Chapitre 6 (2/4)

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Depuis son retour à l'hôtel Portelune, Garance n'avait encore rien dit à personne. Elle avait réussi à supporter son état bien que son mal de tête et la fatigue se fassent de plus en plus insistants. La mage ne voulait pas inquiéter les siens. Cependant, son silence eut l'effet inverse.

Elle se trouvait dans le réfectoire, attablée aux côtés de sa belle-soeur Louise et de son fils Emile. A sa droite, son neveu s'amusait avec un puzzle sur lequel le dessin d'une forêt avait été tracé au fer rouge. Ces jeux étaient étaient chers pour de simples citoyens mais le père de Louise, un riche marchand de l'est d'Essenie, avait offert ce précieux objet à son petit-fils lors d'une de ses visites en début d'année. Elle observa Emile jouer pendant quelques minutes. Une fois parvenu à placer la dernière pièce, il leva les bras au ciel, un air triomphant sur le visage. Près de lui, Louise le félicita tout en applaudissant. Le jeune garçon aimait tant ce jeux qu'il ne tarda pas à le défaire et à s'atteler une nouvelle fois à la tâche. Garance sourit ; le voir s'amuser ainsi était toujours des plus agréable pour elle.

De par ses cheveux noirs et ses yeux verts, William avait hérité du physique de leur mère, contrairement à Garance qui tenait plus de Sinclair. Son grand frère était installé dans son fauteuil face à l'épaisse cheminée du réfectoire. Il observait sa femme et son fils tout en souriant, un regard aimant sur le visage. A d'autres instants, sa petite soeur était l'unique sujet de son intérêt. Depuis son retour, elle semblait mal en point et fatiguée. Il s'inquiétait pour elle, d'autant plus qu'elle lui avait à peine adressé la parole. Qu'avait-il donc bien pu arriver cet après-midi pour la mettre dans un tel état ?

Un peu plus loin, Sérion et Morga faisaient tout deux leur rapport à Walther à l'écart de la table principale, permettant d'épargner à Louise et Emile les sombres détails de la journée. Le commandant-en-second avait le menton posé sur ses mains jointes. Walther était très attentif aux moindres détails, en particulier ceux concernant la façon dont les gens autour d'eux se comportaient. Avec les récents évènements, il n'était pas surprenant qu'il redouble de prudence.

Sérion lui expliqua en détail le déroulement de l'après-midi, depuis leur départ de l'hôtel jusqu'à leur retour. Il apprit à Walther la livraison de la lettre de Sinclair à Alan Marxus avant d'insister sur l'ensemble des détails qui l'avait interpellé. Il lui fit part des inquiétudes de Garance, de l'étrange expédition des nains dans les souterrains et du sceau brisé du cinquième sous-sol. Il n'omit pas non plus de mentionner ce mystérieux personnage aux yeux blancs dont le jeune orphelin avait parlé. Tout le long, l'expression de Walther demeura impassible. Il tachait de n'omettre aucune information. Mais cette concentration ne l'empêchait pas de jeter de temps à autre un coup d'œil inquiet en direction de Garance. Il voyait bien que quelque chose n'allait pas. Dans le même temps, l'elfe conclut son rapport en parlant de la confrontation entre Garance et l'énergie abyssale rémanente du cinquième sous-sol. Il avait désormais connaissance de l'état de sa subordonnée et cela le rassura. Morga buvait son verre de vin tout en écoutant Sérion. Enfoncée dans son siège, elle parut aussi plus soulagée. Soupirant, elle posa son verre puis refit l'attache qui maintenait ses cheveux marrons en une courte queue-de-cheval.

Parmi les femmes de l'hôtel, Morga Ilbarn était la plus reconnaissable de toutes, de par le cache-œil en cuir noir qui lui couvrait l'œil gauche. William se jouait parfois d'elle en disant qu'elle ressemblait à un de ces pirates que l'on pouvait trouver dans les histoires destinées aux enfants. Elle en riait toujours, même si elle éprouvait une certaine nostalgie à l'égard de son œil. La jeune femme l'avait perdu dans la forêt de Lugram, après que le convoi marchand dans lequel elle se trouvait avec sa mère et un de ses frères n'eût été attaqué par une bête. Malheureusement pour elle ce jour là, elle perdit bien plus que son œil. Son frère fut estropié et sa mère mourut dans ses bras.

Toi qui apportes la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant