Partie 14

486 39 6
                                    

En entrant dans l'open space du Delivery ce matin je me demande à quelle sauce je vais être mangée. Nathan et Brice, trop absorbés à fixer la porte de réunion, ne prennent pas la peine de me saluer.Bien rapidement je constate que tout le bureau semble être sous tension à attendre que la porte s'ouvre. Étrange. Je trouve sur mon bureau de nouvelles annonces à travailler pour demain. J'allume l'ordinateur et me consacre à la rédaction.

-Je suis amoureux mec ! Le coup de foudre !

Je souris en entendant la déclaration de Brice. On peut dire que c'est une affaire qui roule pour Lucie. J'en suis heureuse. Je lève le nez de mon ordinateur lorsque je vois un café se poser devant mes yeux. Lucie toute pimpante n'a pas pris le temps d'enlever son manteau et s'est dirigé droit vers moi. Je tourne alors la tête vers les garçons qui ne prêtent toujours pas attention à nous. Mais alors... ?

- Salut Thalya, je nous ai apporté deux cafés. Désolée j'ai été très prise cette semaine. On n'a même pas eu le temps de débriefer samedi dernier. Hum mais qu'est-ce que ça sent bon ce matin ! Maman a du changer de parfum. C'est si fleuri, si gourmand.

Je fronce les sourcils interloquée. Mais qu'est-ce qu'elle me chante ? Au contraire je n'ai jamais trouvé que cela sentait aussi mauvais :une odeur de fruits pourris.

Soudain la porte s'ouvre et chacun fait mine de travailler.

-Thalya en salle de réunion. Brice un macchiato avec une pointe de noisette pour la réunion. Lucie dans mon bureau maintenant, ordonne Mircella avant de rejoindre son bureau. Je regarde Lucie perplexe : avions-nous une réunion ce matin ? Elle hausse les épaules. Je ne suis pas plus avancée.

- Depuis ce matin ils sont comme ça ! J'ignore si c'est une mannequin ou bien une actrice mais elle leur fait tous tourner la tête ! Faut dire qu'un physique comme celui là on ne l'oublie pas! Je crois que c'est la plus belle femme du monde ! C'est peut être miss Univers ! Elle a une telle classe, un tel magnétisme et tu sens ce parfum ?m'informe Natacha la secrétaire.

Décidément! Qu'est-ce qui ne tourne pas rond aujourd'hui? Je vais en être bientôt informée car j'obéis et me dirige vers la salle de réunion sous les yeux envieux de mes chers collègues.

Mon appréhension première se transforme en pressentiment lorsque j'entre. Ce n'est pas le bodyguard noir au symbole tribale sur sa tempe droite qui le fait naître. C'est la femme de dos, face à la fenêtre. Un tailleur jupe gris anthracite qui souligne ses courbes parfaites. Une capeline noire, assortie à ses collants, masque un chignon dans sa nuque. Les secondes paraissent des minutes avant qu'elle daigne se tourner. Mon pressentiment gagne du terrain. Mon corps se tend dans l'attente de quelque chose que j'ignore mais que lui seul semble savoir.

-Asseyez-vous,m'ordonne une voix féminine d'un ton sans réplique.

Ne sachant ni quoi faire d'autre ni la raison pour laquelle j'ai été convoquée j'obéis. Cet ordre n'est pas anodin. Il fait en sorte que je me sente en situation d'infériorité. Elle se tourne enfin. Malgré les épaisses lunettes noires je reconnais immédiatement la femme de samedi soir. Celle que j'ai surprise dans la loge. Sa tête se penche de haut en bas, remonte de bas en haut. La garce ne retire pas ses lunettes et croises ses bras gantés sur son chemisier blanc, se donnant encore plus un petit air supérieur. Je n'aime pas cette femme, non je le déteste. Je hais les gens qui font tout pour vous faire sentir comme des moins que rien. Un rictus mauvais déforme les traits de son visage parfait. L'animosité est réciproque.

-Alors c'est bien vous...Thalya, ajoute-t-elle d'un air dédaigneux.

