Épuisée par ses pleurs, le sommeil l'emporta vite. Mais pas assez profondément pour qu'elle succombe à cet état lointain, ce trou noir sans le moindre rêve auquel elle était habituée. Et bien que Garance ne soit pas aisément effrayée par les cauchemars, elle aurait mille fois préférée la tendre caresse du vide à ce qui allait suivre. La jeune femme se retrouva coincée à mi-chemin entre sommeil et éveil, à la frontière de deux mondes. Elle était comme bercée, tendrement cajolée, jusqu'à ce qu'un frisson glacial ne s'empare de son corps et ne l'éveille en un brusque sursaut.
Aussitôt qu'elle ouvrit les yeux, Garance se rendit vite compte de l'étrangeté des lieux dans lesquels elle se trouvait. Le sol était dur et froid, comme de la pierre. Et il faisait si sombre, qu'elle se retrouvait comme aveugle. Une chose était sûre ; la jeune femme n'était plus chez elle, dans le confort de son lit et de son foyer. L'endroit lui était étranger de par cette absence totale de lumière. Curieusement, Garance fut bien incapable d'activer son sortilège de nyctalopie. C'était comme si toute forme de magie avait brusquement quitté son corps.
L'angoisse s'installa doucement mais sûrement, avec la précision effroyable d'un chirurgien, s'imposant lentement dans son cœur, tel un ver dans une pomme. Celui-ci battait presque à tout rompre. Et sa respiration se faisait de plus en plus saccadée. Garance ressentait le même mal-être qui l'avait envahi durant l'après-midi. Cependant, elle parvint à garder un semblant de calme.
Elle prit quelques secondes pour inspirer et expirer lentement à de nombreuses reprises. Quand elle estima que les choses étaient un minimum sous contrôle, Garance se leva. Ses mains et ses jambes tremblaient légèrement, mais pas assez pour l'empêcher de marcher. Ses cheveux étaient détachés et elle portait toujours sa robe de chambre.
La sensation qu'elle avait de l'endroit était si inhabituel qu'une question lui vint à l'esprit. Était-ce un de ces fameux cauchemars plus vrai que nature, dispensés par l'influence abyssale ? Dans sa tête, la réponse fut oui. La jeune femme tenta alors de rationaliser au mieux sa situation, en espérant avoir un plus grand contrôle sur ses émotions. Pour le moment, cela semblait marcher. Elle tâcha de s'en satisfaire.
Garance marcha à tâtons, essayant d'en savoir plus sur l'endroit où elle se trouvait. Elle écarta les bras. Si elle ne pouvait se rendre compte des lieux par la vue, elle le ferait par le toucher. Elle fit deux pas sur la gauche avant de sentir un mur, froid et lisse au toucher. Garance entreprit la même chose sur la droite, et enfin dans son dos. Dans ces trois directions ne se trouvaient que des murs. Ne lui restait donc que la direction face à elle. La jeune femme entreprit quelques pas en avant et ne sentit aucune surface obstruer son chemin. Pour plus de sûreté, elle décida de poursuivre cette route en s'aidant des murs. Elle garda ses deux mains plaquées contre la paroi et avança prudemment en les laissant glisser sur la pierre.
Le silence était palpable. A l'exception de sa propre respiration, rien ne venait le crever, pas un seul bruit d'animal ou de courant d'air. Garance essayait véritablement de déterminer le lieu que son esprit avait construit. Peut-être était-il inspiré d'un endroit réel ? Sa première idée fut les souterrains d'Agrisa. Avec tout ce qu'il s'était passé récemment, elle voyait difficilement une autre possibilité. Celle-ci se vit confirmée quand la jeune femme sentit sous ses doigts, les courbes et formes des colonnes qui soutenaient la voûte de la galerie. Un peu plus loin, c'est un des nombreux bas-reliefs de la cité souterraine qu'elle découvrit. De ce qu'elle fut capable de déchiffrer avec ses doigts, il s'agissait d'une scène qui se déroulait dans un décor végétal, probablement un jardin ou une forêt.
Elle parcourut ensuite une petite vingtaine de mètres avant de discerner une porte. Garance trouva vite la poignée et essaya de l'ouvrir mais celle-ci ne bougea pas d'un pouce. Ne souhaitant pas s'épuiser pour rien, elle abandonna et poursuivit sa route.
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Toi qui apportes la nuit
FantasíaLes légendes parlent des Abysses comme d'une vision sombre et tordue du monde, comme d'un cauchemar éveillé dont nul ne pourrait s'échapper. Dans leurs sillages ne se trouvent que mort et désolation et les rares survivants qu'elles laissent derrière...