Chapitre 1 (2/2)

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Garance les observa du coin de l'œil, l'air amusé. En tant que Chevalier noir, elle avait l'habitude de constater ce genre de réaction. Depuis toujours, les membres de la Légion, à laquelle elle appartenait, étaient loin de jouir de la meilleure des réputations auprès du commun des mortels. Une réputation principalement due aux rumeurs et aux vérités déformées colportées à leur sujet. Le fait qu'un grand nombre de ses mages de bataille soient aussi de fervents adeptes de la magie noire n'améliorait en rien la situation. Et Garance n'échappait pas à cette tradition, mage des ombres et des ténèbres qu'elle était.

La jeune femme tourna à nouveau son regard vers Luberth.

— Et bien, il semblerait que je sois la seule à ne pas trouver cela amusant.

— Menteuse. Ils t'agacent mais tu ne rates jamais une occasion de les faire tourner en bourrique.

— Justement parce qu'ils m'agacent.

Le tavernier rit de nouveau. Entre temps, Garance avait fini son breuvage et posé le gobelet vide face à elle sur le comptoir. Luberth le récupéra tout en souriant avant de le plonger dans un second baquet, rempli d'eau savonneuse. Le sourire jusqu'aux oreilles, il répondit à la remarque de la jeune femme.

— Je comprends mieux pourquoi William a préféré s'occuper de vos parchemins en attente ce soir. Il semblerait qu'aucun autre chevalier n'ait eu envie de s'en charger.

— Et oui, à mon grand regret. Même Morga, souvent prête à m'aider, n'a pas hésité un seul instant à se défiler lorsque Père lui a expliqué en quoi le travail de ce soir consistait. Traîtresse, finit-elle par ajouter en souriant.

— Tiens, puisque l'on parle d'elle ! Tu sais où elle se trouve actuellement ?

— Je te l'ai dit tout à l'heure, elle est dans les souterrains avec Sérion.

— Oui, mais où précisément ?

— Dans le troisième sous-sol, quelque part au nord de la capitale, dans une zone sous les remparts, vu que la cité souterraine s'étend au-delà. Pourquoi veux-tu le savoir ? Tu as besoin que je lui transmette un message ?

— Par curiosité et oui, il y a bien un message.

— Je t'écoute.

— Si jamais tu viens à la croiser cette nuit, dis bien à mon ingrate de fille que son vieux père aimerait bien la voir plus souvent qu'une fois toutes les deux semaines. Et j'ai aussi un second message pour elle, de la part de ses frères et sœurs. Selon eux, un petit coup de main à la taverne ne serait pas non plus de refus, plaisanta-t-il.

— Ses frères et sœurs qui demandent de l'aide à la taverne ? Mais vous êtes déjà six par les Dieux... Quelle famille... Ce sera chose faite, dit-elle en riant à son tour.

— Bien... Quant à toi, je pense que tu ferais mieux d'y aller. Tu ne voudrais quand même pas forcer ces pauvres villageois à vivre dans la terreur une nuit de plus. Ce serait là bien cruel de ta part.

— Ah ! Nos amis villageois n'ont guère besoin de fantômes pour les faire trembler dans leur sommeil. De simples mots tels qu'"impôts" ou "sécheresse" sont amplement suffisants. Mais enfin, qu'importe. Plus tôt j'aurai réglé cette histoire et plus tôt j'irai dormir.

Garance se leva du tabouret en bois. Elle sortit quelques pièces d'une pochette en cuir marron attachée à sa cuisse droite et les étala sur le comptoir. Elle régla ainsi sa consommation de la soirée.

— Bon, sur ces belles paroles, je vais y aller.

— Passe le bonsoir aux autres de notre part.

Toi qui apportes la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant