Chapitre 3 (4/5)

15 3 0
                                    

La jeune femme sursauta à ses mots puis ouvrit la porte. Embarrassée de s'être faite prendre, elle pénétra dans la pièce les joues légèrement rosies.  

Le bureau de son père se situait à l'arrière du bâtiment, placé à l'abri des regards indiscrets. En dépit de sa petite taille, il s'agissait d'un lieu familier pour Garance, une pièce accueillante où l'on se sentait bien. Les murs étaient pour la plupart recouvert d'étagères remplies d'une multitude de parchemins et manuscrits variés. Les épais rideaux sombres à l'arrière avaient été tirés afin d'offrir un peu plus d'intimité au maître des lieux. Pour lui, il était important d'éviter tout regard non désiré.  

Au milieu de la pièce, de part et d'autre du bureau en bois précieux, se trouvait Sinclair Mortis et Walther Balfein, son second. L'adjoint avait une carrure impressionnante. Chauve, son faciès aux traits durs était traversé en diagonale par une première cicatrice tandis qu'une deuxième, plus fine et plus petite, couvrait le coin gauche de sa bouche. Il était grand pour un humain, toisant la jeune femme de presque deux bonnes têtes. L'homme se tenait debout, son manteau de cuir marron sur le dos et son chapeau coincé sous le bras gauche. Il portait sous son vêtement encore humide un plastron ouvragé frappé du blason de la Légion, un corbeau aux ailes déployés. Les ancêtres des Mortis étant à l'origine de la création de leur ordre, il n'était pas surprenant de les voir partager ainsi un de leur symbole, à la fois porteur de vie et de mort.  

Le père de Garance lui faisait face assis dans son vieux fauteuil tapissé de cuir. Vêtu d'un épais pourpoint en cuir, il tenait en mains une missive en provenance du Domaine Hautelune, un pays sous contrôle de la Légion situé au centre du continent alenois et au nord-ouest de l'Essenie.  

Garance referma la porte puis s'avança jusqu'à son bureau.  

— Je suis navrée père. Je n'avais pas l'intention de vous épier de la sorte. J'ai simplement été surprise d'entendre la voix de Walther. (Elle tourna sa tête vers lui.) Nous nous attendions tous à ne te voir rentrer que demain soir.  

— Un pli urgent pour ton père de la part du haut commandement. Le messager qui me l'a délivré a insisté sur l'importance de son contenu. Je suis rentré aussi vite que possible.  

— C'est ce dont vous parliez plus tôt n'est-ce pas ? Cela avait l'air assez préoccupant.  

— Ça l'est mais ne nécessite en rien que tu t'inquiètes à titre personnel.  

— Je vois...  

Garance se tut, un peu déçue qu'il ne se montre pas franc avec elle. Bien que le contenu de cette lettre ne soit pas réservé à ses yeux, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il avait un lien avec les récents événements.  

Walther observa la réaction de la jeune femme en silence. Il n'était pas dupe. Comme il le pensait, elle se doutait bien de quelque chose. Après tout, il avait été son mentor pendant plusieurs années, avant que son père ne reprenne la main pour achever son apprentissage. Il savait qu'elle était loin d'être stupide. Ignorante de nombreuses choses, c'est vrai, mais pas stupide. Garance était là pour faire son rapport certes, mais une petite voix lui disait qu'autre chose motivait sa présence. Il décida donc à les laisser discuter entre eux. Peut-être en verrait-il plus tard le résultat. Il salua la jeune femme qui lui rendit son geste en souriant. Walther couvrit sa tête de son chapeau puis sortit de la pièce.  

La mage se tourna vers son père. Sinclair replia la lettre et la plaça sur un coin de son bureau non loin d'un petit encrier en argent. Il posa ensuite ses coudes sur la surface du meuble et joignit ses mains avant de déposer son menton sur ses dernières. Un léger sourire apparut sur ses lèvres. Il se remémora vivement leur arrivé en ce royaume, treize ans auparavant. Celle qui n'avait été à l'époque qu'une enfant abattue par la mort brutale de sa mère était devenue une jeune femme forte et indépendante doublée d'une mage de guerre prometteuse. Et de cela, il en était fier, fier qu'elle s'en soit si bien sortie en dépit des obstacles. Mais ce sourire fit vite place à une expression autrement plus sérieuse. Le moment était mal choisi pour de la nostalgie.  

Toi qui apportes la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant