Partie 38

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Déjà plusieurs mois que Karim était parti, l'ambiance était presque toujours la même à Dakar à part les disputes incessantes qui continuaient de confronter le couple Mamour/Binette.
Au fond du gouffre, ils y étaient en ce moment. Rien qu'un tout petit malentendu pouvait soulever des tensions débordantes. Ils étaient arrivés au point de non retour. Et pourtant, la pauvre Binette n'avait pas pour autant cessé d'aimer son mari. Il lui arrivait même parfois d'essayer de le séduire à nouveau, mais tous ses plans tombaient toujours à l'eau.
Mamour n'avait d'yeux et d'oreilles que pour Aïcha, et c'était un fait inchangeable.
Par moments, il ne voulait qu'une chose, lui avouer ses sentiments pour, ne serait-ce que voir sa réaction. Mais il redoutait fort cette même réaction...


Aïcha

Je dépose mes courses sur une table à l'entrée et appelle Fatou, ma bonne.

Moi: Range ça dans le réfrigérateur.

Elle: Oui madame.

Je trace ma route pour monter à ma chambre, mais elle m'interpelle.

Elle: Madame, il y'a deux filles qui vous attendent depuis tout à l'heure dans le salon.

Moi: Je n'attends personne moi. Tu les connais ?

Elle: Non, je ne les ai jamais vues ici.

J'ignore qui ça peut être car je n'ai pas beaucoup de connaissances ici. Je pénètre dans le salon et, le choc que j'ai eu en voyant Maguette et Seynabou assises confortablement sur MON canapé !

Moi: Bonsoir.

Elles me répondent en chœur et me mattent bizarrement comme la dernière fois.
Je me contient tout de même et m'assois en face d'elles.
Comme j'en doutais, c'est Maguette, la plus osée depuis toujours qui prend la parole en premier.

Elle: Aïcha, nous sommes venues parceque tu es notre sœur. On ne peut ni te jeter, ni éjecter ce même sang qui coule dans nos veines. Depuis qu'on t'a revu, on ne fait que t'attendre. Ce qui nous dérange c'est pourquoi cet abandon, pourquoi tu ne viens jamais à la maison. N'oublie pas que tu as un père, des sœurs qui t'aiment énormément et qui ne veulent que se réconcilier avec toi.

Seynabou: Je ne vais pas en rajouter beaucoup, juste que nous voulons nous réconcilier avec toi et que tu saches que même en étant une dame, tu seras toujours avant tout notre sœur.

Je restais figée sur place sans savoir quoi dire à ces deux énergumènes. Ébahie, je l'étais, encore plus choquée par tant d'aplomb.
Je refaisais ma posture pour ne pas craquer et refermais encore plus mon visage.
A la fin, je décidai de ne pas ressasser le passé et de me reprendre car ces personnes n'en valent pas la peine.

Maguette: Aïcha, ait un peu de respect pour nous. Nous nous sommes déplacés jusque là pour toi. Alors, prends au moins la peine de nous écouter.

Moi: C'est parce que je n'ai rien à dire à des gens comme vous. Premièrement, vous n'êtes pas les mieux placées pour me conseiller quoi que ce soit. Secundo, je vais vous rafraîchir la mémoire pour vous remettre dans le bain ; aux dernières nouvelles, vous, vôtre mère et cet homme qui vous sert de père avez tout fait pour me virer. Alors, commencez par vous excuser d'abord. Pas la charue avant les bœufs. Sur ce, vous pouvez refermer la porte en sortant, je reviens d'une dure journée de travail et j'ai besoin de me reposer.

Je tournai les talons après ces mots.
Ces filles ne changeraient jamais. Elles sont toujours ces pestes avec qui j'ai grandi.
Je monte voir Ginette qui était là depuis plusieurs jours.
Quand je la regarde, une peur sombre m'envahit. Elle est devenue tellement vieille. A soixante quatorze ans, elle était toujours pleine de vitalité, mais je songe perpétuellement à l'inévitable car nul n'est immortel. Surtout quand on a vécu un certain nombre d'années, il nous arrive d'attendre la visite de la mort comme celle d'une vieille connaissance.
En attendant, je profite largement de sa présence et surtout de cette sagesse qu'elle m'inculque de jour en jour...

Narrateur externe

Frustrées autant que suprises, Maguette et Seynabou avaient fini par rentrer chez-elles. Toutes leurs espérances venaient de tomber à l'eau, surtout qu'elles avaient nourris des rêves fous une fois réconciliés avec Aïcha.
En voyant la situation financière de Amina et maman Marième aussi changée grâce à elle, elles aussi se disaient qu'elles pourraient en profiter au même niveau. Le seul hic, c'est qu'elles n'avaient pas employé les bonnes méthodes pour établir une entente.

De l'autre côté, insultes, cris et pleurs se faisaient entendre. En gros, le carnage total.
Mamour et Binette s'étaient pour la énième fois disputés pour on ne sait plus quelle raison car même une toute petite chose pouvait les opposer.

Mamour: Je regrette tellement de t'avoir épousé. Je pensais bien faire pourtant.

Binette: C'est réciproque monsieur. Tu n'es pas l'homme que j'ai aimé Mamour. Tu es devenu si agressif. Ton manque d'amour me ronge.

Mamour: Ne viens pas me dire cela Binette. Tu étais en connaissance de cause le jour où tu m'as épousé.

Binette: Le pire c'est que j'étais tellement aveuglée par mon amour que j'ai tout laissé passer. Ton manque de considération, de respect, tes colères sans fondement, et toutes ces nuits où tu as découché. Tu m'as toujours prise pour une conne depuis le début.

Mamour: Au contraire, c'est toi qui a tout foutu en l'air avec tes plaintes et accusations.

Binette: Pour l'amour de Dieu Mamour quand est-ce que tu décidera d'enfin porter tes couillons et reconnaître tes torts pour une fois...

Mamour: SURVEILLE TON LANGAGE !

Le jeune homme était furieux et Binette semblait apeurée. Elle pleurait de plus belle. Elle réalisait enfin la faute qu'elle avait faite en épousant un homme qui n'en avait rien à faire d'elle.
Le pire, c'est qu'elle voulait rester car elle l'aimait plus que tout et savait au fond d'elle que son mari n'était pas quelqu'un de mauvais, juste qu'elle n'était pas la femme qu'il lui fallait.
Mais, sa raison et son égo lui susurraient autre chose et c'est ce qui lui semblait le meilleur pour eux deux ainsi que pour leur bien et leur avenir.

Elle: Tu sais quoi Mamour, y'en a marre de tout cela. Je pense que tous les deux on mérite bien plus que ça. Je me barre !

Mamour: Eh ben casse-toi, personne ne te retient.

Elle accourut vers sa chambre, prit une valise qu'elle fit négligemment et passa devant Mamour.

Il se laissa tomber sur le canapé une fois que sa femme passa la porte.
Il aurait voulu certainement que cela se passe autrement, mais ce qu'il ressentait était bien plus fort que lui, bien plus que fort que ce chapitre qui venait de se refermer...

Les Voix Du CoeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant