Garance constata la première le soudain changement d'ambiance. Reconnaissant par la suite l'origine de cette sensation si familière, elle rengaina vite son épée puis se mit à courir. A cet instant, ce fut comme si son frère et Sérion n'avaient plus eu la moindre importance. La jeune femme avait réagi presque inconsciemment et ses deux camarades derrière elle ne purent rien faire pour l'en dissuader. Inquiets, à la fois pour Garance et pour ce qu'il se passait non loin d'eux, ils parcoururent précipitamment les derniers cent mètres.
Le trio s'arrêta brusquement une vingtaine de mètres après avoir passé le porche d'entrée. Là, au loin, une figure se tenait debout dans le noir et la brume. La main tendue vers la porte du cinquième niveau, elle leur tournait le dos.
— Mais c'est qui celui-là... chuchota alors Garance, étonnée de cette présence.
William et Sérion ravalèrent tout deux un hoquet de surprise et ne dirent rien. Méfiante, la mage dégaina de nouveau son arme.
Trente mètres plus loin, la figure se retourna lentement, sans prononcer un mot. Dans sa gestuelle, rien n'avait laissé transparaître sa surprise initiale. Elle semblait au contraire détendue, comme si le groupe ne l'avait jamais troublé de sa présence. Cette figure était parfaitement visible dans la pénombre car, à l'exception de ses bottes et de la large ceinture en cuir noir qui lui cintrait la taille, l'ensemble des vêtements qui l'habillait étaient d'un blanc immaculé.
L'inconnu finit par s'avancer dans leur direction, pas à pas, croisant les mains dans son dos. Sans s'en rendre compte, Garance recula elle d'un pas. Quelque chose au sujet de cette présence la rendait nerveuse. L'homme s'arrêta finalement à une dizaine de mètres du trio.
Avec la courte distance et leurs compétences propre, les membres du petit groupe parvinrent à observer plus clairement le visage de l'inconnu. Ses traits fins témoignaient d'une froide beauté. Dans son épaisse chevelure noire coiffées en queue de cheval, de nombreuses fines mèches blanches se retrouvaient éparpillés un peu partout sur l'ensemble de la longueur.
— Ses yeux... murmura Garance.
Ses iris étaient blancs et aussi immaculés que sa tenue. A leur vue, le groupe fit immédiatement le rapprochement avec le sombre individu des bas-fonds. Chacun se mit en garde, prêt à agir si nécessaire. La surprise était totale. Cet homme était la dernière personne qu'ils s'étaient attendus à trouver ici, en ces lieux, et du peu qu'ils en avaient entendu, mieux valait ne pas le sous estimer.
Mais pouvait-il vraiment être qualifié "d'homme" ? Il était grand, presque deux mètres de haut, et malgré son apparence physique, sa taille et la couleur de ses yeux faisaient quelque peu douter Garance quant à son humanité.
Voyant qui se tenait en face de lui, un petit sourire froid vint orner le visage de Valion. Voilà une rencontre qui le ravissait particulièrement. Toisant les trois Chevaliers noirs du regard, un air méprisant finit par s'imprimer sur sa figure. Pour une raison que le groupe ignorait, l'homme en face d'eux semblait leur porter une haine profonde.
—Tiens, tiens, les enfants de Kaerolyn Mortis. Mais quelle charmante surprise... Vous êtes venu suivre les pas de votre traîtresse de mère ? leur lança-t-il alors d'un ton acide.
Totalement pris au dépourvus, Garance et William ne surent que répondre.
— Et d'où connais-tu Dame Mortis, étranger ?
Sérion n'avait guère apprécié son ton et encore moins qu'il parle ainsi de Kaerolyn, pour qui il avait toujours éprouvé le plus grand respect.
— Je n'ai pas souvenir de m'être adressé à toi, le cendré. Alors silence, répondit simplement Valion.
Il ne prit même pas la peine de tourner son regard vers l'elfe. Face à lui, Garance et William se posaient la même question que leur ami. Et aussi, pourquoi donc l'accusait-il de trahison ? Qu'avait-elle donc fait ?
— Mais pourquoi une telle expression ? Oh... Serait-ce parce que vous ignorez ce qui lui est réellement arrivée ? Parce que vous n'avait pas connaissance de la véritable raison de sa présence ici ?
Valion rit doucement.
— Pauvres petites choses...