Un drôle de remous me parcourt le haut du corps. Que veut-t-elle dire par là ?

Elle ôte enfin ses lunettes pour plonger son regard émeraude dans le mien. Ses yeux ont beau être magnifiques ils sont aussi froids que l'Antarctique.

-C'est moi en effet, je réponds simplement.

Ma présence ici n'a-t-elle pas un lien quand même avec la scène à laquelle j'ai assistée ? C'est ridicule mais je ne vois pas pour quelle autre raison je suis ici.

-Ça je le vois mais est-ce bien vous justement ? me jette-t-elle hautaine en s'asseyant sur le coin de la table. Elle penche son visage vers moi. Ses yeux cherchent dans les miens la réponse à sa question énigmatique. Je ne comprends rien.

Un toc à la porte détourne son attention. Brice me tire de cette situation embarrassante en apportant un café. Le pauvre, je ne l'ai jamais vu si troublé, qu'il fait trembler le plateau. La main de la blonde se pose sur la sienne, qui s'apaise aussitôt. Leurs regards se croisent. Ceux de Brice ont l'air hypnotisé. Pas une seule fois il en cligne des yeux, ni ne bouge. Youhou ! J'ai l'impression de voir Mowgli devant Kaa le terrible serpent. Elle hoche la tête comme pour le récompenser puis claque des doigts devant son nez pour le sortir de sa transe. Brice me regarde sans comprendre.

-Heu si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas, bredouille-t-il avant de refermer la porte.

Je ne l'ai jamais vu si peu sûr de lui. Que lui a-t-elle fait ? Elle se tourne à nouveau vers moi, reprenant cet air glacial.

-C'est donc vous qui travaillez pour moi- toujours cette supériorité insupportable

-C'est bien moi qui ai écrit l'article sur l'Antique, je rectifie.

-Qui travaillait, se reprend-t-elle, ne faisant cas de ce que j'ai dit.

Je hausse les sourcils, ne voyant où elle veut en venir, et craignant de perdre le contrat qui d'après ma patronne assure encore ma place au sein du journal.

-Voyez-vous j'aime savoir qui j'embauche et dans votre cas...et bien je ne vous sens pas du tout !

Je m'étrangle. On ne peut être plus direct. Qu'est-ce que c'est ce préjugé sans même prendre la peine de me connaître ? Même si je dois avouer ne pas être irréprochable non plus.

-Et bien vous m'en voyez navrée si dans ma manière de travailler j'ai fait quelque chose qui vous a déplu. Il m'a semblé que l'article avait répondu à vos attentes. La soirée de lancement m'a paru être une réussite.

-Le paraître voilà ce qui m'amène à vous aujourd'hui. Les apparences sont souvent trompeuses et je tenais à vous dire que je suis une experte en la matière. Je ne sais pas qui vous êtes vraiment, ni pour qui vous vous prenez ou chercher à vous prendre mais je vous ai à l'œil. Restez loin de l'Antique.

Je n'ai pas le temps de répondre que la porte s'ouvre à nouveau sur Mircella et ses talons de dix centimètres. Elle est suivie de Lucie qui me jete un coup d'œil...contrit ? Sa mère ne me prête aucune attention.

-Madame Aphrodite je vous présente ma fille Lucie.

Aphrodite, la déesse de la beauté ? Avec un nom pareil pas étonnant de ne pas se sentir le nombril du monde ! Personne ne fait plus attention à moi et j'ai l'impression d'être de trop.

-Je vous assure que Lucie comblera parfaitement vos attentes et se montrera disponible à tout moment. Je vous remercie du fond du cœur de nous laisser une nouvelle chance. Vous ne le regretterez pas je vous l'assure, Dixit Mircella la lèche-botte en puissance.

J'aimerai comprendre de quoi je suis coupable mais j'ai l'impression que je n'aurai pas le droit à une explication qui tienne la route. De plus je suis devenue transparente, le moment pour moi de m'éclipser. Un pas discret par le seuil de la porte et je m'enf...


-Thalya dans mon bureau et tout de suite ! me stoppe Mircella.

ArèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant