2 - ENZO

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A la base j'avais juste prévu de me poser tranquille à l'appart. Regarder un film ou lire - plutôt la deuxième option à vrai dire. Puis je me suis dis hey mec ça fait longtemps que t'as pas vu tes parents t'es un sale gosse.

Et c'est vrai. Je les appelle même pas toutes les semaines.

Sauf que je peux pas me ramener les mains vides, ouais ça le fait pas. C'est comme ça que je me retrouve à marcher dans une rue du 15ème, écouteurs vissés aux oreilles.

Le chant des sirènes résonne et je m'efforce de suivre le chemin indiqué par mon GPS pendant que les saintes paroles d'Orelsan atteignent mon cerveau.

Vous savez combien de résultats mon IPhone a généré lorsque j'ai tapé "fleuriste Paris 15" ? Beaucoup trop, alors j'ai rajouté un autre mot clé dans google. "Pas cher". Je peux vous assurer que le résultat est assez surprenant.

Croyez pas, je suis pas radin. C'est juste que ça m'embête un peu de dépenser des thunes pour des fleurs qui vont crever en trois jours.

Le trajet dure à peine le temps de deux sons. C'est fou quand t'es à Paris intramuros y'a des fois où tout est tellement près, tellement là. Au final exit le métro, si tu veux un truc de merde tu peux y aller à pied.

Arrivé près de la petite boutique je me stoppe et observe la devanture un peu vieillotte. Une chose m'a tout de suite plu quand j'ai trouvé l'adresse grâce à internet : ce fleuriste est indépendant. Il me semble que c'est de plus en plus rare dans les environs. Alors d'une certaine manière je me sens proche de ce lieu, on peut dire qu'on à un point commun. Jamais besoin de personne, on se débrouille solo.

Lorsque je passe la grande porte, le tintement d'une clochette résonne et je suis stupéfait. D'abords parce qu'il y a vraiment des fleurs partout, ça me coupe le souffle. Genre c'est le bordel mais organisé. Je suis pas con hein, je sais que chez un fleuriste c'est normal d'en trouver. J'veux dire littéralement y'a bien la racine fleur dans le mot mais je crois que personne ne lui a jamais autant fait honneur qu'ici.

Les murs sont recouverts de tableaux de toutes sortes, avec de simples cadres en bois ou d'autres plus sophistiqués recouverts de dorures. J'aime bien l'effet que ça produit, c'est cool. On se sent à l'aise, un peu comme chez soi.

Mais j'avoue que je suis perdu. Alors je me mordille la lèvre, vieux reflexe. Je ne sais pas du tout quoi acheter. Je déambule comme je peux, pas simple dans 20 mètres carrés.

Putain mais qu'est ce que je fous là moi déjà ?

- Bonjour, je peux vous aidez ?

Je me retourne vers la voix de femme. Pour l'instant je distingue pas grand chose. Cette meuf on dirait un asticot. Genre elle s'agite partout, se baisse, se relève, va dans l'arrière boutique, revient. Je souris, elle est pire que ma sœur.

J'approche et replace ma casquette.

- Euh ouais j'veux bien.

Un rictus gêné se dessine sur ses lèvres. Elle rougit. Encore une timide.

- C'est... c'est pour ma mère.

Wesh mais depuis quand je bégaie moi ? Heureusement la caissière ne le remarque pas - ou fait mine de l'ignorer, je sais pas trop. Elle semble trop occupée à réfléchir.

- Hum on peut partir sur des pivoines, protection et amour et santé ?

Ah cette putain de psychologie des fleurs. J'avais oublié. J'en ai pas grand chose à foutre alors je hausse les épaules en rigolant, je crois qu'elle s'en rend compte : la vendeuse sourit vraiment cette fois. Elle me demande combien j'en veux. Quatre ça me parait bien, alors je fais le signe avec mes doigts.

Ouais, je suis flemmard à ce point. Surtout j'ai pas envie de me ridiculiser. Une fois ça passe, deux fois c'est mort. Je préfère me retrouver à poil dans un vestiaire que beuguer une autre fois.

Nan en fait, degueulasse.

La fleuriste revient déjà et forme un bouquet qu'elle entoure d'une feuille plastique. Elle ficèlle le tout à l'aide d'un ruban jaune. Depuis quand le jaune ça va avec le rose ? Mais bon je la ferme. Faisons confiance aux femmes, elles ont souvent raison.

- Tadaaa !

Cette fleuriste est toute fière en me tendant son bouquet c'est ouf. Beaucoup trop enthousiaste aussi, c'est drôle.

Je prends le temps de la détailler. Elle est mignonne, voir assez jolie. Brune, le teint halé, cheveux bouclés, frange. J'admets elle a du charme. Par contre je comprends pas les gros anneaux à ses oreilles là. Quel est l'intêret ? En plus ces machins dorés doivent peser trois tonnes.

Je file un gros billet pour payer. Bravo mec t'avais pas de la monnaie ? Je sens le regard haineux de mademoiselle. Meuf t'as des machines qui calculent pour toi alors fait pas ta moue boudeuse hein.

Quand elle relève la tête nos regards se croisent, ses yeux sont d'un marron puissant. Noisettes adorables. C'est pas trop moche. Ils sont brillants et...hein ?

- T'as un coquard ?

La fleuriste a pas l'air de comprendre car elle fait une moue surprise. Alors doucement, elle approche sa main de son œil et le touche délicatement. Je devine que ça lui fait mal au vu de la grimace qui se dessine discrètement sur son joli visage.

- Si c'est à cause d'un mec j'peux eventuellement lui casser la gueule, je dis.

Je fronce les sourcils. Le fils de pute. Contre toute attente madame est prise d'un fou rire. Faut m'expliquer là parce que je comprends plus rien.

- C'est rien du tout je suis juste pas douée, elle répond.

Difficile à croire, son oeil est bleu. Manque de bol, le telephone de la boutique sonne et la fleuriste décroche après avoir murmuré un au revoir rapide.

Mouais, je prends mon bouquet et quitte la boutique.

On verra bien meuf...

D'amour et de RapOù les histoires vivent. Découvrez maintenant