Chapitre 49

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À quelques centaines de kilomètres de Saint-Mérand, dans le sous-sol d'une paroisse.

— Nom de nom ! s'emporta Frère Dominique en faisant des allers-retours derrière sa chaise. Qui a laissé Stéphane écrire le message ? Ils vont croire qu'on est dyslexiques par chez nous !

Assis autour de la table, Frère Stéphane n'en menait pas large. Sa capuche et son masque – en forme de soleil et fait de papier maché – ne suffisaient plus à dissimuler sa honte. S'il avait pu se recroqueviller quelque part dans la pièce pour disparaitre, il l'aurait fait volontiers. Il se savait dyslexique. D'ailleurs, tout le monde le savait. Mais il avait quand même voulu s'occuper du message. Ce maudit correcteur d'orthographe sur son smartphone lui avait pourtant certifié qu'il n'y avait aucune faute !

Un prêtre avec un masque de taureau essaya de lui venir en aide.

— On a voulu lui faire plaisir, expliqua-t-il.

— Si vous voulez lui faire plaisir, alors achetez-lui un Bescherelle !

Les neuf prêtres de l'organisation secrète Manus Dei s'étaient rassemblés pour un conciliabule d'urgence. Leur plan était tombé à l'eau, la faute au Père Pascal de Saint-Mérand qui avait failli à sa mission et ne donnait plus aucun signe de vie depuis.

— Oublions le passé et penchons-nous sur le futur, conseilla Frère Marc, caché sous un masque vénitien. Savons-nous pourquoi ce prêtre nous a fait faux bond ?

Frère Stéphane se gonfla de détermination. C'était le moment de se rattraper en faisant un exposé clair de ce qui s'était passé.

— Je lui ai envoyé des messages et...

Frère Dominique, qui continuait de sillonner une tranchée imaginaire derrière sa chaise, poussa un cri.

— Là voilà, la réponse ! Il lui a écrit n'importe quoi et ce prêtre s'est dit qu'il avait affaire à une bande de guignols !

La tête de Frère Stéphane tomba en avant jusqu'à frôler le parallélisme avec la table. Il avait terriblement honte.

— Allons, laisse-le parler, tempéra le masque vénitien.

Il y eut un moment de flottement.

— Eh bien, parle ! aboya Frère Dominique.

Frère Stéphane tressauta avant de se reprendre.

— Euh... Oui, alors ! Après que notre prière ait été interrompue, Père Pascal de Saint-Mérand m'a envoyé un message dans lequel il expliquait ne plus vouloir collaborer avec nous. D'après ses dires, nos méthodes sont barbares et contraires aux valeurs de l'Église.

Frère Dominique pesta dans sa barbe.

— S'il avait laissé les crucifix en place une minute de plus, on se serait débarrassés de ces vermines.

Un prêtre resté silencieux jusqu'à présent se manifesta en levant la main. Il portait un masque en racines surmonté de sa capuche.

— Certes, notre prière a échoué, mais il y a plus urgent à traiter que le châtiment de ces démonistes.

— Ah bon ? Et quoi donc ?

— Si Père Pascal de Saint-Mérand nous a faussé compagnie, il est tout à fait possible qu'il nous dénonce à l'Administration. D'autant plus qu'il ne cautionne pas notre façon de faire. En clair, il est devenu une menace pour Manus Dei.

Les masques se concertèrent les uns les autres, dans un échange mutique où le frottement des toges prit un air de murmure. Puis, sans rien ajouter, tous acquiescèrent.

Père Pascal de Saint-Mérand devait disparaitre. 

La Famille Malcius - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant