Chapitre 3

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À l'heure de la pause, Félix et Max retrouvèrent Fleur sur un banc de la cour. Ils devaient désormais convaincre la fille de les aider à organiser la soirée d'anniversaire. 

— Hors de question.

— Allez, s'il te plaît.

— C'est mort. Avec ce qui se passe à la maison...

Fleur retint ses derniers mots et posa les yeux sur Max.

— Max, va faire un tour pendant que je discute avec mon frère.

— Bien sûr.

Le garçon lui offrit un sourire entiché puis s'en alla.

— Je disais donc. Avec ce qui se passe à la maison, papa et maman refuseront de partir.

— Qu'est-ce qui se passe de plus que d'habitude ?

— On est en plein mois de charité et les démons vagabonds sont autorisés à rester au manoir. C'est pour ça qu'il y a un Keïtos dans la cave. En temps normal, on ne l'aurait jamais laissé entrer, mais mois de charité oblige.

— Ça veut dire que tous les démons du coin vont venir squatter la maison ?

— Oui, c'est à peu près ça.

Félix gesticula sur le banc, contrarié par cet imprévu.

— On pourrait dessiner une tête de sanglier pour les expulser le temps de la soirée. Qu'est-ce que tu en penses ?

— Virer les démons du manoir pendant le mois de charité pourrait attirer de gros ennuis aux parents, Félix. On ne peut pas prendre le risque.

Parmi les élèves qui déambulaient dans la cour, un garçon adressa un signe de tête à Fleur. Celle-ci répondit par un sourire qu'elle rengaina prestement. Elle avait baissé la garde en présence de son frère.

— Il te plait ?

Fleur jura entre ses dents.

— Je le trouve mignon, répondit-elle en feignant l'indifférence.

— Clément le connait ?

— Non ! s'excita la fille. Et je t'interdis de lui en parler. Cette andouille serait capable de tout faire capoter.

Il y eut un silence. Félix dut penser un peu trop fort, car Fleur lui cogna l'épaule.

— Avise-toi de me faire du chantage et je te pète les genoux.

Elle récupéra son sac à main et partit. Félix se massa l'épaule en songeant que sa sœur devrait consulter pour apprendre à maitriser sa colère, puis se leva du banc à son tour. Il se dirigeait vers sa classe lorsqu'une fille lui barra la route.

— Qu'est-ce qu'il représentait, ce dessin dans ton livre ?

Maeva toisait Félix d'un regard étriqué, intimidant.

— Je... Le dessin... Tu veux dire le dém... La créature recouverte de pustules ?

— Oui.

— Oh ! C'était un croque-mitaine.

Félix se gifla mentalement. Il en avait trop dit. D'une voix plus maitrisée, il tâcha de noyer le poisson :

— Oui, un croque-mitaine. Mais, les voitures, c'est bien plus intéressant ! Moi, celle que je préfère, c'est la Ferrari... double moteur... à turbine. Vraiment un chouette modèle.

Le coin gauche des lèvres de Maeva marqua un pli à peine perceptible, équivalent d'un sourire.

— Tu n'as pas l'air de connaitre grand-chose aux voitures.

— Pas vraiment, finit-il par admettre, penaud. Max dit qu'il vaut mieux parler de voiture que de démon.

Deuxième gifle mentale.

— Alors, ce croque-mitaine serait un démon ?

— Oui, c'en est un.

Maeva donnait l'impression de jauger le moindre de ses mots, comme si elle se méfiait de lui. Il se passa plusieurs secondes avant qu'elle ne reprenne la conversation.

— Je fais des cauchemars ces derniers temps. Toujours les mêmes. Je me vois dormir pendant qu'un monstre se tient à côté de moi. Un monstre qui ressemble trait pour trait au croque-mitaine de ton livre.

Félix n'excellait pas en démonologie, toutefois le croque-mitaine était une figure emblématique du folklore ignorant et il comprit immédiatement de quoi il en retournait. Maeva était possédée. Pris au dépourvu, il poussa un rire ridicule. Il préférait encore passer pour un idiot plutôt que de lui laisser croire qu'il connaissait quelque chose aux démons.

— Tu es en train de me dire que le croque-mitaine existe vraiment ?

Son ton moqueur déplut fortement à la jeune femme.

— Ça se pourrait bien, rétorqua cette dernière en tournant les talons.

Félix eut le réflexe de la retenir par le bras, mais lâcha prise aussi vite que s'il avait touché une surface brulante.

— Je peux t'aider, prononça-t-il du bout des lèvres.

Maeva marqua une pause. Elle luttait pour résister à cette main tendue, toutefois sa détresse était trop grande et elle décida de lui accorder une dernière chance.

— Comment ?

— Je connais un livre qui contient un rituel de protection contre les démons, improvisa le garçon. Je ne sais pas si c'est efficace, mais on peut essayer.

— Vraiment ? réagit-elle, entre prudence et espoir.

— Oui.

Elle dépocha son téléphone portable.

— Enregistre mon numéro et préviens-moi quand tu es prêt.

Félix s'exécuta tout en sachant pertinemment qu'il commettait une grave erreur. Il était au fond du trou, mais continuait de creuser. Et il le ferait encore davantage si cela pouvait le rapprocher un peu plus de Maeva.

— Une dernière chose, lui dit la fille.

— Oui ?

— N'en parle à personne.

La Famille Malcius - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant