Chapitre 5

1.6K 235 8
                                    

Félix descendit les escaliers. Il apercevait la lumière bleutée du crépuscule se répandre au pied des marches. Froide, morne. Dans la cuisine, il entendit la voix de ses parents et le tintement des cuillères touillant le café. Fleur et Clément étaient plus discrets, sûrement encore endormis devant leur bol de céréales. 

Le garçon entra en silence dans la pièce, tel un fantôme qui se glisserait parmi les vivants. Il s'assit à la table et sa famille le remarqua seulement lorsqu'il fut installé.

— Il est levé ! s'écria son père. Alors, c'était un Auvent ?

Sa mère se dépêcha de lui apporter un bol et des céréales, puis se campa quelque part dans la cuisine en le fixant de son regard brillant d'inquiétude. Elle était restée aux aguets toute la nuit afin de veiller sur son enfant. La fatigue sur son visage était encore plus flagrante que la veille.

Félix déglutit. Il n'osait croiser le regard de personne. Pas même celui de ses ainés, de peur qu'ils ne lisent dans ses pensées et y découvrent sa honte. Il avait la nausée. Sa famille attendait de lui une réponse qu'il ne pouvait leur donner.

— Bonjour, se contenta-t-il de murmurer.

Fleur l'avait rarement vu dans un état pareil. Il avait l'énergie d'une serpillère usée.

— Longue nuit ?

Il acquiesça lentement.

Son père beurrait une tartine avec enthousiasme lorsqu'il revint à la charge :

— Alors, c'était un Auvent ?

— Non, c'est un Démécron.

Félix avait donné le premier nom qui lui était passé par la tête.

— Ça alors ! On n'en a pas eu dans la famille depuis des lustres. Comment s'est passée la rencontre ?

— Bien. On a beaucoup discuté.

Clément tiqua.

— C'est étrange, je ne ressens pas sa présence.

— Il est du genre discret.

Son mensonge était une bulle de savon qu'il voyait flotter dans les airs. Au moindre obstacle, à la moindre variation de température, elle éclaterait pour répandre la déception sur ses proches. Déchu. Déchu. Déchu. Des milliers de bouches moqueuses répétaient l'insulte dans son esprit. Elles exacerbaient ses nausées, lui causaient des sueurs froides. Il fallait que ça s'arrête.

Clément et Fleur se levèrent brusquement de table, saisirent leur petit frère par les aisselles et le trainèrent en direction de l'escalier.

— Où est-ce que vous l'emmenez ? s'étonna Marc.

— Il n'a même pas pris son petit-déjeuner ! protesta Matilda.

Dans la salle de jeux, Clément verrouilla la porte puis ils se réunirent tous les trois en prenant place sur les coussins.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? l'interrogea Fleur de but en blanc.

Félix était assis en tailleur, le dos voûté. Il se prit la tête entre les mains.

— Je n'en sais rien. J'ai attendu mon démon toute la nuit, mais il n'est jamais arrivé.

Sa détresse se mua en chagrin et le garçon pleura.

— Fais chier !

Clément quitta son coussin pour venir s'agenouiller en face de lui.

— Qu'est-ce que tu me fais ?

La Famille Malcius - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant