La Famille Malcius - Tome 1

Chapitre 6

Les murs du manoir tremblaient. C'étaient les fondations mêmes de la demeure qui se réveillaient, apeurées par la démonstration de force des deux hommes.

— N'approche pas ! menaça Clément en s'invitant dans la rixe.

— Tu ne vas pas t'y mettre, toi aussi ! fulmina sa mère.

Derrière l'homme, le cri de nouveaux démons retentit.

— Ils sont toute une armée ! s'alarma Fleur en réveillant son Oculus.

— Mes enfants m'ont accompagné, s'écria Pierre pour être entendu malgré le vacarme des protestations.

Sûr de lui, il recula et dévoila le reste de sa famille. Celle-ci patientait d'un air désinvolte au pied de l'escalier menant au perron.

— Ils ne sont pas très accueillants tes amis, fit remarquer un adolescent, bras croisés.

— C'est vrai ça, confirma sa sœur, une jolie blonde aux cheveux noués par un bandeau.

— Je crois que nos démons les mettent mal à l'aise, railla le dernier.

Sidérés, les Malcius observèrent les ombres qui dansaient au-dessus des jeunes gens. Félix n'était pas un expert en démonologie, mais il en savait suffisamment pour comprendre que ces entités n'étaient pas communes. S'il se fiait au peu d'informations qu'il avait retenues du démonologue, elles étaient toutes plus rares les unes que les autres.

— Ça suffit ! s'écria Matilda. Arrêtez.

Pierre frappa dans ses mains et les démons s'évanouirent.

— Tu m'expliques ce cirque, Pierre ?

— Ce cirque ? Si ton mari apprenait à se tenir, nous n'en serions pas à cette démonstration de force puérile. Une chance qu'il n'ait pas voulu me réduire en cendres...

— Je vais... s'emporta Marc.

Sa femme leva la main pour l'arrêter.

— Pourquoi cette visite ?

— Comme je l'ai expliqué avant d'être interrompu, nos familles ont été tirées au sort pour participer aux Jeux Obscurs.

Fleur et Clément jetèrent un coup d'œil oblique en direction de leur frère.

— Les Jeux Obscurs ? répéta Matilda. Ici, à Saint-Mérand ?

— En effet. Je venais simplement vous prévenir avant que vous ne receviez la convocation. Puis, c'est l'occasion de renouer le lien entre nos familles puisque nous allons séjourner ici quelque temps.

Fleur ferma les yeux et manifesta son agacement par un soupir.

— Ça n'a pas l'air de te ravir, lui fit remarquer Félix.

— Ses débiles d'enfants vont vivre à Saint-Mérand, ce qui signifie qu'ils étudieront dans notre lycée.

— Et alors, ce n'est pas aussi grave que ça en a l'air.

Félix lorgnait la jolie blonde qui jouait avec sa couette, un sourire niais sur les lèvres. Fleur leva les yeux au ciel et lui assena une tape derrière la tête.

— Arrête. Cette fille est aussi timbrée que le monstre en elle. Ne l'approche surtout pas.

— Comment se fait-il que vous les connaissiez ? Moi, je ne les ai jamais vus.

— Il y a trois ans, tu étais parti en Irlande avec ta classe. Au même moment, papa et maman avaient été convoqués par l'Administration pour une affaire de corruption, et c'est là que nous avons rencontré la famille Foladel.

— Je vois. Dis, comment on va faire pour les Jeux ?

— On va trouver une solution. En attendant, ne dis rien.

Le regard perçant de Pierre glissa sur les enfants Malcius avant de se poser sur Félix.

— Le voici, le dernier en date.

— Bonjour, salua timidement Félix.

— On ne se connaît pas, je me trompe ?

— Oui. Enfin, non. Je ne vous connais pas.

— Je suis Pierre Foladel, main droite de l'Administration. Et voici mes enfants, ainsi que ma ravissante épouse.

Tour à tour, chacun se présenta.

— Moi c'est Théo, dit le premier d'un air suffisant.

Félix réprima un frisson. Une minute plus tôt, ce garçon avait invoqué un Limier, un démon millénaire connu pour avoir participé au massacre des Croisades.

— Valentine, enchaîna sa sœur.

— Gabriel, continua leur frère. Le plus normal des trois.

— Et je suis Christine, leur mère, termina une petite femme replète.

Félix leur adressa un hochement de tête courtois.

— Enchanté.

— Crois-moi, tu ne vas pas le rester bien longtemps, lui glissa Clément à l'oreille.

— Bien, revenons à nos moutons, reprit Pierre. La présentation des Jeux de cette année se déroulera dans le château des Margnolia le mois prochain. Je vous communiquerai la date au plus vite.

— Nos enfants sont trop jeunes pour participer aux Jeux, s'opposa Marc.

— Tu insinues que votre famille souhaite se dérober à son devoir ?

— Nos enfants participeront, décida Matilda. Les épreuves n'ont pas changé ?

Pierre parut amusé.

— Justement, j'allais y venir. Il y a eu un roulement et les épreuves de cette année sont celles de 1850.

— Tu te moques de moi ? scanda Matilda.

Une dispute éclata entre les parents et Félix en profita pour questionner son frère.

— Qu'est-ce qui s'est passé en 1850 ?

Clément déglutit difficilement.

— Des participants sont morts.

— Morts ? Comment ça, morts !

— Une partie s'est entretuée après avoir perdu la raison. D'autres ont disparu. D'autres encore ont été massacrés par les démons errants invités pour l'occasion.

Félix devint blême. Il allait se faire trucider.

— Ne t'inquiète pas, les équipes sont constituées à partir des familles. On sera avec toi, le consola Fleur.

— Dernière chose, s'écria Pierre pour être entendu de tous. Comme les règles de 1850 l'imposent, les équipes seront constituées au hasard. Ainsi, les familles ne sont plus autorisées à concourir ensemble.