ses trapèzes se tendent. Les battements effrénés de mon coeur m'assourdissent et m'assèchent la gorge. N'y aura-t-il donc aucun échappatoire cette fois-ci ? Qui donc peut-il décider de la vie ou de la mort d'un homme ? Quelle sorte d'homme peut-il infliger ça à un autre que lui ? Une collision me tire de ces pensées. Le corps de Rassan repousse les premiers assaillants. Le fer se croise, se rapproche. Mon coeur se serre et mon sang se gorge de peur. Aucun de nous ne mérite la mort. Je me refuse de tuer ces hommes aussi coupables soient-ils à mon encontre. Mes états d'âme sont de courtes durées quand une première morsure m'arrache un cri de rage. Trois hommes tournent autour de moi, attaquent de part en part sans la moindre coordination. Mon instinct de survie se réveille et diffuse son adrénaline dans chaque artère, vaisseau sanguin de mon corps. Je sens ce regain d'énergie circuler, prendre le dessus. Mes yeux étudient chaque pas, chaque mouvement imperceptible au ralenti, comme si j'avais fait ça toute ma vie et que je savais quoi faire. D'un même homme ils chargent épées droit sur moi. J'en repousse un sur le côté, en attrape un autre à la nuque et lui fait plier le genou. Je l'assomme de mon fourreau. Le troisième cherche à percer mes flancs. Le deuxième revient à la charge. Je me recule, ils entrent en collision. Je leur fracasse la tête ensemble. Ils tombent sonnés. En arrière plan les huées et les encouragements du public. Je n'y prête guère attention. Plus loin Rassan est en mauvaise posture. Les épées l'attaquent de toute part. Deux hommes s'agrippent à son dos, tentant de le faire chavirer. D'un coup de fourreau dans la nuque, je fais lâcher prise au premier. Le glaive d'Hercule tournoie dans les airs et fait tomber la tête du second. Les cris du public s'harmonisent à ceux de nos adversaires enragés par leur première perte. Les assauts redoublent de violence. Dos à dos nous repoussons les attaques sans pour l'instant en prendre le dessus. Ils sont trop nombreux et frappent de manière rapide et irrégulière. Je repousse avec rage, sans reprendre mon souffle. Nous ne parvenons pas à nous extraire. Soudain, un manchon trouve le chemin de mon épaule et m'arrache un terrible cri. Une douleur si vive et si intense qu'elle réveille une nouvelle rage en moi. Je balance mon épée, repousse du pied trois hommes et perce un flanc. Nous nous soustrayons enfin à leur emprise et reprenons les assauts. Ma haine chemine jusqu'à ma main et en prend les commandes. Elle tranche une main, saisit le glaive ennemi. Doublement armée elle se lance dans une lutte acharnée contre la moitié de l'effectif restant. J'attaque sans répit, cisaille un mollet, une joue, sans pour autant tuer quiconque. Je m'y refuse et m'y emploie tant bien que mal. Soudain je suis percutée au sol. Une lance me cloue l'épaule, celle là même déjà meurtrie. Une épée siffle à côté de mon oreille. Je l'évite de justesse en roulant autour de mon épaule, ce qui m'arrache un nouveau hurlement. Mes jambes lui font un croche pied et ma tête l'envoie au tapis. Ma main libre retire dans un terrible déchirement la pique qui me retient prisonnière. Un pied me décoche la mâchoire et je retombe sonnée. Un visage flou se penche au-dessus de moi. Mon coeur sursaute alors que son épée s'élance à pleine vitesse vers mon visage. Le son meurt étranglé, mes yeux se figent écarquillés d'horreur. Une lance a arrêté son vol à deux centimètres de mon œil. Elle a perforé la bouche devant moi.

Toute à mon horreur je n'entends pas la corne retentir et signaler la fin des combats sur cette arène rouille sang.

ArèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant