Chapitre 3 (5/5)

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Garance trembla légèrement à ses mots. Son père n'était pas le genre de personne qu'il était raisonnable de se mettre à dos. Qui que soient ceux à l'origine de ces horreurs, elle sut à ce moment précis que leur mort serait lente et douloureuse. Elle l'observa avec inquiétude. Elle ne l'avait encore jamais vu dans un tel état et encore moins avec un visage aussi froid.  

Les événements récents avaient pris une tournure préoccupante. La jeune femme craignait pour la suite. Que se passerait-il si les autorités du pays finissaient par apprendre que cette soi-disant rumeur était vraie ? Absolument rien de bon. Elle ne serait alors guère surprise de voir la populace à leurs portes réclamer leur mort. Et les prêtres de la Lumière se feraient probablement un plaisir de répondre à leur demande tout en se présentant comme leurs "saints sauveurs". La suite de ce scénario incluraient très certainement la place principale de la capitale et un bûcher. Dans tous les cas, la Légion se trouvait dans une situation compliquée.  

Sinclair sentait à quel point son annonce perturbait Garance. Il s'en voulut de ne pas avoir réussi à se contrôler. Normalement, il n'aurait jamais laissé sa colère transparaître ainsi. Le commandant ferma ses yeux un court instant et prit une profonde inspiration. Il se leva de son bureau puis se dirigea vers sa fille qu'il serra dans ses bras. Il lui caressa le cou avec tendresse.  

— J'ai conscience que tout cela te perturbe et tu m'en vois navré. C'est pour cette raison que je ne souhaitais pas mentionner le sujet... Ces attaques ont eu lieu à l'autre bout du continent et mes très estimés collègues ont été en mesure de juguler la diffusion de certaines informations. L'impact diplomatique a été plus violent dans les régions limitrophes mais ici... (Il soupira.) Pour le moment tout va bien, et ce malgré nos relations de plus en plus chaotiques avec la cour depuis près d'un an. Mais j'ai conscience que cela ne justifie pas pour autant notre sécurité pleine et entière. Il va nous falloir faire avec. Cette macabre histoire ne doit pas nous empêcher de faire notre travail. Alors essaie de ne pas trop t'en faire, d'accord ?  

Garance avait fermé les yeux. L'enserrant dans ses bras en retour, elle écouta attentivement chacun de ses mots. Elle lui faisait confiance. Elle lui avait toujours fait confiance. Sinclair prit son visage dans ses mains. La jeune femme rouvrit ses yeux et leva la tête. Souriant tendrement à son père, elle acquiesça de la tête. Elle posa ses mains sur les siennes.  

— Tu as raison. Pardon, je...je n'aurais pas du réagir de la sorte.  

Son père la relâcha puis s'éloigna d'elle après lui avoir donné une tape amicale sur l'épaule. Mais la mage l'interpella une nouvelle fois.  

— Papa...  

— Qu'y a-t-il d'autre Garance ?  

— Je suis désolée pour...tout à l'heure. Quand je suis allée voir Maugran, je ne voulais pas te forcer la main. C'est juste que...tu avais l'air si anxieux hier après-midi que je n'ai pas pu m'en empêcher. Ça et nos soucis de communications avec les autorités... J'essaierai de faire en sorte que cela ne se reproduise plus, c'est promis.  

— Ne le sois pas... Je pense avoir aussi fait une erreur en vous cachant la vérité sur ce sujet... J'aurais du vous en parler bien plus tôt, au moment même où j'ai obtenu ces informations. Va en paix ma fille. La faute est partagée.  

Garance s'était montrée têtue. Son embarras l'empêcha de formuler une réponse orale. Elle se contenta de lui répondre d'un mouvement de la tête. Elle tâcherait de faire amende honorable dans les jours suivant. La mage se retourna en direction de la porte. Elle tendit sa main gauche vers la poignée mais fut interrompue à son tour par son père.  

— Une dernière chose... Aussitôt que tu sortiras en ville, tâche de rester sur tes gardes Garance, peut-être même plus qu'avant. Et si soudainement, quoi que ce soit te paraît différent, n'hésite pas à nous en faire part, à moi comme à Walther.  

La jeune femme lui fit face.  

— A vos ordres commandant, lui répondit-elle tout en s'inclinant.  

Sinclair sentit une nouvelle détermination dans le son de sa voix. Reprenant place dans son fauteuil, cela le rassura.  

— Allez, file maintenant. Va donc te restaurer. Tu dois être affamée.  

— C'est peu dire. J'avalerai une vache entière, répondit-elle en riant.  

— Walther a dû rejoindre les autres. Si tu le trouves, dis-lui de revenir me voir.  

— Ce sera fait.  

Garance ouvrit la porte et sortit de la pièce.  

— Bonne nuit papa. Essaie de prendre un peu de repos toi aussi.  

— Je sais, je sais... Allez, bonne nuit.

Toi qui apportes la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant