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25 Décembre 2013

Je suis assise sur le fauteuil alors que mon frère et ma mère sont sur le canapé en face de moi, la table basse nous séparant. Eux deux regardent la télé alors que moi je les fixe. Ils rigolent en mangeant tout ce dont j'ai préparé cette après-midi alors qu'eux faisaient je ne sais quoi. Si je ne vivais pas ici, si je ne les connaîtrais pas et que je serai totalement spectatrice de cette scène sans connaître de détails, je me serai dit qu'on dirait une famille lambda, avec juste le père absent. Mais je connais la vérité, je sais qu'en vrai ça ne va pas, qu'on est tous peser par le fait de vivre à trois, par l'alcoolisme de ma mère, par mon frère qu'est souvent absent lui aussi, passant son temps entre son travail, sa copine et ses amies.

Et moi, j'en sais trop rien, ma vie est vide de tout.

C'est dans ce genre d'instant que je me dis que j'ai eu raison de suivre Coline à ce concert seulement parce que ça m'as fait voir autre chose et rencontrer de nouvelles personnes. M'enfin, soyons tranquille, je sais bien que je les reverrai jamais, mais parler à d'autres personnes, sortir de ma zone confort et tout le bordel; au final c'était pas une si mauvaise idée que ça.

En parlant de Coline, j'ai seulement reçu un message d'excuse le lendemain, le reste du temps elle est quotidiennement venue sonner chez moi, et comme j'étais tout le temps seule et que je n'ouvrais pas, elle finissait par partir. Sauf aujourd'hui où elle est pas venue, étant sûrement chez sa grand-mère maternelle pour les fêtes de fin d'année. J'ai d'ailleurs eu de la chance avec mon frère, Anil, il n'a même pas remarqué mon absence, de ce que j'ai compris en discutant avec lui le lendemain, il a dormis chez sa copine et n'est pas rentré à la maison pour se changer, ayant déjà ce qu'il lui fallait là-bas. De mon côté j'ai fait une quasi nuit blanche à rire et à débattre sur pleins de sujets différents avec tous ces mecs, jusqu'à 6h où on est tous tombés de fatigue. Finalement je me suis réveillée en sursaut à 10h, par Alpha et Antoine qui faisait du bruit dans la cuisine pour préparer du café. On a finit par laissé les autres dormir et ils m'ont accompagné à la gare la plus proche. Deux heures après grand max j'étais couchée dans mon lit, un nouveau livre dans les mains.

-Bah tu manges pas ?

Je relève la tête vers ma mère qui vient de me questionner alors que je l'avais baisser, me laissant me faire emporter par mes pensées.

-Euh non j'ai pas très faim souriais-je doucement. Je vais pas tarder à aller dormir de toutes manières repris je

Mon frère fronce alors les sourcils.

-Ça va ?

Je fais un signe de tête, l'air de dire que oui, ça va, ajoutant à ça oralement que je suis seulement crevée. Je me lève alors de mon siège, attrape une olive que j'avale, leur fait un signe de main avant de m'éclipser dans le couloir, puis dans ma chambre. Je sais bien qu'ils doivent se dire que j'abuse, qu'on est quand même Noël et tout le bordel mais la vérité est que je m'en fous. La date ne change rien aux problèmes de la vie qu'on essaye de supporter sans sombrer depuis des années.

Une fois un large t-shirt enfilé en guise de pyjama, je m'engouffre sous mes couvertures et attrape mon téléphone pour regarder ce qu'il se passe sur les réseaux sociaux sur lesquels je suis pas allé de la journée. Je crois que comme j'ai pas d'amies, je trouve pas l'utilité d'y aller, du coup, mon portable me sert clairement pas à grand chose qu'on se le dise.

En allant sur Twitter je tombe sur mon fil d'actualités sur un tweet d'un garçon qui raconte s'être fait agresser dans la rue avec son copain, parsemant tout ça d'insultes homophobes. Je pourrais être en rogne, mais j'ai pris la triste habitude d'être habituée à lire ça. Je sais que ça arrive, et ça me choque même plus. Par la suite je tombe sur une sorte de thread de questions, je les lis alors, y répondant dans ma tête. En lisant la question sur l'orientation sexuelle qu'on a je m'arrête.

