Chapitre 5 (4/4)

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Le hurlement de son ami la ramena à la réalité. Reprenant le contrôle de son corps, elle exécuta deux pas en arrière après un léger sursaut. Son coeur battait à tout rompre. Après quelques secondes d'absence, elle se rapprocha vivement de l'ouverture et observa à nouveau le couloir. Il était vide et silencieux ; il n'y avait plus de squelette ou de ricanement sinistre.

Instinctivement, la jeune femme se remit à pousser le battant de la porte de toutes ses forces. Au prix d'intenses efforts, les deux chevaliers parvinrent à clore l'accès. Une fois le symbole de nouveau complet et aligné, il s'illumina brièvement d'une vive lumière blanche. Le sceau était de nouveau en place et à pleine puissance.

Pour Sérion, Garance se figea quelques secondes, l'esprit ailleurs. Il avait crié son prénom de nombreuses fois tentant de la sortir de sa transe mais n'y parvint qu'à sa quatrième tentative. Il avait eu peur pour elle car c'était la première fois que la mage était confrontée directement à l'énergie abyssale. Ce type de réaction n'était pas rare lors d'une première confrontation. Les gens, comme hypnotisés, pouvaient parfois souffrir de violentes hallucinations. L'elfe y était habitué depuis longtemps. A l'instar des autres vétérans de la Légion, il pouvait soutenir sa présence sans avoir à subir les conséquences néfastes des premières fois. Mais même s'il la sentait moins oppressante, elle demeurait toujours.

L'énergie abyssale n'était que la présence fantôme de la Souillure, corruptrice et mortelle. Ressentir cette énergie signifiait en général deux choses. Soit la Souillure avait été présente et l'on en ressentait son fantôme, soit elle était en train de s'installer et l'on en sentait les signes précurseurs. Dans le cas présent, la Souillure n'était plus depuis longtemps. En tout cas, c'était ce que Sinclair et Alan affirmaient.

Sérion soupira longuement. Le front posé contre la porte, il se détendit petit à petit. Son amie était hors de danger. Ils l'étaient tous les deux. Cependant, Garance était loin d'être aussi apaisée que lui. Le dos collé contre la paroi, elle glissa lentement jusqu'au sol. L'adrénaline, retombée pour de bon, laissa place à l'angoisse. Elle replia ses genoux et ses bras contre sa poitrine et se recroquevilla sur elle-même. Le regard dans le vide, elle ne disait rien et tremblait. Sérion se redressa et l'observa quelques secondes. Il s'assit à côté d'elle puis la pris dans ses bras. Il savait à quel point ce genre d'expérience pouvait être traumatisant. Bien qu'il n'ait pas su exactement ce qu'elle avait vu, l'elfe se devait au moins d'essayer de la réconforter. C'était là tout ce qu'il pouvait faire.

Garance serra ses poings jusqu'à ce que ses phalanges virent au blanc. Elle avait envie de hurler. La jeune femme faisait ce qu'elle pouvait pour reprendre le contrôle de son souffle et calmer les mouvements accélérés de son coeur. Elle ferma les yeux pendant de longues secondes puis prit une profonde inspiration. Au bout de trois minutes, sa respiration commença à reprendre un rythme normal.

— Garance... Quoi que tu ais vu à l'intérieur...sache que cela n'était pas réel. L'énergie abyssale était des plus prégnantes mais... Le couloir était vide. Tu as probablement dû halluciner étant donné que c'est la première fois que tu y es confrontée.

Sérion retira son bras des épaules de son amie. Il espérait qu'elle ne subirait pas trop d'effets secondaires. Mais si nausées et vertiges venaient à advenir, elle se devrait de les endurer comme son frère et Morga avant elle.

— Et...je suis désolé. Tu avais raison depuis le début. Il y avait bien quelque chose d'anormal vu que la porte était... (Il soupira.) Pardon, mon amie.

Il se sentait honteux d'avoir douté de Garance. Il espérait qu'elle lui pardonnerait.

— Mais...maintenant que la porte est fermée, les choses devraient rentrer dans l'ordre. Tu te sentiras peut-être mieux dans les jours à venir...

Soupirant, Garance finit par se redresser à son tour. Elle desserra ses bras et les posa sur ses genoux.

— Ne t'excuse pas, Sérion. Je ne t'en veux pas.

Elle pensait ce qu'elle venait de dire. Même si elle s'était agacée plus tôt, la jeune femme n'était pas du genre rancunière.

Sérion lui sourit.

— Merci... Comment tu te sens ? Un peu mieux ?

— Oui, mieux... J'ai encore...quelques frissons mais...cela devrait aller, lui répondit-elle tout en rouvrant ses yeux.

L'elfe acquiesça de la tête. Il se leva puis tendit la main en direction de Garance.

— Nous ferions bien de partir. Nous en avons fini avec les spectres et je ne tiens pas à tomber sur une des patrouilles des guerriers squelettes. En tout cas, pas après ce qu'il vient de se passer.

La jeune femme prit la main tendue puis se leva à son tour. Une fois debout, le duo avança vers le fond de la salle où se trouvait l'un des chemins qui le ramènerait à la surface. Les deux chevaliers se dirigèrent vers une galerie différente de celle qu'ils avaient empruntée à l'aller.

Elle repensa à sa rencontre récente et se retourna une dernière fois en direction de l'imposant sceau.

Une hallucination ? Vraiment ? Tout cela m'a pourtant paru si réel... Il a même prononcé le nom de mère...

Garance soupira puis secoua doucement la tête. L'elfe avait probablement raison et son inconscient lui jouait certainement des tours. Elle essaya de s'en persuader même si au plus profond d'elle, une petite voix lui murmurait le contraire.

La mage finit par détourner le regard au bout de quelques secondes puis continua de suivre Sérion jusqu'à la surface.

Toi qui apportes la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant