Chapitre 39

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Le silence s'abattit sur l'arène et ses gradins. L'atmosphère se chargea d'une tension palpable. Félix était persuadé que s'il tendait la main, il lui était possible d'attraper un fragment de vide.

Tout à coup, l'arène trembla. Félix pensa que les hostilités avaient commencé, pourtant les deux combattants n'avaient pas bougé d'un pouce. Il observa les arbres frémir, la petite étendue d'eau remuer en clapotant, la poussière s'envoler en tourbillon. Une tempête se levait dans l'arène toujours silencieuse.

— Qu'est-ce qui se passe ? 

Les tremblements cessèrent. Félix s'était penché par-dessus la rambarde et contemplait Isaac et Evie lorsque ces derniers invoquèrent simultanément leur démon. Deux ombres noires se déployèrent brusquement au-dessus de leurs épaules comme si elles avaient été maintenues sous pression dans le corps des adolescents. Une onde de choc déferla dans l'arène et les démonistes en charge de maintenir la barrière de protection grimacèrent sous l'effort.

— Nom d'Obane ! s'écria Félix.

Un dragon surplombait Evie. Il était fait d'une brume noire et répandait des volutes obscures à mesure qu'il battait le vide de ses deux ailes immenses. Le démon poussa un cri guttural et ses yeux se réduisirent en deux fentes menaçantes. Dans le camp adverse, une silhouette dissimulée sous un masque de pharaon dominait Isaac. Elle portait un collier en or muni de quatre clés qu'elle retira et déposa autour du cou du garçon. Celui-ci leva les yeux pour lui adresser un clin d'œil, puis reporta son attention sur son adversaire.

— Un dragon et un pharaon ! explosa Félix en plaquant ses mains sur ses joues.

Si sa culture générale ordinaire lui avait permis de reconnaître les deux entités invoquées, un détail l'interpella.

— Ce pharaon, il possède un masque et un collier avec des clés. Comment c'est possible ? Je veux dire... Les démons, ils ne peuvent pas avoir d'objet sur eux, normalement.

Namibe souffla un nuage de fumée, un sourire au coin des lèvres tandis qu'il fixait le pharaon.

— Nous avons jugé bon de les lui laisser.

— Nous ? s'étonna Félix. Qui, ça, nous ?

Mais son camarade ne répondit plus.

Dans l'arène, la foule était restée silencieuse et cela déçut Félix. Le garçon s'impatientait de crier ses encouragements à Evie Elzrath et Isaac Thulbord car, même s'il ne les connaissait pas, leur prestance et la puissance qu'ils dégageaient étaient suffisantes pour convaincre quiconque de les soutenir. En d'autres mots, ils avaient la classe, le genre de classe que Félix fantasmait dans les films d'action joués par ses acteurs préférés.

Evie et Isaac rappelèrent leur démon et les acclamations du public s'élevèrent finalement. Les spectateurs sifflaient, tapaient du pied, frappaient dans leurs mains, chantaient à tue-tête. Félix ajouta sa voix et ses applaudissements à leur enthousiasme. Une onde galvanisante le transcendait. Il faisait partie de ce tout commun, de cette foule en délire.

Isaac attrapa un élastique et noua ses cheveux bruns en catogan. Sa coiffure terminée, il esquissa un geste nonchalant de la main et une porte se matérialisa juste devant lui. Elle était mouvante, façonnée dans une brume violette, et présentait une serrure en son centre. Le garçon saisit une des clés et la déverrouilla.

— La troisième porte, expliqua Namibe. Celle d'Héradis, le forgeron d'Obane.

— À quoi elle sert ?

— Elle permet à son invocateur d'accéder à l'armurerie infernale.

Isaac passa un bras dans la porte et en extirpa un bâton en acier qu'il agita d'un mouvement sec. Une lame spectrale jaillit sur l'une des extrémités et l'arme devint une faux.

La Famille Malcius - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant