— Ton impression, Morga ?
— Ils nous cachent quelque chose. Tu as vu la façon dont ils ont réagi à la mention de l'homme aux yeux blancs ?
— Oui...comme si nous venions de leur rappeler un désagréable souvenir. Il faudra tirer cela au clair. Mais pour l'instant, contentons-nous de nous diriger vers leur "dépotoir".
Les deux chevaliers marchaient tranquillement côte à côte. Une fois passé la sortie du quartier général des Noirelames, Morga ne put s'empêcher une remarque acide.
— Charognes puantes... Que les morts les emportent...
Elle était très contrariée. La façon dont les Noirelames traitaient les morts l'écœurait au plus haut point. Bien qu'elle ne soit pas croyante comme beaucoup de ses compagnons d'arme, elle demeurait cependant attachée à la spiritualité qui entourait le panthéon Baesléen, en particulier du culte lilluéen. Peu importait ce qu'ils avaient été de leur vivant, les morts méritaient un tant soit peu de respect et le droit aux rites funèbres, même s'ils devaient se limiter au strict minimum. Walther était moins émotionnel que Morga sur le sujet. Il était habitué depuis toujours à ce type de point de vue et avait simplement fini par l'accepter. Il avait prit tant de distance avec ces sujets qu'il apparaissait sans cesse comme froid et indifférent. Il s'en souciait mais ne laissait simplement pas ces pensées embrumer son jugement.
Le duo évolua dans des galeries pour la plupart éclairées pendant une vingtaine de minutes. Située au nord de la cité, la salle vers laquelle il se dirigeait était considérée comme l'une des mieux conservées des ruines d'Agrisa. Le long du parcours, Walther et Morga croisèrent un bon nombre de contrebandiers, pour la plupart affairés au traitement des nombreuses marchandises entassées dans les couloirs.
Sur la fin du trajet, les torches, moins nombreuses, plongèrent la zone dans une lumière beaucoup plus tamisée. Les galeries se firent plus larges, hautes et riches en décors architecturaux. Le lieu tout entier respirait la noblesse même si celle-ci apparaissait décrépie et noircie par les affres du temps et les ravages des pillards.
Walther et Morga bifurquèrent sur la gauche puis sur la droite au bout d'une dizaine de mètres. Ils montèrent une série de cinq marches avant de déboucher sur une petite antichambre sombre aux fresques décrépies.
— C'est ici ?
— Oui... Allons-y.
De l'autre côté de la pièce, face à eux, se trouvait l'entrée du "dépotoir" des Noirelames. Que les contrebandiers aient ainsi fait usage de ce lieu peinait Walther. Cette salle était l'une des plus belles et des mieux conservées des étages supérieurs de la cité souterraine. Il y a trois ans, lui et Garance avaient accompagnés deux archéologues et un historien pour en étudier les bas-reliefs. Garance serait aussi chagrinée que lui de ce triste résultat.
La grande porte en bois sculptée était ouverte. Fortement endommagée, un des ses battants ne tenait plus sur ses gonds et reposait depuis longtemps contre un mur. L'antichambre dans laquelle ils se trouvaient avait jadis servit de hall d'entrée à une demeure importante, tant par sa taille que de par le rang de ses défunts occupants. De part et d'autre de la pièce, de nombreuses autres portes menaient au reste de la noble bâtisse.
Le duo s'avança vers la grande salle du fond puis passa la porte. La salle rectangulaire dans laquelle il pénétra était immense et faisait au moins trois fois la taille de la pièce précédente. C'était la première fois que Morga y mettait les pieds. Ce qui la frappa le plus en entrant furent les bas-reliefs qui couraient sur l'ensemble des murs, du sol jusqu'au plafond. L'historien de passage, un certain Melavran d'Ovronelle, avait conclu qu'une majeure partie représentait des évènements de grande ampleur survenus vers la fin de la quatrième Ere. Les autres dépeignaient des épisodes moins importants, concernant la vie de tous les jours.
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Toi qui apportes la nuit
FantastikLes légendes parlent des Abysses comme d'une vision sombre et tordue du monde, comme d'un cauchemar éveillé dont nul ne pourrait s'échapper. Dans leurs sillages ne se trouvent que mort et désolation et les rares survivants qu'elles laissent derrière...