Je me suis jamais posée cette question.

Ça me paraît logique, on aime un ensemble, une personne, ce que quelqu'un dégage, pas réellement le sexe de la personne. Faut pas être divin pour comprendre que n'importe qui peut aimer n'importe qui. C'est une question d'alchimie. Même la fille la plus lesbienne sur Terre peut un jour vivre un coup de foudre avec un homme, j'en suis certaine. Du coup je me suis toujours dis que mon coeur irait vers qui il veut. Malgré que je me dois de l'avouer, mes yeux regardent bien plus facilement une fille qu'un garçon, je sais pas trop pourquoi, mais disons qu'en ce moment, si j'aurais un mec et une fille qui crush sur moi, je donnerai plus de chance à la fille.

Ou je ne sais pas, tout me paraît hyper flou, et je vois pas tant que ça des couples lesbiens à chaque coins de rues. J'ai comme l'impression qu'un homme gay, on peut le frapper, l'insulter et tout le bordel car c'est soit disant contre nature, mais une femme gay, l'imaginer avec une autre, c'est excitant et ça devient un fantasme pour certains. Et au fond, je crois que c'est ça qui me révolte, mais ça c'est mon côté féministe un peu plus présent et affirmer chez moi qui ressort. Mon orientation sexuelle est, je pense, trop floue pour que je me sens apte à m'affirmer vraiment. Comme si mon avis n'était pas légitime.

Alors que je m'apprêtais à approfondir le sujet avec moi-même, une nouvelle notification sur Twitter me fait hausser un sourcil de surprise. En cliquant je tombe dans la case des demandes de messages et c'est avec encore plus de surprise que je découvre un message de Benji d'1995.

De @DarryZeuja1995 : Yo meuf! Hésite pas la prochaine fois que t'es sur Paname on s'capte, tous les gars t'ont kiffer ;)

Je comprends pas trop pourquoi il m'envoie ça, je compte pas les revoir, et je compte encore moins retourner dans Paris seule. Surtout qu'on a absolument rien à partager, on a six ans d'écart alors je comprends vraiment pas de quoi on pourrait parler tous ensemble au fil du temps où on se verrait. Puis surtout, ils sont rappeurs, soit leur ascension va s'arrêter net et tout le monde va les zapper, soit ils vont continuer leur petit chemin dans la musique et donc leur public va s'élargir. Et si y a bien une peur que j'ai : c'est d'être entourée de personnes ""connues"". Ça m'angoisse, être entourée par quelqu'un qui doit faire attention à ses faits et gestes, qui est constamment jugé sur la place public et lyncher sans aucunes peines en cas de bad buzz. J'aime être dans mon coin et pas dérangée, et tout ça, c'est clairement le noyau de mes angoisses.

Alors je vais faire comme j'ai l'habitude de faire quand je ne sais, justement, pas quoi faire : je vais fuir, ou plutôt éviter pour le coup. C'est pourquoi je quitte la conversation sans répondre, de toutes façons il ne verra pas que j'ai vu son message.

En pensant à ça, une illumination me vient : mais comment il a fait pour trouver mon compte Twitter lui d'ailleurs ? Après tout je veux même pas savoir, il a dû fouiller. Puis moi aussi j'ai pas été maline, mon prénom est littéralement dans mon @, niveau discrétion on repassera pour le coup.

M'enfin, je vais jouer au roi du silence, et ça sera très bien comme ça. Je vais reprendre mon train-train quotidien, on se reverra plus jamais et ça sera très bien pour tout le monde. Ils m'ont beaucoup appris en une nuit, mais pour autant, j'estime que toutes bonnes choses ont une fin; et bien là, c'est la fin.

•••

Du coup bah dernier chapitre de la semaine, je vous ai pas zappé, et pour la suite je pense y en aura toujours minimum 2, après je verrais si je monte à 3, voilou

J'espère que ça vous a plu et je vous dis sûrement à lundi pour la suite

De L'autre Côté [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant