Félix ouvrit la malle et récupéra le jeu auquel il avait l'habitude de jouer quand il était enfant. C'était un plateau en carton plié en quatre, dans le genre Monopoly. Il le lança par une fenêtre donnant sur le jardin et le jeu se déplia dans les airs. En se posant sur l'herbe, il libéra un dédale de haies et un labyrinthe végétal se dressa comme par magie.
— Ça, c'est fait.
Félix retourna dans le couloir et s'arrêta en face d'une armoire plus haute que lui. Il posa la main sur la poignée et, plutôt que de tirer, il poussa la porte et entra dans le meuble. Les voix de Fleur et Clément lui parvinrent aussitôt. Il pénétra une élégante pièce en bois inondée par l'éclat doré de spots. Des étagères et des présentoirs courraient sur les murs à différentes hauteurs et les lumières mettaient en valeur les armes qu'on avait entreposées dessus. Il y en avait pour tous les goûts : des haches, des sabres, des fusils, des revolvers, des épées. Il s'apprêtait à faire son choix lorsqu'il croisa Maeva.
— J'ai choisi celle-là, dit-elle en lui montrant une dague en argent.
Félix contempla son frère et sa sœur qui agissaient comme si de rien n'était.
— Qu'est-ce qu'elle fait là ! s'écria-t-il. Maman va nous tuer !
— Elle vient en renfort, lança Fleur. De toute façon, elle est au courant pour les démons.
— C'est trop dangereux ! protesta Félix.
Personne ne lui répondit et le garçon sentit qu'on lui cachait quelque chose.
— Attendez, qu'est-ce que ça veut dire ces regards en coin ? Ne me dites pas que vous vous inquiétez plus pour moi que pour Maeva ?
Clément et Fleur agitèrent les bras, signe qu'ils ne savaient pas trop quoi lui répondre.
— Ne dîtes rien, trancha Félix.
Grognon, il se retourna et saisit une masse à pointes posée sur un support métallique. L'arme, trop lourde, lui glissa des mains et tomba sur le sol, provoquant un grand raffut.
— D'accord, celle-là n'est pas faite pour moi.
Il saisit un katana et l'extirpa de son fourreau. La lame hurla en japonais et il s'empressa de la faire taire en l'enfermant dans son carcan.
— Celle-là non plus.
— Tiens, attrapa ça.
Clément lui jeta un simple manche en bois.
— Génial. Donc je vais combattre les démons avec des percussions, ironisa Félix. Allez, sérieux, donnez-moi une arme.
Fleur le lui prit des mains et effectua un moulinet avec. Une brume obscure en jaillit et traça une lame frémissante de cinquante centimètres.
— C'est un réfracteur, une arme que seul un démon peut rendre dangereuse. Tu dois demander à ton Keïtos de l'activer.
La lame se volatilisa et elle lui rendit le manche.
— Essaye.
Félix effectua un moulinet. Comme prévu, rien ne se passa.
— Demande à ton Keïtos ! s'impatienta Fleur.
Oh démon, commença Félix dans sa tête. Maître de la nuit, être du néant, prête-moi ta force et... et... je ne sais pas moi ! Transforme ce bout de bois inutile en épée sinon on ne passera jamais la nuit !
L'arme se matérialisa, quelque peu différente de celle de Fleur. La lame était plus longue, mais moins large.
— Pas mal, le félicita Clément.
Félix s'approcha de Maeva, soucieux pour la jeune femme.
— Si tu veux, tu peux aller dans le labyrinthe avec les autres pendant que nous nous occupons des démons.
Les yeux de Maeva, pétillants de fougue, se posèrent sur le garçon.
— Félix, la seule chose dont j'ai envie en l'instant présent, c'est de descendre me battre.
Son excitation lui donnait un air dérangé et Félix dut avouer qu'elle lui faisait un petit peu peur. Comment pouvait-elle trépigner d'impatience à l'idée de combattre des démons tandis que lui aurait préféré s'enfermer dans sa chambre ? Quand était-il devenu aussi lâche ? Il se le demandait.
— Ok, on y va. On dissimule les armes dans le cagibi et on invite tout le monde à entrer dans le labyrinthe, commanda Fleur.
La troupe de jeunes guerriers retourna au rez-de-chaussée. Clément se posta sur la table du salon pour être vu de tous et Félix coupa la musique.
— Mesdames et messieurs, je vous invite à participer à l'attraction de la soirée, au divertissement ultime ! Veuillez me suivre et affrontez vos peurs dans le labyrinthe des Malcius !
— On dirait qu'il a tenu un cirque toute sa vie, rit Fleur.
L'aîné guida la foule à l'autre bout de la maison. C'est avec euphorie que les fêtards découvrirent l'immense labyrinthe dans le jardin, dont les haies s'allongeaient jusque dans la forêt, cinquante mètres plus loin. Ses murs étaient suffisamment hauts pour n'autoriser aucune triche et se constituaient de sapins, d'arbustes et de ronces.
— Au centre du labyrinthe se trouve une récompense, précisa Clément. Alors, que le meilleur la trouve et la garde !
Les étudiants s'engouffrèrent dans le dédale de végétation et l'entrée se referma derrière eux.
— Ok, on passe à l'étape suivante.
Ils retournèrent dans le salon désormais calme. Félix souleva le tapis et dévoila la trappe de la cave.
— Charon, c'est maintenant ou jamais, s'exclama Fleur.
Des pas lourds claquèrent sur le sol et la statue rejoignit les adolescents, une hache gigantesque posée sur l'épaule.
Maeva n'en crut pas ses yeux.
— Dîtes-moi qu'il est dans notre équipe.
— Ma chérie, je te présente Charon, annonça Clément. Le gardien du manoir Malcius.
La statue de bronze, vêtue d'un costume trois-pièces et d'un chapeau melon, effectua une révérence pour saluer la fille et ses mouvements firent crisser son métal.
— Enchanté, mademoiselle.
— Bonsoir monsieur, lui sourit Maeva.
Fleur frappa dans ses mains pour attirer l'attention.
— À trois, j'ouvre la trappe. Un, deux, trois !
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La Famille Malcius - Tome 1
ParanormalComme le veut la tradition, Félix héritera d'un démon la veille de ses seize ans. Un évènement important que sa famille s'impatiente de célébrer. Pourtant, le garçon est loin de s'en réjouir. L'occultisme n'est pas sa tasse de thé et s'il pouvait se...