La Famille Malcius - Tome 1

Chapitre 51

Les flaques visqueuses rampèrent sur le sol et s'amassèrent en un monticule. Bientôt, une forme humanoïde s'éleva sur des jambes flageolantes.  

— Mes chers élèves, je vous présente Flagada ! C'est un démon de Sevran que j'ai personnellement choisi pour nos entraînements. Cette entité est capable de se démultiplier et il est possible de modifier l'agressivité de ses copies. En plus de ça, Flagada ne ressent pas la douleur, alors vous pouvez vous faire plaisir !

Les élèves s'approchèrent du démon et les plus courageux palpèrent sa matière.

— C'est fantastique ! Tu as vu ça, Félix ? Il m'est possible de traverser ce démon avec...

Maël perdit l'équilibre et finit avec la tête coincée dans la gelée. Félix dut le tirer par les épaules pour le sortir de là.

— Merci, dit-il pendant que la gelée glissait de ses vêtements pour retourner auprès du démon.

Quelque part dans le donjon, les élèves remarquèrent une table dont le plateau était recouvert d'armes toutes plus terrifiantes les unes que les autres. Ils pensèrent d'abord qu'elles avaient été laissées là par inadvertance, mais le reflet de leur silhouette argentée dans le regard joueur du professeur leur donna tort. C'était Madame Gaussin elle-même qui les avaient amenées ici.

— Elles sont magnifiques, marmonna-t-elle amoureusement. Promis, vous pourrez jouer avec dans un moment. Il y en a pour tout le monde... Pour tous les goûts...

C'était un discours à sens unique. Madame Gaussin aimait profondément les armes, au moins autant que ses élèves en avaient peur. Elle évoquait la violence avec la passion d'un ornithologue pointant un oiseau particulier dans le ciel.

— Bien sûr, ça doit rester entre nous ! annonça-t-elle subitement. Les autres élèves seraient jaloux de savoir que je vous ai confié ces petits bijoux. Alors, pas un mot !

Les adolescents masquèrent leur exaspération. Madame Gaussin n'avait tout simplement pas le droit de leur confier des armes.

— Toutefois, vous ne pourrez pas vous en servir tout de suite.

Elle leva les mains et les agita comme pour calmer une foule houleuse. Sauf que ses élèves ne pouvaient être plus calmes et silencieux.

— Je sais ! Vous avez hâte de trancher Flagada à coup d'épée et de hache, mais soyez patients. Vous ne pourrez pas vous en servir tout de suite car je vais vous demander de combattre à mains nues, et ce pour une raison bien précise. Lorsqu'un démoniste désarmé fait face à un danger, il révèle sa vraie nature et invoque l'élément qui lui correspond. À titre personnel, je suis capable d'invoquer la foudre. C'est ma particularité. Bien, alignez-vous contre ce mur et tenez-vous prêts. Flagada, mon brave ! Divise-toi en trente fragments de niveau deux.

Le démon frétilla, parcouru d'un frisson, et se scinda en deux, en quatre, et ainsi de suite jusqu'à se diviser en trente copies identiques. La couleur de sa gelée fonça légèrement, indiquant que son agressivité avait augmenté. En face, les élèves brandirent les poings.

Madame Gaussin était aux anges, si heureuse de les voir s'adonner à quelques violences.

— Il va voir de quel bois je me chauffe ! s'exclama Maël en remontant ses manches.

— Allez-y sans retenue ! s'écria la professeure.

Les élèves foncèrent sur les Flagada et envoyèrent des coups maladroits. Des bruits spongieux retentirent et des projections de gelée crépirent les murs du donjon.

— Invoquez vos démons, bande d'idiots !

Les élèves réalisèrent leur bêtise et s'exécutèrent. Félix se gonfla d'énergie démoniaque et contempla son adversaire. Soudain, sa volonté de combattre devint une intuition qui lui suggéra de concentrer sa force dans ses épaules avant de frapper. Il dirigea l'énergie démoniaque dans le haut de son corps et envoya un coup de poing. Une légère explosion retentit et le Flagada fut éparpillé aux quatre coins du donjon.