L'eau gouttait des hauts plafonds voûtés des souterrains. En-dessous, les murs effrités et fissurés par endroits, montraient bien la grande vétusté des lieux. Certains couloirs menaçaient de s'effondrer depuis longtemps. Afin de les consolider, des poutres avaient été placées contre les parois mais avec le temps, plusieurs d'entre elles avaient commencé à montrer des marques de fatigue.
Des fresques en bas-reliefs, parfois finement détaillées, ornaient à certains endroits un couloir ou une salle. Les érudits des Grandes archives avaient établi après maintes études qu'elles illustraient divers épisodes de la vie quotidienne. Dans les plus grandes salles, elles dépeignaient des événements plus importants, voire historiques pour l'époque. Un témoignage unique, et en grande partie encore intact, des temps passés d'Agrisa.
Les flambeaux éclairaient mal les murs. Les courants d'air froid qui passaient dans certains couloirs faisaient vaciller les flammes des torches. L'ambiance qui y régnait demeurait oppressante par endroits, contrastant avec la beauté silencieuse des lieux.
Ce climat sordide n'empêchait guère les malfrats de cette ville d'y mener à bien leurs affaires, s'en servant depuis toujours comme d'une plate-forme de transit. Avec le port à proximité et l'aide des Grandes archives, les contrebandiers, dont les Noirelames, avaient fini par obtenir un monopole sur le réseau de galeries souterraines. Elles reliaient l'intérieur de la cité à l'extérieur et permettaient le passage des marchandises illégales de façon simple et efficace.
Garance et Sérion avançaient dans les souterrains depuis une dizaine de minutes quand ils firent face à une bifurcation. Sérion passa en premier, suivi de près par sa collègue. Ils empruntèrent le couloir de gauche.
— Deux cimetières en moins de vingt-quatre heures... Je commence à en avoir plus qu'assez des cimetières. J'ai eu ma dose pour ce mois-ci avec les trois autres imbéciles.
— Tu préfères peut-être la vieille cave poussiéreuse de la banque des frères Laurentois ? lui demanda-t-il le sourire aux lèvres.
— Ah, ne me parle pas de malheur, Sérion... Bien que... Après réflexion, rester à patrouiller dans le troisième sous-sol ne m'aurait pas déplu.
L'elfe tourna sa tête vers elle tout en marchant. Il était rare que Garance insiste autant sur un tel sujet à moins d'une bonne raison. Son ton se fit plus sérieux.
— Le quatrième t'effraie tant que cela ?
— Ce n'est pas de la peur que j'éprouve mais plutôt de...l'inconfort. (Elle soupira.) En particulier quand nous nous rapprochons de l'entrée du cinquième sous-sol et des profondeurs d'Agrisa. Il y a quelque chose qui me met mal à l'aise là-bas...
Malheureusement pour Garance, l'elfe ne voyait toujours pas où elle voulait en venir. Les sensations qu'elle décrivait leur étaient demeurées étrangères, à lui comme aux autres.
— Garance, le cinquième et sixième sous-sols sont les deux parties d'Agrisa à avoir été quasiment englouties par les Abysses. N'importe qui serait mal à l'aise par là-bas, même moi.
La jeune femme écarquilla légèrement les yeux. Elle serra ses poings. Pourquoi ne comprenait-il pas ?
— Ce n'est pas ce que je... (Elle soupira de dépit.) Laisse-tomber... J'ai compris... A l'entendre, c'est moi qui délire...
Cette dernière remarque sonna comme un reproche. Sérion ne dit rien sur le moment.
Seul le quatrième sous-sol inquiétait Garance, pas le troisième. Plus ils allaient bas et plus elle se sentait mal. Elle était pourtant loin d'être claustrophobe mais... Et si ce qu'elle disait était vrai ? Après tout, cela faisait près d'un mois qu'il n'était pas retourné dans la zone proche de l'entrée du cinquième niveau. Quelque chose avait peut-être effectivement changé en son absence mais cela demeurait tout de même étrange. Sinclair leur avait pourtant dit que l'influence abyssale n'était presque plus. Normalement, il devraient bientôt pouvoir être en mesure de s'aventurer plus bas. Alors pourquoi ?
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Toi qui apportes la nuit
FantasyLes légendes parlent des Abysses comme d'une vision sombre et tordue du monde, comme d'un cauchemar éveillé dont nul ne pourrait s'échapper. Dans leurs sillages ne se trouvent que mort et désolation et les rares survivants qu'elles laissent derrière...