La mâchoire de Garance se serra, tout comme ses mains autour de la poignée de son épée. Elle ne dit rien. L'inconnu se moquait ouvertement d'eux et il était hors de question qu'elle lui fasse ce plaisir de la voir répondre à ses provocations. Il semblait n'attendre que cela.
— Qui es-tu ? demanda alors William.
Il avait insisté sur chaque mot. Les remarques acerbes de cet individu l'avait irrité et cela s'entendait dans le son de sa voix.
A sa réaction, Valion eut un petit sourire en coin mais plus d'agacement que d'amusement.
— Ainsi, voilà à quoi se résume de nos jours la célèbre Maison Mortis... A une bande de nouveaux-nés prétentieux, ignorants du véritable monde qui les entoure... Pathétique.
L'expression sur son visage s'assombrit. Ils n'avaient de Mortis que le nom et cela suffisait amplement pour l'énerver. Mais avant qu'il ne puisse ajouter quoi que se soit d'autre, une voix moqueuse s'imposa dans le silence. Une voix que Garance Mortis ne connaissait que trop bien.
— Ces Immaculés alors... Toujours cette vilaine habitude de constamment mettre leur nez dans les affaires d'autrui. C'est d'un agaçant... En particulier quand les affaires en question me concernent...
La voix provenait du fond de la salle et se répercutait sur les murs en un écho sinistre. Cette fois-ci, Garance ne fut pas la seule à en être témoin. Sous l'effet de la surprise, William et Sérion reculèrent de quelques pas. La mage, elle, ne bougea pas. Elle était trop occupée à se demander à quoi l'Archonte pouvait bien faire référence. Jamais n'avait-elle entendu parler de ces "Immaculés".
— Enfin... Ça, c'est quand vous n'êtes pas occupés à larmoyer dans votre coin sur votre triste sort... poursuivit-il tranquillement.
Valion finit par en avoir assez. Il se retourna brusquement, décroisant ses mains. La colère déforma les traits de son visage.
— La ferme, charogne !
Un nouveau silence s'installa. Il dura quelques secondes puis fut troublé de nouveau.
— Quelle déception... Vraiment... Tsk, tsk... Après tout ce que j'ai fait pour vous et c'est ainsi que vous me traitez ? Décidément, peu importe l'époque, vous demeurez toujours la même bande d'ingrats...
— Silence ! SILENCE ! !
Valion effectua nerveusement quelques pas vers le fond de la salle. Ses phalanges étaient devenues blanches, tant ses poings étaient serrés.
Voyant l'homme perdre son calme, le groupe recula à nouveau de quelques pas, se rapprochant de plus en plus du porche principal. Il était dangereux. Au plus profond d'eux-mêmes, ils en étaient convaincus.
— Mais à quoi est-ce qu'il joue ? demanda alors Garance à voix basse.
Elle et ses camarades avaient bien senti que provoquer l'individu en face d'eux n'était pas une bonne idée. La scène qui se jouait en face d'elle ne lui plaisait guère. Et malheureusement pour elle, l'abyssal entendit clairement chacun de ses mots. Il ne tarda pas à lui répondre, tout en sachant que la question de l'humaine était purement rhétorique.
— A quoi je joue ? A un jeu tout simple, ma jolie. Ça s'appelle : "Premier arrivé, premier servi." Alors si vous pouviez vous dépêchez, cela serait fort aimable. Contrairement à ce que certains peuvent penser en ce moment même, je n'ai pas toute l'éternité devant moi.
— Mais de quoi il parle ?
La jeune femme n'aimait pas sa "réponse". Cette histoire allait mal se finir.
— Garance...
Sérion n'avait pas quitté l'homme des yeux. Il le vit se retourner et fixer son amie du regard.
— Quel idiot je fais. J'aurais dû m'en douter.
Valion avait vu juste. Depuis le début, faire savoir sa présence aux yeux de la Légion avait été son seul et unique objectif. Il dégaina son épée en un geste de colère et se jeta sur le Chevalier noir le plus proche de lui.
— Et merde.
— Garance !
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Toi qui apportes la nuit
FantastikLes légendes parlent des Abysses comme d'une vision sombre et tordue du monde, comme d'un cauchemar éveillé dont nul ne pourrait s'échapper. Dans leurs sillages ne se trouvent que mort et désolation et les rares survivants qu'elles laissent derrière...