La nuit qui suivit son absorption, Félix endura une insomnie intraitable. Son dîner, le Keïtos le lui fit recracher dans ses draps jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien dans son estomac. Des remugles acides empestaient la chambre et les bougies parfumées que Fleur avait déposées sur les meubles ne suffisaient plus à masquer l'odeur. C'était même pire, réalisa Félix, qui pensait respirer une rose trempée dans l'eau des égouts.
Aux alentours de quatre heures du matin, le garçon se rendit dans la salle de bain pour s'asperger le visage et sa balade nocturne réveilla sa sœur qui vint le trouver. Elle l'aida à changer sa literie, ouvrit les fenêtres de sa chambre pour aérer, puis l'emmena au rez-de-chaussée pour fouiller dans un meuble du salon dans lequel leur mère rangeait toute sorte de bijoux. Elle y dénicha un collier avec un pendentif en forme de coccinelle qu'elle tendit à son frère.
— Ça devrait diminuer l'emprise du Keïtos sur ton corps, lui expliqua Fleur.
Félix, qui espérait quelque chose de plus viril, fit la moue lorsque l'envie de vomir le prit de nouveau. Sans plus attendre, il enfila le bijou et retourna se coucher.
À onze heures, le garçon dormait toujours. Clément et Fleur l'attendirent pour le petit-déjeuner avant de comprendre que leur frère ne les rejoindrait pas. Après une partie de billard l'un contre l'autre, ils décidèrent d'aller le réveiller. Ils entrèrent en criant dans sa chambre et Félix se réveilla en sursaut, libérant un jet de bile au moment de se redresser.
— Beurk, grimaça Clément.
Fleur traversa la pièce et ouvrit les fenêtres en grand.
— Quand maman rentrera, je lui demanderai qu'elle applique un nouveau sort sur le collier. Celui-ci doit être trop vieux.
Félix essuya ses lèvres à l'aide d'un mouchoir.
— Les parents sont partis ?
— Oui, ce matin très tôt. Heureusement qu'ils ne sont pas venus t'embrasser. Ils auraient été surpris, railla son frère.
— Non, ce n'est pas possible ! s'écria Félix. Il faut que quelqu'un renouvelle le sort aujourd'hui ! Il y a mon anniversaire ce soir et Maeva sera là. Imaginez un instant que...
Le garçon plongea sous sa couverture en gémissant.
— Je suis maudit. Obane me punit !
— Arrête de te morfondre vomito et viens manger. Tu dois avoir le ventre vide, lança Clément. On a fait des œufs brouillés et du bacon.
L'appel de la nourriture força Félix à se lever. Il enfila un tee-shirt propre, un jogging et fonça en direction de la cuisine où une délicieuse odeur l'appâta. Ses aînés l'accompagnèrent et se servirent un café.
— J'ai une question à vous poser, parla Félix la bouche pleine. Comment faîtes-vous pour utiliser vos démons ? Je veux dire... Si vous voulez... Je ne sais pas... Allumer le micro-ondes sans le toucher, vous demandez à votre démon de le faire pour vous et basta ?
Fleur leva les yeux au ciel et réfléchit. Ses cheveux blonds étaient rassemblés sur sa tête en un chignon désordonné et des mèches tombaient sur son regard. Elle ne s'était toujours pas changée et avait gardé son pyjama, une grande chemise bleu clair accompagnée d'un short en coton gris.
— C'est plus compliqué que ça, dit-elle. Avant de demander quoi que ce soit à ton démon, il doit y avoir une connexion entre vous deux, une sorte de lien affectif. Vous devez apprendre à vous connaître, partager des choses, vous parler. Une fois que c'est fait, ton démon acceptera de réaliser tes requêtes, à condition qu'il dispose de suffisamment d'énergie. À savoir que cette énergie dépend de deux choses : ta propre fatigue et la sienne. Un démon est toujours éveillé, contrairement à toi. Il se repose seulement lorsqu'il ne fait rien.
— Donc, je dois le laisser tranquille après lui en avoir trop demandé ?
— Exactement. Et il faut que tu gardes ça en tête, Félix. C'est la règle d'or des démonistes.
Le garçon saisit la gravité dans la voix de son frère.
— Je ne comprends pas. En quoi est-ce si important ? Je veux dire, si un démon est à plat, il arrête tout simplement de faire ce qu'on lui demande, non ?
— Non, ça ne se passe pas comme ça, reprit Fleur. Sais-tu pourquoi les démons sont surnommés les « fidèles » ?
— Aucune idée.
— Parce qu'ils ne peuvent refuser les requêtes de leur hôte. Si un démon est épuisé mais qu'il continue d'être sollicité, alors il va aller puiser de l'énergie dans un endroit que toi et moi ne souhaitons pas connaître.
— Et après ? appréhenda Félix.
— Après, il faut en payer le prix.
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La Famille Malcius - Tome 1
ParanormalComme le veut la tradition, Félix héritera d'un démon la veille de ses seize ans. Un évènement important que sa famille s'impatiente de célébrer. Pourtant, le garçon est loin de s'en réjouir. L'occultisme n'est pas sa tasse de thé et s'il pouvait se...