Le Bibliothécaire relisait un vieux tome d'herboristerie lorsque son apprenti frappa enfin à la porte de son bureau.
— Maître Alan ? Le seigneur Mortis est ici.
— Ah, parfait. Entre, je te prie.
Le Sage referma le livre et le déposa à la droite de son bureau, au dessus d'une pile composée de cinq autres ouvrages. Sa pipe dans la bouche, il expira une petite bouffée de fumée.
Galbali ouvrit la porte. Il se tourna vers Sinclair tout en indiquant de la main le bureau de son maître.
— Après vous.
Sinclair le remercia et se dirigea vers le fond de la salle. Galbali ferma la porte des lieux, puis usa du sortilège habituel de son maître. Une fois cela fait, il alla s'installer près des fenêtres, un peu à l'écart des deux hommes. Il tourna ensuite son regard vers la rue où il y repéra une figure familière. Adalric de Gontelme, un des membres de la garde royale et subordonné direct de Baldwin Thralond, le connétable du royaume, se tenait debout adossé à un mur, dévorant tranquillement une pomme de la main gauche. Son regard allait et venait entre la porte d'entrée et les fenêtres du premier étage de la Bibliothèque, où les trois hommes se trouvaient actuellement. Galbali ne dit rien à son maître, celui-ci était déjà au courant de sa présence.
— Que se passe-t-il donc à la fin, Alan ? Cela est bien la première fois que tu envoies ton apprenti me chercher si tôt de bon matin, lui demanda Sinclair, la voix empreinte d'une certaine inquiétude.
Juste avant de lui répondre, le Sage l'invita à prendre place dans un des deux fauteuils placés face à son bureau.
— Je suis désolé mais... J'ai estimé qu'il fallait que tu sois au courant le plus vite possible. Les "rumeurs" des massacres dans les royaumes de Mirbre et de Ranaes ont atteint les oreilles du roi dans la semaine. Cependant, j'imagine que tu devais quelque peu t'en douter.
— Il est vrai que certains membres de la garde royale n'ont pas été des plus discret à cet égard.
Dans la semaine, ses hommes lui avaient en effet fait part de l'hostilité grandissante des gardes et du fait qu'ils n'aient pas cessé de décourager les habitants de la capitale de faire appel à la Légion. Jusqu'à présent, les gardes avaient plus ou moins tût leur désamour, se contentant de nombreuses petites provocations sans grandes conséquences. Jamais la situation entre les deux partis avait-elle été aussi tendue. Sinclair ne souhaitait nullement voir les choses dégénérer en bain de sang comme ce fut malheureusement le cas il y a trois jours, à la frontière de l'empire de Soram, à l'est de Ranaes et de Mirbre . Tentant de fuir les deux pays, de nombreux légionnaires y avaient laissé leur peau ; quatre morts étaient à déplorer du côté des Chevaliers noirs. Cette déplaisante nouvelle lui était parvenue la veille, des mains d'un messager de la forteresse Merina, située dans le nord du royaume.
Alan déposa sa pipe dans une petite coupelle en étain puis prit une profonde inspiration. Le trouble de son ami ne lui avait pas échappé. Le Sage aurait grandement préféré que les nouvelles soient meilleures ; il avait conscience des enjeux pour Sinclair et les membres de sa Maison.
— J'ai bien essayé de plaider en ta faveur lors de la session d'hier après-midi, au même titre que les représentants des cultes de Lilua et de Lothrean, mais le roi n'a rien voulu entendre. Son choix était fait depuis longtemps. Je crains qu'il n'ait désormais trouvé la légitimité de vous faire expulser de ses terres, et ce, de manière définitive.
— Ne t'en fais pas, Alan. Cette nouvelle est certes...problématique mais guère surprenante. Je savais pertinemment qu'il ne tarderait pas à être au courant et qu'à partir de cet instant nos jours ici seraient comptés. (Il soupira.) J'aurais simplement aimé que les choses aillent moins vite mais elles sont ce qu'elles sont. Et aussi pénibles soient-elles, je me dois de faire avec.
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Toi qui apportes la nuit
FantastikLes légendes parlent des Abysses comme d'une vision sombre et tordue du monde, comme d'un cauchemar éveillé dont nul ne pourrait s'échapper. Dans leurs sillages ne se trouvent que mort et désolation et les rares survivants qu'elles laissent derrière...