Partie 8

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- Il n'arrête pas de te dévorer des yeux ! Est-ce qu'il t'a dit quelque chose dans la voiture ? me demande Lucie en accueillant le cornet de chichis que lui tend la foraine.

-Tu sais que ça me gène Lucie tout ça. Ne va rien t'imaginer.

- Bien sûr c'est pour ça que tu as mis ta petite robe à sequins, ton perfecto et que tu es en bombe ? Pour pas que je ne me fasse de film et lui non plus!                                                                                            

- Rah je savais que c'était une mauvaise idée ! Je n'aurai pas du.

- Qu'est-ce que j'entends? Tu es canon ! Tu devrais plus souvent te lâcher, tu as des jambes magnifiques ! Les têtes vont tourner ce soir!

Bien évidemment c'est ma meilleure amie qui me dit ça avec sa taille 34,sa poitrine moulée dans une robe noire et blanche. Sa chevelure brune qui suit la courbe de ses épaules nues, qui retombe le long de ses manches longues noires et qui arrive au niveau de ses hanches parfaites, soulignées par sa jupe blanche cintrée. Elle a tout du mannequin fantasmagorique. Soyons clairs, je ne suis pas jalouse,juste réaliste. Si les regards se tournent vers quelqu'un c'est sans nul doute sur elle. Femmes et hommes d'ailleurs.


Nous retrouvons les garçons près de la grande boule.

-Souhaite-moi bonne chance, lui souffle Brice avant de lui voler un baiser.

Les forains descendent les barrières des garçons. Ceux-ci changent quelques blagues histoire de masquer le stress qui monte. Sur le côté les flèches rouges s'allument progressivement, signalant l'avancer du décompte. Soudain grand silence puis POF ! Il n'y a plus que les cris des deux hommes « viriles » ainsi que de notre Benoît qui compatit.

Leur exploit accomplit, les garçons décident de s'affronter au tir à la carabine. Finalement on ne les arrête plus.

Lucie me tire le coude et relève la tête en direction d'une petite yourte illuminée. A l'entrée se tient une jeune foraine aux longs cheveux bruns.

-Tu m'accompagnes, jette-t-elle.

-Lucie tu sais ce que j'en pense de ces choses là.

-Que ce ne sont que des charlatans et réellement, dans le fond tu as peur que quelqu'un ne t'apprenne des choses sur ton passé.

Aie. La flèche atteint sa cible.

-Tu vas dépenser ton argent pour rien, maugréai-je

-Comme tu viens de le dire c'est le mien donc tu t'en fiches et si ce n'est que du vent de quoi as-tu peur exactement ? Viens je te dis, ce n'était pas une question.

Sans trop me laisser le choix elle m'entraîne vers la jeune femme.

-Elda va vous recevoir suivez-moi.

Nous découvrons une pièce tamisée éclairée par une dizaine de bougies disposées près des seuls éléments présents : un miroir sur pied ainsi qu'une écuelle d'eau sur la table.

-Prenez place, je vais la prévenir, chuchote la foraine.

A l'intérieur de la tente nul bruit extérieur n'alterne le silence pesant qui s'installe durant l'attente.

Une main se pose sur nos épaules. Une vieille femme contourne à tâtons la table puis prend place en face de nous. Visage creux et ridé,regard vide, je devine qu'elle est aveugle. Ses mains lissent les plis de sa blouse avant de se poser délicatement sur la table.

-Bonsoir mesdemoiselles.

Premier échange de regard, surprises de sa perspicacité.

-Les destins sont tracés, l'homme peut choisir d'en suivre le fil ou de s'en écarter c'est le libre arbitre. Afin de conserver cet équilibre vous n'obtiendrez qu'une réponse. Faites le tri,choisissez-la. Gardez-la pour vous. Elle doit être partout en vous. Si ce n'est pas le cas, cela ne peut fonctionner. Laquelle des deux souhaite commencer ? demande-t-elle ses yeux braqués sur moi.

-Oh non, je... j'accompagne juste.

-Depuis toujours vous possédez la clé qui ouvre la porte sur votre passé. Ôtez-la et vous obtiendrez votre futur.

Étrangement ses paroles énigmatiques réveillent quelque chose en moi. Ses yeux vitreux se baissent sur mes doigts qui tripotent inconsciemment mon médaillon. Comment arrive-t-elle à voir tout cela ? Elle hoche la tête pour m'encourager à le passer par dessus ma tête.

- Voyez-vous ce grand miroir derrière moi? Allez vous placer devant chacune votre tour. Ayez en tête et partout en vous votre question.Faites le vide autour. Ne dîtes plus rien.

Nous échangeons un regard mi-dubitatif, mi-intrigué avant de nous diriger vers le miroir « magique » . Lucie se lance la première. Je la regarde, elle, le miroir, le miroir, Lucie. Avec la pénombre je ne discerne ni les traits de son visage ni son reflet dans le miroir. Elle semble comme happée, loin de nous. Les secondes et les minutes défilent sans un bruit. Le vide s'est fait autour de nous et une certaine angoisse me surprend en constatant que tout second degré de cette expérience a déserté l'atmosphère. Je saisis un bref mouvement. Lucie hoche la tête en direction de son reflet, se tourne vers moi et m'encourage d'un mouvement de tête. Elle retourne s'asseoir tout aussi silencieuse et j'avance incertaine. Mon cœur s'emballe. J'ignore si je vais trouver la scène ridicule d'avoir attendu « un miracle » ou bien trembler devant ce que je pourrais y voir. Je lève les yeux pour y croiser les miens. Je tourne la tête vers la voyante, insatisfaite d'être trompée. Celle-ci a disparu. Lucie a disparu. A la place je me confronte à un lit à baldaquin dont les voiles blancs flottent au gré du vent. Au loin, la porte fenêtre s'ouvre sur l'écho de l'océan. Je me détourne et croise à nouveau la jeune femme vue en songe. Celle drapée de blanc, aux longs cheveux cascadant le long de son dos. Les mêmes mains effleurent la ligne de mon cou et y glissent mon médaillon.

-Joyeux anniversaire Thalya, me répète la voix virile et chaude.

Je m'aventure à lever les yeux et croise les siens, ombrageux de l'autre côté. Ils me terrifient autant qu'ils m'attirent. Il faut que je sache. Qui est-il ? Produit de mon imagination, vague souvenir ? Que veut-il ? Pourquoi revient-il sans cesse ? Je me retourne expressément. Cette fois je le tiens ! Mon cœur tambourine en me tournant. Je vais enfin obtenir ces réponses. Mes yeux se sont fermés pour me donner un  répit de courage. Je les rouvre. Je suis prête. Mais la voix n'est plus qu'un murmure, une parenthèse dans ma réalité. Suis-je folle ? Lucie me dévisage de l'autre côté de la table. Je ne sais déchiffrer son expression.

Je me sens stupide soudain. Ici tout est inchangé. Je la rejoins à table.

-Dans bien des cas la réponse se trouve juste sous nos yeux. Elle nécessite simplement d'orienter un regard et de se formuler la question pour y trouver ce que l'on cherche. Avez-vous su seulement trouver ?


Lucie esquisse un léger sourire. A peine ai-je secoué la tête que les prunelles vides de la vieille dame se figent sur moi. Dans un même mouvement mes mains sont tirées en avant. Une décharge me parcourt les avants-bras, se répercute dans toute mon épine dorsale, des vagues électriques s'ébrouent dans tout mon dos,remontant jusqu'à mes temps, m'arrachant un cri. Un grand flash m'éblouit.

Plus rien.

ArèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant