Chapitre 33

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— C'est vraiment ce que tu souhaites ? demanda Matilda, enroulée dans son peignoir, les cheveux en bataille et une tasse de café à la main.

Félix opina du chef sans laisser paraître la moindre hésitation. Au-dessus de lui, la silhouette du Keïtos surplombait les humains rassemblés et oscillait à la manière d'une flamme. Apeuré par les regards qui glissaient tantôt sur lui, tantôt sur son hôte, ses yeux formaient deux ronds timides. Quatre démons supplémentaires occupaient les hauteurs de la cuisine, ceux des autres membres de la famille. Tous avaient été conviés à la réunion. Le petit comité s'était installé autour de la table pour écouter ce que Félix avait à leur annoncer.

— Je veux participer à la session d'apprentissage intensif de l'école Bois Sombre. Le séminaire ne dure que trois semaines et je m'arrangerai pour rattraper mes devoirs.

— Quand est-ce que le séminaire débute ? s'intéressa Marc.

— Demain matin. Je partirai donc ce soir.

Animée par son instinct maternel, Matilda essaya de le décourager de partir.

— Mais tu n'as pas préparé ta valise !

— Nous l'aiderons, intervint calmement Clément.

— Et tu ne sais même pas ce que tu vas manger là-bas ! Les démonistes consomment toutes sortes de cochonneries que tu n'arriveras pas à digérer.

Ses enfants et son mari brûlaient de lui répondre que Félix avait survécu à sa cuisine et que, de ce fait, il n'avait rien à craindre de ce côté-là. Bien sûr, chacun se garda de lui dire quoi que ce soit.

— Ne t'en fais pas, maman. Tout ira bien. 

— Tu as prévenu tes amis ? reprit Marc.

— Non, pas encore. Je les verrai aujourd'hui, au lycée.

Fleur rappela son Oculus et se leva de sa chaise.

— N'oublie pas de t'excuser quand tu iras la voir, idiot, dit-elle en lui frappant l'épaule.

*

— Je peux te parler ?

La sonnerie indiquant la pause avait déjà retenti. Néanmoins, Maeva s'arrêta et prit la peine d'écouter ce que le garçon avait à lui dire.

— Tu as deux minutes, dit-elle sèchement.

Félix chassa son anxiété par une profonde expiration. Pourquoi devait-il craindre la colère des autres ? Éviter la confrontation pour limiter la casse ? Depuis combien de temps fuyait-il ses responsabilités ? Il fallait que ça change.

— Je voulais m'excuser pour ce que je t'ai dit l'autre jour en classe. J'étais dans un état second, même si ça ne justifie pas les mots que j'ai employés.

Maeva ne pipa mot et continua de le percer de son regard glacial. Félix le soutint. Malgré son malaise, il refusa de dissimuler son embarras sous un demi-sourire.

— Je vais quitter le lycée quelque temps. J'espère que tu m'auras pardonné à mon retour.

Ses derniers mots signèrent son départ et il tourna les talons.

— Pourquoi, Félix ?

Le garçon s'immobilisa. Il perçut une légère variation dans la voix de son amie. Sans même l'observer, il la sut ébranlée.

— Qu'est-ce qui a changé en si peu de temps ? Que t'est-il arrivé ?

Félix se retourna. Maeva contemplait le vide, un voile d'amertume sur le regard. Des boucles sombres caressaient ses épaules et encadraient son visage en accentuant l'éclat pâle de son teint. Elle avait croisé les bras sous sa poitrine et paraissait s'étreindre. De son index, elle essuya le bout de son nez en trompette.

La Famille Malcius - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant