chapitre 46

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A contre jour, je distingue seulement les contours d'une stature taillée, aux épaules musclées, perchée sur un percheron. Il a revêtu son armure musculaire brune ainsi qu'une jupette en lanières sur son pantalon noir. Deux yeux bleus océans se détachent en premier de l'ombre. Son visage tout entier s'avance vers moi. Il reprend:

- te voilà face à un dilemme : les traces s'arrêtent ici. Gauche ou droite?

Je n'en crois pas mes yeux. Ce regard indéchiffrable, ces cheveux coupés courts la veille. Cela ne peut-être lui. Léandre m'a dit qu'ils étaient tous partis en éclaireur.

- il est bien rare de ne pas t'entendre, ajoute-t-il, un léger sourire se dessinant pour la première fois à la commissure de ses lèvres.

- je... reprenant mes esprits et un semblant de dignité, je rétorque quelque chose, tout sauf ma surprise et petite joie interne, si je savais où ils vont , où vous allez...

- cela t'avancerait-il? As-tu une carte où une connaissance approfondie des chemins ? 

Un point pour toi Rassan.

- cela pourrait influencer la prise de décision.

- au sanctuaire de Poséidon.

- Poséidon ? Je reprends en m'étranglant presque avant de reprendre contenance. Si nous allons chez le dieu des océans, il semble logique de suivre la rivière.

Hochement de tête, il me tend la main.

- que fais-tu ? Je lui crie presque dessus.

- nous testons ton hypothèse, élude-t-il sans se départir de son indifférence

- je veux dire: qu'est-ce que tu fais ici ? Vous êtes censés être tous partis depuis plus de deux heures.

- de toute évidence ce n'est pas mon cas, ajoute-il sans répondre une nouvelle fois à la question

Je sais que je n'obtiendrai pas plus de réponses. J'observe cette main tendue. En plus de la situation embarrassante de voyager à dos de cheval avec lui pour une durée indéterminée je repense aux paroles de Léandre " certains ont pensé que tu avais du mal à quitter le lit". Après une soirée comme celle de la veille, si on nous voit arriver sur la même monture les conclusions vont aller bon train. Mes yeux font des vas et viens entre cette main et ce visage dont les sourcils commencent à se froncer d'impatience.

En même temps quel autre choix ai-je?

A peine ma main glisse dans la sienne que je suis hissée.


Assise derrière mon compagnon, j'essaie de poser mes mains partout sauf sur ses hanches. Je tourne la tête afin que mon menton cesse de venir effleurer sa nuque et ses larges épaules lors des nids de poule. La situation est suffisamment embarrassante. Le silence qui s'est vite installé n'arrange pas. A moins que je ne soi la seule à percevoir la situation ainsi. Mon compagnon s'est toujours montré très mystérieux. Je suis forcée de reporter mon attention sur le paysage à couper le souffle durant le trajet. Nous avons beau avoir choisi de suivre l'eau plutôt que la forêt, forcée de constater qu'à mesure que nous remontons la rivière nous pénétrons un peu plus dans la forêt. L'eau s'écoule en cascades entre les roches plates qui nous approchent peu à peu des grandes montagnes que nous apercevons. Le chemin est désormais si étroit que je doute que les charrettes aient pu passer par ici. Je nous ai induit en erreur.

ArèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant