Toi qui apportes la nuit

Chapitre 10 (1/2)

— Mon frère... Que la bénédiction de nos ancêtres t'accompagne dans ta quête. Trouves la vérité derrière la mort de notre sœur, et fais payer à ce sale rat son crime et ses mensonges. Offre à notre sœur le repos qu'elle mérite.

— Je le jure, mon frère. Au nom de tous ceux qui nous ont précédés et de tous ceux qui suivront, je le jure.

Samedi 18 Octobre - An 517 - 5ème Ère

1ère entrée

Je ne peux pas échouer. J'en ai fait la promesse, signée dans le sang et les larmes. Mon cœur et mon âme réclament vengeance depuis trop longtemps maintenant, pour l'infamie dont nous avons été victimes et pour l'injustice que nous avons endurés.

Je suis venu au sud, dans cette lointaine contrée, avec une seule et unique idée en tête : justice pour ma sœur morte, et pour ma famille. Pour ma pauvre mère qui en est morte de chagrin...

Je l'ai vu lentement dépérir au fil des ans, se refusant petit à petit à toute sortie hors de la demeure familiale ou passant parfois encore de longues heures dans la chambre d'enfant de Kaerolyn. Et à chaque fois que j'y repense, cette vision me brise le cœur. Dans mes souvenirs, elle se contentait par moment de fixer un point dans le vide, tandis qu'à d'autres, elle se saisissait d'une de ses vieilles poupées qu'elle serrait dans ses bras en sanglotant. Ses yeux, qui avaient toujours été remplis d'une curiosité incroyable, étaient là éteints. Dans ses derniers jours, toute force semblait l'avoir quitté. Ma mère mourut lors d'une froide nuit d'hiver, dans le chagrin et un désespoir sans nom.

Je me souviens encore du regard désemparé et impuissant de notre père. Même s'il le montrait moins que notre mère, Arvan et moi savions pertinemment qu'il ne serait plus jamais le même. Lui qui avait toujours été un homme si fort, si brillant... Nous sentions que le poids de ce terrible évènement l'avait marqué, terriblement marqué dans sa chair. Il était devenu beaucoup plus irascible et finit, à la fin, par noyer son chagrin dans l'alcool. On le retrouva mort dans le salon un beau matin d'été.

J'ai dû répéter cela des dizaines de fois mais...le souvenir est bien trop fort, bien trop vivace pour que je n'en parle pas...

Il me hante constamment...

—

Il y a trente-sept ans, tout comme mes parents et mon frère aîné, je m'étais opposé à la décision funeste de Kaerolyn. Je me demande encore quelle idée a bien pu lui passer par la tête... Épouser un Mortis ? Alors qu'ils sont responsables de la disgrâce et de la mort du noble fondateur de notre Maison ? Jamais ce Sage n'aurait du emmener ma soeur avec lui, jusqu'en Hautelune.

A son retour, soi-disant pour ses études en alchimie se justifia-t-elle.

Pourquoi refusait-elle de comprendre le danger que ces gens étaient et sont encore aujourd'hui ?

Mais comme toujours, elle n'en a fait qu'à sa tête. Kaerolyn était d'une bienveillance incomparable mais, quel caractère ! Têtue comme un âne. Pire même.

Et voilà où son entêtement la menée... Tout droit dans les bras de la Mort.

—

Tout bascula il y a treize ans.