Partie 31

358 25 1
                                    

La lumière agressive tente de percer le rideau de cils. Mes paupières se débattent avec ce caléidoscope de couleurs aveuglantes. Lorsqu'elles s'y acclimatent, il fait désormais jour. Je découvre autour de moi les ruines de la maison dans laquelle je me suis évanouie. Je porte automatiquement la main à mon épaule. Un long filet de sang séché atteste que je n'ai pas imaginé une blessure désormais introuvable. J'examine mes doigts...mes doigts....c'était quoi ça? On aurait dit qu'ils créaient une sorte de filament électrique. Comment est possible? Je me redresse courbaturée et enjambe les décombres de l'entrée. Dehors le soleil est à son apogée et se reflète sur un décors sensiblement identique. Il fait tellement beau que ça en est impoli dans tout ce chaos. Des ruines. Beaucoup de ruines bordent l'agora, des corps la couvrent. Trop de corps. Ma gorge se serre. Au delà du sang, des cadavres, des membres déchiquetés, des entrailles, quelque chose remue en mon fort intérieur. Un malaise. Une dérangeante sensation de «déjà vu» qui se propage dans tout mon être. J'essaie de la comprendre, de saisir ce qui me semble si proche et qui reste inatteignable. Malgré les avancées, si je peux appeler toutes ces découvertes ainsi, je sens qu'elles sont la face visible de l'iceberg et que tout un pan reste à percer. Pour l'heure, c'est à l'extérieur qu'il règne une grande agitation. Sur la place, les soldats et hommes robustes chargent les dégâts dans des carrioles tirées par d'immenses chevaux. Des familles se sont attroupées autour pour constater la gravité de la situation. Certaines, valises en mains, s'apprêtent à trouver refuge ailleurs. Il est temps pour moi de trouver la brigade dont faisait mention Arès. Toutes les pancartes étant inscrites en langue inconnue. Retrouver l'auberge et ma valise releva de mon sens de l'orientation. Malheureusement dans le cas présent il ne m'est en rien utile et rares sont ceux qui parlent ma langue. Après avoir sillonné le village tout entier je décide de demander l'aide à deux femmes soldats en patrouille. Les deux femmes se regardent et échangent quelques mots en langue inconnue. Puis l'une s'adresse à moi.

Que pouvons-nous pour vous? Nous avons à faire, me presse-t-elle avec un accent prononcé.

Je dois me rendre à la citadelle.

Le regard qu'elles échangent ne m'échappe pas. Le sourcil brun de la seconde se lève, méprisant. Elle me toise de haut en bas avant de répondre à mon interlocutrice. Celle-ci se retourne vers moi.

- C'est impossible de vous y escorter. Vous êtes une femme.

- Oui jusque là nous sommes d'accord, je lui rétorque légèrement agacée.

La seconde presse la première, lui balance un flot de paroles incompréhensibles.

- Vous n'êtes pas d'ici visiblement. Vous faîtes erreur, les femmes sont entraînées à Nikè, il n'y en a aucune sur le camp de la Citadelle.

- Je dois y retrouver Andréas, m'y accompagnerez-vous? 

L'autre tapote du pied impatiente ce qui semble irritée la première qui finit par céder.                      - Peut importe, vous y serez refoulée à peine aurez-vous mis un pied à l'entrée. Suivez-nous ou restez-ici mais ne nous ralentissez pas, le convoi va partir.

Sans plus un regard, les deux femmes se remettent en route d'un pas cadencé. Nous arrivons bien vite à la limite de la ville où un barrage de soldats y contrôlent les sorties. Les familles sont installées dans des carrioles, d'autres sont remplies uniquement d'hommes vaillants et armés. Je comprends que ceux ci sont amenés à rejoindre les rangs. Les deux femmes se divisent. La plus aimable m'incite d'un mouvement de tête à la suivre et s'arrête près d'une roulotte àpeine chargée. Après avoir échangé quelques mots avec un vieux soldat, visiblement en charge du véhicule, elle revient vers moi.

- Vous partirez sous peu pour rejoindre Eleusis, là ou tout commerce se fait. Les convois de réquisitionnés rejoignent les mercenaires. De là vous partirez pour la Citadelle.

ArèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant