La Famille Malcius - Tome 1

Chapitre 4

Félix était avachi sur un coussin de la salle de jeux, le moral au plus bas. Maintenant que la journée était passée et qu'il prenait la pleine mesure de ses erreurs, une profonde culpabilité l'étreignait. Il n'aurait jamais dû emporter le Daemonium au lycée tout comme il n'aurait jamais dû se laisser convaincre par Max d'organiser une fête au manoir. Sa discussion avec Maeva, ou plutôt ses aveux délibérés, avait porté le coup de grâce à sa dignité. Il avait livré tous ses secrets en un temps record, sans menace ni torture !

Félix était trop faible pour survivre dans le monde démoniaque. Il en était conscient, sa famille aussi. Il avait toujours été ménagé en ce sens et les sujets un tant soit peu sensibles n'étaient jamais abordés en sa présence. Il se souvenait de la réaction hystérique de sa mère le jour où elle l'avait surpris, en compagnie de Clément et de Fleur, à regarder les informations sur une chaine occulte. Une journaliste relatait les derniers éléments de l'enquête sur Sabien Poderne, surnommé la fourche, le principal suspect dans une sordide affaire de meurtres en série. Matilda était entrée dans la salle de jeux comme une furie et avait débranché la télévision. S'en était suivi une longue réprimande absurde au terme de laquelle Fleur s'était écriée que Félix avait quinze ans et qu'il était suffisamment grand pour regarder le journal télévisé.

Les yeux du garçon obliquèrent vers l'horloge. Vingt-deux heures trente. Il poussa un jappement et s'enfonça un peu plus dans le coussin. S'il pouvait l'avaler tout entier et le faire disparaitre de la surface de la Terre, ça lui convenait parfaitement.

Les manettes du babyfoot claquèrent violemment. Fleur venait de bloquer un tir avec son gardien et la balle avait été renvoyée en milieu de terrain. Clément continua de bourriner jusqu'à marquer un point et poussa un cri victorieux.

— Trois - zéro, face de pet !

Félix enviait ses ainés pour leur force. Clément et Fleur avaient ce tempérament, cet aplomb nécessaires pour s'affirmer en société. Ils étaient tout ce que lui n'était pas, comme s'ils avaient partagé tout le courage disponible à la naissance sans lui en laisser une miette.

Fleur tapa la balle qui traversa le terrain à toute vitesse. Le gardien adverse s'interposa alors que Clément n'avait même pas touché sa manette.

— On a dit sans les démons ! protesta la fille.

Son frère lui adressa un clin d'œil espiègle.

— Tu vas voir.

L'énergie démoniaque satura la pièce. C'était comme si le niveau d'oxygène avait subitement diminué, remplacé par un gaz lourd et pernicieux. Toutes les manettes du babyfoot s'activèrent en même temps et la balle fusa tel un boulet de canon entre les deux camps.

Des bruits de pas résonnèrent dans le couloir et Matilda entra dans la pièce.

— Les démons ne sont pas des jouets, jeunes gens !

Le babyfoot se stabilisa brusquement. Une dernière frappe éjecta la balle hors du terrain et l'envoya en direction de la mère de famille. Celle-ci claqua des doigts et le projectile se désintégra dans les airs.

— Et encore moins quand on ne sait pas les utiliser correctement !

Félix remarqua la fatigue sur les traits de sa mère.

— Maman, tu es sûre que ça va ? Tu as l'air épuisée.

— Je suis épuisée, confirma la femme dans un soupir. Ces satanés démons m'en font voir de toutes les couleurs.

— Le mois de charité se termine quand ? demanda Clément.

— La semaine prochaine.

S'appuyant contre le babyfoot, Fleur prit un air compatissant :