Chapitre 13

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Des guirlandes pendaient dans le salon et s'étiraient de la cheminée jusqu'à la charpente en bois au plafond. Les ampoules multicolores apportaient de la gaieté aux lieux et on en oubliait presque les armures intimidantes et les sabres accrochés aux murs. Félix et ses amis avaient bien travaillé, même si la tâche s'était avérée plus compliquée que prévue.

D'abord, il avait fallu surveiller Melvin qui, pendant l'installation, s'était pris les pieds dans le fil électrique des guirlandes. Bastien s'était efforcé de garder un œil sur lui et lui avait formellement interdit de monter sur l'escabeau. Consigne que Melvin n'avait pas respectée. Clément l'avait vu faire depuis la cuisine et avait mobilisé son démon in extremis pour amortir la chute du garçon qui était tombé de la marche la plus haute.

Ensuite, Max le faux courageux s'était dévoué pour grimper sur les poutres à l'aide d'une échelle pour y suspendre les câbles. Félix et Bastien lui rappelèrent sa peur du vide, mais l'adolescent les avait fait taire en secouant la main.

— Je n'ai plus le vertige. C'est du passé tout ça. Cet été, j'ai sauté de douze mètres de haut dans la mer.

Hélas, Félix et Bastien ne s'étaient pas trompés. Max, une fois arrivé au niveau du plafond, avait regardé en bas et ses yeux étaient sortis de leur orbite. Il avait sauté sur la poutre et s'était allongé dessus, les bras cramponnés autour. Ses camarades n'avaient eu d'autre choix que de le rejoindre pour l'aider à descendre, ce qui leur avait pris une bonne quinzaine de minutes.

Malgré leurs péripéties, le résultat était satisfaisant.

Ding.

On sonna à la porte. Félix fonça en direction du hall et passa devant la statue en bronze, celle avec le chapeau melon et la canne.

— Une très belle femme, monsieur, dit la statue.

L'adolescent se raidit.

— Moins fort, Charon. La maison va être remplie d'Ignorants dans quelques minutes. Alors, s'il te plaît, ne te fais pas remarquer.

— Pardonnez mon manque de discrétion, monsieur.

— Ce n'est pas grave. Puis, c'est ma faute. J'aurais dû te prévenir.

Félix repartit pour accueillir son invité. En chemin, il s'interrogea sur la remarque de Charon et c'est en ouvrant la porte qu'il en saisit le sens.

— Bonsoir Félix, lança Maeva de sa voix suave.

Le garçon se pétrifia. Son visage exprima de curieuses émotions en désordre. Il avait le sourcil gauche qui tremblait, son menton était plissé comme s'il pleurait, son œil droit était grand ouvert tandis que l'autre réduit en une fente, et ses lèvres formaient une vague impossible à interpréter. À cet instant, Félix ressemblait à la femme qui pleure de Picasso.

Puis tout revint à la normale. Le garçon inspira profondément et recouvra son calme. Maeva était superbe et le simple fait qu'elle l'appelle par son prénom l'avait bouleversé. À la manière des uniformes scolaires britanniques, la jeune femme avait enfilé un ensemble jupe et tailleur noir à motifs verts, contrasté par le blanc de sa chemise. Une paire de collants recouvrait ses jambes et une paire de converses les terminaient.

— Ça va aller ? s'inquiéta la fille.

— Salut, marmonna-t-il. Oui, tout va très bien. Je t'en prie, entre.

Maeva s'inséra dans le hall et tourna sur elle-même pour étudier la décoration des lieux.

— Ta maison est incroyable.

Au bout du couloir, derrière l'angle du mur donnant sur le salon, Bastien, Max et Melvin contemplaient la scène, leur tête empilée les unes au-dessus des autres pour se faire discret.

— Tu veux visiter ? proposa Félix.

— Avec plaisir.

Depuis la cuisine, Fleur s'écria :

— Elle ne met pas un pied dans ma chambre.

Le garçon afficha un sourire crispé.

— Ma sœur plaisante, bien sûr.

— Pas le moins du monde, renchérit Fleur.

Félix attrapa Maeva par la main pour l'inviter à s'éloigner. Il réalisa son geste en catastrophe et se dépêcha de ranger ses doigts dans sa poche. La fille fut amusée par son comportement. Bien que l'idée d'être guidée ainsi lui était plaisante, elle ne dit rien et le suivit. En passant devant la statue en bronze, tous les deux entendirent distinctement :

— Enchantée mademoiselle.

Félix s'esclaffa bruyamment et, dans son esclandre, glissa un discret :

— La ferme Charon.

Maeva lorgna son camarade d'un air inquiet. Elle inspecta les alentours pour chercher ce qui pouvait être aussi hilarant, mais ne vit rien. Elle commençait sincèrement à se faire du souci pour Félix.

— Tout va bien ?

— Oui, très bien.

Il s'empressa de monter l'escalier et fit une halte au premier étage. Il avait envie de se jeter sous ses draps et pleurer. Félix ne voulait plus fêter son anniversaire. En moins de trente secondes, il s'était couvert de ridicule. Pire que ça, il était passé pour un timbré.

Maeva passa la dernière marche et lui attrapa le bras pour le retenir.

— La chose que toi et ta sœur avez extraite de mon corps, cet... esprit. Il est en train de s'en prendre à toi, n'est-ce pas ?

Félix se demanda où elle voulait en venir.

— Le croque-mitaine ? Non, pas du tout, il...

MINUTE PAPILLON !

Une alarme venait de se déclencher dans un coin de sa tête. Maeva venait de lui donner la solution pour :

1 - Justifier son comportement de zinzin,

2 - Jouer le héros.

Félix laissa sa phrase en suspens, puis ajouta avec gravité.

— Encore quelques jours et j'en serai débarrassé.

La jeune femme se mordilla la lèvre.

— Je n'aurais jamais dû te demander de l'aide. Tout est de ma faute.

— Non, attends, ce n'est pas si terrible que ça. Puis, ma sœur m'a donné ce collier, c'est une sorte de talisman protecteur, expliqua-t-il en montrant le pendentif.

— Cette coccinelle... ?

Félix acquiesça en haussant les épaules.

— Viril, n'est-ce pas ?

On activa le système audio du salon et de la musique électro se répandit dans le manoir. Maeva continua de suivre son guide et arpenta les couloirs de la demeure en explorant les pièces insolites. La visite se termina puis ils retournèrent au rez-de-chaussée et constatèrent qu'en leur absence, plusieurs dizaines d'invités étaient arrivés.

La fête pouvait enfin commencer. 

La Famille Malcius - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant