Partie 8:

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Chez les Fall, l'ambiance était morose.
Depuis qu'elle est arrivée, maman Marieme faisait des vas et viens devant un papa El hadj calme, le visage impassible.

Maman Marieme : El hadj, Gora m'a appelé et m'a raconté ce qui est arrivé à ma fille, qu'avez-vous fait d'elle.

Papa Elhadj: ah tu es au courant que ta fille est allée dénicher une grossesse.

Maman Marième : ça ne répond pas à ma question. Où est ma fille parce que je ne la trouve nulle part. Que lui avez vous fait ?

Marieme semblait déboussolée. À son arrivée, elle n'avait pas trouvé sa fille à la maison et ça la mettait dans tous ses états. Elle se demandait ce qu'avait encore fait son tyran de mari. Et ce qu'elle pressentait n'était rien de bon.

Papa Elhadj: Je vois que le fait que ta fille soit tombée enceinte ne te dérange pas du tout. C'est normal, telle mère telle fille. Mais vous n'allez pas continuer à faire la pute dans cette maison. Ta fille, je l'ai virée de chez moi et si t'a quelque chose à y contester, la porte est grande ouverte.

Maman Marieme : Non, tu n'as pas osé faire ça.

Papa El hadj : Ben si je l'ai fait, j'ai d'autres enfants et j'aimerais pas qu'il leur arrive la même chose. Aussi dorénavant, je veillerai personnellement à ce que mes filles ne sortent de la maison qu'avec mon autorisation. Les règles vont changer dans cette maison. Sur ce bonne nuit.

Elle se laissa glisser sur le canapé. C'en était trop pour elle, pour sa fille. Bien qu'elle soit tombée enceinte et ait anéantie ses espoirs, elle reste tout de même sa fille, la chaire de sa chaire, celle qu'elle avait mis au monde. Elle a donc un devoir de protection envers elle. Elle commençait à regretter de l'avoir donné en mariage. Pourtant elle croyait bien faire mais c'est aujourd'hui qu'elle se rend compte que non.
Bien décidée, elle sortie de la maison avec l'espoir de retrouver sa fille.

Aïssatou Fall

J'erre dans les rues depuis je ne sais combien de temps.
J'aurais jamais cru mon père capable de me faire ça.
Chasser sa fille de seulement quinze ans et enceinte également. Ne dit-on pas que les mineurs ne sont pas responsables de leurs actes.
Et j'ignore même là où j'ai fauté.
Je ne sais même pas d'où me vient cette grossesse. Grande fut ma surprise quand le docteur me l'a annoncé car je n'ai jamais connu un homme à ce que je sache. À part les rares fois où j'ai flirté avec Karim, je n'ai jamais permis à un homme de me toucher. Aussi, jusque là, je pensais être toujours vierge car je n'ai jamais senti avoir perdu ma virginité.
Alors cette grossesse reste tout bonnement une énigme pour moi.
Si seulement ma mère était là, peut être qu'elle m'aurait défendu. Non j'exagère, elle aurait sûrement, comme à son habitude encouragée mon père dans ses délires. Depuis que je suis née, je ne l'ai jamais vu lui tenir tête, pas même une seule fois. Et avec cette grossesse, elle doit vraiment m'en vouloir, c'est mort !

Je ne sais même pas depuis combien d'heures je marche, ni où je me trouve.
Je m'arrête devant un jardin public et vais m'asseoir sur un banc.
J'ignore où je vais aller, mais ce n'est pas chez quelqu'un de ma famille. Ils sont tellement dévoués à mon père qu'ils n'accepteront jamais de me prendre sous leur tutelle, de peur de le vexer.
Aussi je n'ai aucun ami ici. À part Mamour je ne fréquentais personne. Comme il me manque, les choses auraient été tellement différentes s'il avait été là.

J'y suis restée jusqu'à la tombée de la nuit avant de reprendre mon chemin avec la petite valise que j'avais en main. Mon ventre criait au secours, donc je me suis arrêtée devant une boutique pour m'acheter à manger avec le peu d'argent que j'avais sur moi.

Ce jour là, j'ai dormi sous un pont. Seule, au milieu de nulle part, anéantie, exposée à tous les dangers.
On me l'aurait dit il y'a quelques mois, j'y aurais jamais crû.
Comme quoi, nul ne sait de quoi demain sera fait ; nous ne manions pas les fils de notre vie :nous en sommes les pantins. Il nous faut accepter le lot qui nous incombe, et prier que tout s'arrange au mieux.
J'ai réfléchi toute la nuit à ce que j'allais faire. J'ai décidé d'aller chercher du travail, peu importe ce que je trouverai, pourvu que j'aie un toit et de la nourriture.
Le lendemain au réveil, j'ai pas trouvé ma valise. On a sûrement dû me la voler. Heureusement qu'on a pas pris la monnaie que j'avais attaché à mon pagne.

Toute la journée, j'ai parcouru les boutiques et magasins. Personne n'a voulu me prendre juste parceque j'étais sale et mes habits tous chiffonnés. Certains me regardaient avec pitié, d'autres avec dégoût, d'autres encore avec méfiance, suis sûre que ceux là me prenaient pour une voleuse.
Pendant trois jours d'affilée, je parcourais Dakar et je n'avais toujours pas trouvé de travail.
L'argent que j'avais fini et je n'ai rien mangé depuis hier. Je ressemblais aussi à rien car je ne me suis pas baignée depuis lors.
Aujourd'hui, suis dans la banlieue pour voir. Je parcours les maisons et les " salamalikoum, beugo lene diank" s'enchaînent.
À Grand Mbao, je m'arrête devant une grande maison avec une vaste cour. J'y trouve une femme de l'âge de ma mère entourée de plusieurs gosses, sûrement les siens.
Moi: Bonjour madame, je cherche du travail, vous ne voulez pas une bonne.

Elle me regarde de bas en haut puis de haut en bas.

Elle: biensûr que j'en cherche.

Je fais un alkhamdoulilah tout doucement avant de m'avancer vers elle.
Elle : Gnata ngay bindo ( tu veux quoi comme salaire.

Ça j'y avais pas pensé.

Moi: 50.000 madame

Elle : C'est trop cher, la maison n'est pas grande, en plus il n'y a pas beaucoup de personnes juste mes enfants, mon mari et moi, on est une petite famille . Tu dois seulement faire le ménage, le linge et t'occuper de mes enfants dont certains sont là et en plus t'es petite, je doute que tu puisses faire grand chose. Je te paierai 30.000, c'est ça ou rien.

Je meurs, elle minimise tout ce boulot là et elle dit qu'elle a une petite famille. Et ces six paires d'yeux que je compte là qui ne sont que "certains " de ses enfants ; mais je dois quand même accepter, j'ai pas le choix.

Moi: OK c'est bon.

Elle: D'accord, donc tu peux venir demain.

Moi: Euh madame, est-ce que je peux commencer aujourd'hui si cela ne vous dérange pas.

Elle: Oui, si tu veux.

Moi: Aussi j'aimerais passer la nuit.

Elle: Ah ça non, je n'ai pas d'espace ici. Toutes les chambres sont occupées par mes enfants et je ne vais pas laisser une inconnue dormir avec eux.

Moi: S'il vous plaît, si vous avez de l'espace ; le salon, un petit coin où poser ma tête la nuit. Je n'ai aucun endroit où aller. Je vous en supplie.

Elle: D'accord, tu dormiras dans la cuisine.

Moi: la cuisine ?

Elle: C'est à prendre ou à laisser.

Je hoche la tête.

Moi: Ok, d'accord.

Les Voix Du CoeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant