65 - SOFIA

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En poussant la porte du studio la première pensée qui me vient est : bordel, je suis folle. Pourquoi avoir envisager la possibilité d'embrasser Enzo alors que je ne suis moi même pas sûre de mes sentiments ? C'est stupide, j'aurai agi impulsivement.

Tout ça à cause d'une chanson.

Je souffle. Je n'ai aucune idée de ce que je dois penser de tout ça.

- Faut que je te dise un truc.

- T'as déjà une copine, c'est ça ? En parlant de moi dans un son tu la trompes ? Je dirais rien.

Je passe mes doigts dans ma frange. J'ignore pourquoi cette perspective me fait si mal mais le fait est que je crois bien que finalement, ce mec ne me laisse pas indifférente.

- Nan jamais je ferais ça.

Il rit et un instant je crois bien qu'il va encore m'embrasser. Au final il reste immobile et une pointe de déception me traverse. A quoi je m'attends au juste ?

- Ce soir je pars en vacances avec ma sœur, tu sais la meuf bizarre aux cheveux bleus.

Je hoche la tête. Effectivement je me souviens d'elle. On peut pas vraiment dire que je l'ai déjà vue car ce n'est pas le cas mais une particularité pareille ne s'oublie pas facilement. C'était pour elle qu'il était venu acheter la rose.

Et c'était bien longtemps avant aujourd'hui.

- Tu reviens quand ?

Ca me tue de l'admettre mais il va me manquer. Beaucoup. Surtout que j'ai l'impression que ça fait un bail qu'il n'est pas passé à la boutique, faut que je lui présente Ratatouille et un nouveau vase que Mamita a déniché pour moi y'a pas longtemps.

- Justement c'est ça le problème, je sais pas trop.

Il se mord la lèvre et je ne peux m'empêcher de le rassurer. Après tout, ça ne fait que quelques semaines qu'on se connait. C'est pas un drame si il disparait quelques temps, je suis toujours capable de vivre sans lui. Puis c'est pas comme si le téléphone n'existait pas : on peut toujours échanger par texto.

- J'aimerai bien que tu viennes...

- Mais j'ai la boutique.

Enzo acquiesce et m'attire jusque dans ses bras. Je laisse ma tête reposer contre son épaule et j'essaie de faire le point : il s'est passé tellement de choses folles durant cette nuit. C'est la première fois que ma vie échappe à ce point à mon contrôle et je dois bien admettre que ça ne me dérange un poil.

- D'ailleurs tu m'accompagnes toujours au mariage ?

- Pourquoi j'irais plus ? J'ai promis Sofia.

Je hausse les épaules. Je ne sais pas pourquoi j'ai posé la question. Au fond je crois simplement que j'avais peur qu'après qu'Enzo ait révélé ses sentiments notre statut ne change la donne, que d'un coup il ne voudrait plus me voir. Mais faut que j'arrête de projeter mes sentiments sur les autres. C'est moi qui suis lâche et qui n'ose rien, pas lui.

- Ca fait bizarre que t'ai dit ce soir alors qu'il est à peine six heures du matin.

- T'as vu !

Je souris et pour une fois je n'esquive pas son regard. C'est étrange mais je me sens plus à l'aise face à lui depuis que j'ai visité le studio. Comme si sa chanson et les non-dits m'empêchaient de me dévoiler entièrement. N'empêche je suis toujours troublée par cette déclaration et ça doit se voir car Enzo déclare :

- J'ai juste écrit un morceau sur toi.

Je le pousse gentiment mais Enzo m'empêche de m'échapper. A cent pour cent, il fait exprès de ne pas comprendre ce que j'insinue uniquement pour me taquiner. Il vient de m'avouer implicitement qu'il m'aimait, je ne suis pas conne au point de ne pas le comprendre. C'est tout lui de faire ce genre de chose.

Tu parles comme si tu le connaissais depuis toujours.

Ca peut paraitre fou, voir même insensé et pourtant c'est réellement la sensation que j'ai.

- Je vais rentrer, ma grand-mère va se réveiller.

- Je te ramène ?

Je fais non de la tête. C'est gentil mais je refuse sa proposition, j'ai besoin de digérer et quoi de mieux pour ça que de se retrouver seule dans le métro. Surtout je vais passer un coup de téléphone à Barack car je ne fais que des conneries quand il n'est pas là.

La preuve.

Je sais déjà qu'il ne va pas apprécier que je l'appelle en post-cuite mais vu l'importance de l'info que j'ai à lui transmettre il devrait me pardonner assez facilement.

J'espère.

- C'est bon, tu peux me lâcher maintenant.

- Princesse, c'est toi qui t'accroches à moi.

Je secoue la tête même si Enzo n'a pas totalement tord. Je ne peux pas rester dans ses bras et en même temps rentrer chez moi. Ou alors fallait pas que je boude le trajet en voiture qu'il m'a offert. Bordel, je ne sais vraiment pas ce que je veux dans la vie et ça commence à devenir un réel problème.

- J'y vais alors.

En théorie, car en réalité je ne bouge pas d'un poil. Faut vraiment que je me fasse soigner.

- Sofia.

- Oui ?

- Faut bouger là.

Je souris et pourtant intérieurement je suis à bout. La vérité c'est que je ne sais pas comment lui dire au revoir. J'ai peur de faire une bêtise en lui faisant la bise et ça me terrifie. Heureusement Enzo finit par le comprendre car il me détache de lui et vient poser ses lèvres contre mon front pendant que je ferme les yeux.

Voilà c'était pas si compliqué.

Un dernier regard et je m'échappe vers la bouche de métro la plus proche, un sourire niais plaqué à mes lèvres. Une fois que je juge m'être assez enfoncée dans les profondeurs de la terre pour être hors de vue d'Enzo, je n'attends plus une seconde et presse le fameux bouton sur mon téléphone.

En tant qu'ami en or, Barack ne me fait patienter que deux tonalités avant de décrocher mon appel. Alors une fois qu'il est réveillé, j'annonce :

- Frère, je crois que je ressens un truc.





D'amour et de RapOù les histoires vivent. Découvrez maintenant