24 - ENZO

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Je vous jure, je ne sais pas ce qui me gonfle le plus : les vrais touristes ou Em qui s'arrête à chaque brin d'herbe pour prendre une photo. Aller au champs de Mars ce n'était vraiment pas une bonne idée, on aurait du opter pour un coin de paris largement plus tranquille comme par exemple le village Saint Paul. Là bas on aurait pu faire le tour des antiquaires et, pour finir, on serait allés manger dans un petit restaurant sympa.

Je me retourne vers ma sœur pour me plaindre mais au lieu de me retrouver nez à nez avec ses cheveux immondes - j'avoue que finalement ils ne me dérangent pas tant que ça, c'est juste pour la faire chier que je l'embête - je la retrouve allongée à même le sol, toute tordue.

- Tu fais quoi là ?

Mais qu'est-ce qu'elle peut bien faire au juste ?

- Chut.

- Quoi chut ?

Je rêve. Non seulement je la retrouve dans une position totalement improbable mais en plus elle me demande de la fermer. J'aimerai bien me retrouver dans sa tête ne serait-ce que quelques secondes pour espérer la comprendre un jour. Il arrive que parfois Emilie fasse des trucs franchement bizarroïdes et, malheureusement pour tout le monde, ça ne semble pas s'améliorer avec le temps.

Vu que je dois à priori me taire, je patiente et alors que j'attends que ma sœur daigne enfin m'expliquer la situation sa seule réaction est de me montrer son doigt. J'avoue que j'ai beau regarder encore son index - encore heureux qu'elle ne choisisse pas de me tendre son majeur - je ne remarque strictement rien.

- Je vois rien.

- Aller Enzo !

Je me reconcentre mais rien n'y fait. Cependant il y a deux possibilités : soit c'est moi qui suit aveugle, soit c'est elle qui à un pète au casque.

A vous de voir celle qui est le plus crédible.

- Sérieux Em, je vois que un doigt là.

- Y'a une coccinelle dessus !

- Et c'est ça qui te met dans un état pareil ?

J'ai beau essayer de me mordre la lèvre, c'est plus fort que moi : je ne peux pas m'empêcher de sourire. Faut vraiment que je sorte ma sœur de la ville. Un jour - dès que l'album sera terminé - je jure que je vais l'emmener en vacances et là elle découvrira tous les animaux qui peuplent notre pays. C'est ça le désavantage lorsque l'on habite à Paris : la nature se résume aux fourmis qui squattent chez vous l'été. C'est dommage.

- Viens on va au mcdo, je propose.

Ça fait quelque temps déjà que je commence à avoir faim. Depuis qu'Em a mangé des chips sur mon canapé en réalité. Là je n'en peux plus d'attendre alors malgré les protestation de ma sœur - on a même mais approché la tour Eiffel Enzo - je la tire par le bras et l'entraine dans la fameuse enseigne de fast food. J'ai l'impression qu'Emilie se fait un joie de jouer à la gamine aujourd'hui et ça me dérange, elle n'est pas du tout comme ça en temps normal.

Mais qu'est-ce qu'il lui arrive putain ?

- Tu veux quoi ? C'est moi qui paie.

Je sais qu'elle n'a pas d'argent sur elle donc de toute manière je n'ai pas le choix mais bon, ça me fait plaisir de le lui dire. Après tout je ne lui offre pas souvent des cadeaux car je n'y pense pas. Et c'est la stricte vérité.

- Grande frites et Bigmac steuplait. Avec un McFlury caramel et une boîte de six Nuggets.

- Papa te nourrit plus c'est ça ?

Je la taquine et elle le sait mais je la sens tout de même se raidir. Si j'ai enfin réussi à mettre le doigt sur un truc faut que je creuse au max et que je ne lâche rien. Ma sœur ne se confie jamais facilement alors que c'est de moi qu'elle est le plus proche dans notre famille. Si elle ne dit rien c'est peut être que c'est grave.

- Y'a une table au milieu.

Immédiatement après avoir parlé ma sœur s'en va s'assoir alors je finalise notre commande au plus vite. Je peux pas la laisser dans cet état, elle ne va pas bien. Il faut absolument gérer la tempête qui fait rage dans la tête d'Em. Je la connais si elle traîne ça encore longtemps elle va finir par se renfermer complètement sur elle même et il faut à tout prix que j'évite cette réaction.

Je rejoins ma frangine et essaie tant bien que mal d'empêcher ma jambe de tressauter. Je ne suis pas de nature stressé mais si un truc arrive à mes proches j'ai tendance à devenir anxieux. C'est exactement ce qui se passe en ce moment.

Le serveur du magasin arrive et nous livre notre repas, pas assez vite selon moi, mais je la ferme. En même temps que de croquer dans mon sandwich j'attaque ma sœur. Même s'il faut que je passe par un interrogatoire je le ferais, car il faut que je sache.

- Parle, je vois bien que ça va pas.

- J'ai pas trop envie.

- Donc t'admets que y'a un truc qui te tracasse ?

Elle reste muette, je viens de marquer mon premier point et elle le sait alors elle ferme les yeux une micro seconde. Dommage pour elle mais je l'ai remarqué.

- Il se passe des choses à l'école ?

Elle secoue la tête et pique une cuillérée dans sa glace. D'où elle mange à l'envers ? Bien joué pour la diversion Em mais je garde tout de même le cap.

- Avec tes potes alors ? Je te jure y'en a un qui te traite mal je lui casse la gueule.

- Enzo !

- Tu crois je le laisse toucher à ma sœur ?

- Tu dois n'importe quoi, elle rit.

Peut être que je ne raconte que des conneries mais elle, elle ne me dit rien. Alors je n'arrête pas. Jamais.

- Tu sais que tu peux m'en parler même si c'est entre toi et papa maman hein.

- Personne n'est au courant de ça.

Sérieux ?

- Raison de plus pour m'en parler Em. Je t'ai dit moi l'année dernière quand j'ai enfin réussi à jeter ma peluche Bob L'éponge !

Personne ne juge, c'était mon compagnon depuis toujours. Ma sœur rit et je la vois prendre une grande inspiration. On y est, enfin. C'est pas trop tôt. Je pause mon sandwich pour mieux l'écouter. Croyez moi c'est pas suffisant car à cet instant je m'attend à tout sauf à ça :

- Je suis enceinte Enzo.

Elle est quoi ?


D'amour et de RapOù les histoires vivent. Découvrez maintenant