- Dépêche toi et monte.
Em rentre et claque la portière de ma voiture. Dix minutes : c'est le temps entre le moment où je lui ai envoyé un texto pour lui indiquer que j'étais en bas de l'immeuble et celui où elle s'est enfin décidé à pointer le bout de son nez. Je ne sais absolument pas ce qu'elle a bien pu faire tout ce temps. C'est beaucoup trop long pour seulement se préparer, non ?
- L'adresse c'est Montmartre.
Je hoche la tête et sors de la double file pour m'insérer dans la circulation. Je me prépare mentalement à conduire plus d'une demi-heure dans Paris en plein samedi après-midi. J'aurais largement préféré qu'on parte ce matin, le trajet aurait été moins long et fastidieux.
- T'as prit ton appareil photo ?
- Ouais je me suis dit qu'il y aurait des instants sympa à capturer.
Je souris. On a la chance de tous les deux avoir une passion. Pour ma sœur c'est la photo, pour moi c'est la musique. Ça fait une connexion en plus entre nous, ça nous lie encore d'avantage d'être artiste tous les deux. Elle n'expose son travail que sur quelques réseaux sociaux pour l'instant mais je suis convaincu qu'un jour ça sera dans une galerie d'art que je la retrouverai.
- Elle est sympa cette prod, Émilie secoue la tête en rythme.
- Ouais c'est une prod de Mickaël.
- T'arrêtera jamais de traîner avec eux hein ?
- Impossible, je ris.
Le beat tourne en boucle et je sens que ma sœur se lasse. Du coin de l'œil je la vois chercher des disques à insérer dans le boîtier. Je pense pas que j'en ai laissé dans la voiture alors elle peut passer autant de temps qu'elle veut à essayer d'en trouver.
- On peut mettre la radio si tu veux.
- C'est dépassé ça !
- Parle mieux toi, mes sons passent à la radio.
- Oh désolé monsieur mais j'écoute pas du rap moi.
Je secoue la tête, elle ment. C'est impressionnant la capacité qu'elle a à me répondre simplement pour me faire chier. Je sais qu'elle peut passer pour quelqu'un d'insolent aux yeux de certain mais moi je sais qu'elle le fait seulement pour m'embêter un peu.
- Sérieux t'as vraiment rien ici !
- C'est parce que les CD c'est dépassé et les vinyles aussi.
Je la fixe car je sais qu'il ne faut pas toucher à ses disques chéris sous peine de subir ses foudres. Elle en a d'ailleurs toute une collection dans sa chambre. À la place d'avoir une bibliothèque remplit de livre, ma sœur en a une pleine de trentes-trois tours. C'est aussi elle qui m'a poussé à sortir mon album également dans ce format. Ça coûte pas cher alors pour lui faire plaisir j'ai accepté. J'avoue cependant que c'est pas ce modèle qui s'écoule le plus.
Émilie est loin d'abandonner et c'est avec frustration qu'elle ouvre, dans un dernier espoir, la boîte à gants.
Oh non.
Honnêtement j'avais totalement oublié la présence de ce foutu emplacement dans ma voiture. Si bien que j'ai pas envisagé la possibilité que ma sœur cherche dedans. Et je sais très bien que j'ai laissé dans cette boîte un petit paquet cartonné largement taxé par l'État...
- Depuis quand t'as recommencé à fumer ?
Depuis pas longtemps.
Je ferme les yeux un rapide instant. Comment je vais être crédible pour lui faire la morale. Ça y est, je viens de ruiner des années de droiture.
- Ça te regarde pas.
Em ne commente pas. Elle n'essaie même pas de me menacer. À sa place de sœur ingrate j'aurais tout de suite balancé aux parents. Je reconnais que je suis déçu, j'étais bien près pour une énième dispute. Je m'attendais à absolument tout mais pas à ça, pas à ce geste qu'elle fait. Honnêtement je ne l'a croyait pas capable d'un tel niveau de provocation : elle sort une clope et l'embrase grâce à l'allume cigare. J'observe l'extrémité de la cigarette rougir lorsqu'Émilie tire dessus.
Elle est folle putain.
- Repose ça petite.
- Fait gaffe le feu est vert Enzo.
Je redémarre et transmet à mon levier de vitesse toute ma rage. Elle le fait exprès la chieuse. Je sais qu'elle n'a pas l'habitude de fumer car elle tousse. C'est bien fait pour elle.
- Arrête tes conneries Em.
Pas de réponse.
- T'es chiante ! Ouvre la fenêtre au moins !
Elle finit lentement garot et jette le mégot. Elle se fout de tout, c'est pas possible. Je vais pas rapporter car c'est pas mon genre mais ça me chatouille le bout de la langue.
- La planète putain !
- Tu crois qu'avec ta voiture tu pollues pas ?
- C'est toi qui m'a demandé de te chercher sale peste.
- Ne rejette pas la faute sur moi.
Insupportable cette gamine. Voyez par vous même. Finalement le trajet prend fin quand on arrive dans la fameuse place du 18ème. Comme à l'accoutumée, c'est une galère pour se garer. Franchement je continue à me demander pourquoi j'ai passé ce foutu permis de conduire, ça m'apporte que des emmerdes.
- Claque pas la porte Émilie !
Vous devez vraiment penser que je suis le grand frère le plus lourd de tout Paris. C'est pas le cas. Pour ma défense, j'ai acheté ce bolide neuf - au prix fort donc - il y a moins de six mois. Alors j'ai envie de le garder en vie encore un peu.
On paie l'entrée et commence à nous promener dans les allées. Les vendeurs n'explosent que des babioles, je vous jure je ne vois pas qui pourrait être intéressé pour acheter un de ces trucs.
- Y'a pas de vinyle ?
- Attends sœurette, on vient de débarquer là.
Je guette l'heure sur mon portable, il est presque dix-sept heures. Je connais Em, elle ne voudra pas décamper avant qu'il fasse nuit. On déambule et je repère au loin un étal présentant des tonnes de pots. Les fleurs contenues dedans sont toutes à moitié fanées et je tique, c'est absolument pas commercial. Elles sont toutes desséchées et on largement perdu de leur couleur. Franchement c'est moche et je vois pas l'intérêt de laisser ça dans cet état. À cet instant, je pense à une petite boutique située vers chez moi.
Pourquoi ?
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D'amour et de Rap
Romantizm« Sofia est une fleuriste qui s'épanouit un peu plus de jours en jours. Elle mène une vie calme et posée dans le 15ème. Un peu timide, elle chouchoute ses fleurs ou encore sa grand-mère. En effet bien qu'indépendante, la jeune fille partage son foye...