32 - ENZO

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Aujourd'hui ma sœur a avalé son second cachet et je ne m'étais pas attendu à ce que ça se passe aussi mal, même si le médecin nous avait annoncé que c'était plutôt douloureux. Depuis des heures je reste au chevet d'Em mais rien n'y fait : je me retrouve totalement impuissant face à la situation.

Sur mon lit, Emilie gît, pliée en quatre et après avoir pris autant de doliprane que possible j'en déduis que plus rien ne peux la soulager. Je vous jure, il y a tellement de sang qui tâche mes draps que je regrette presque d'avoir mis une parure neuve.

Dans quelle galère ont s'est foutu ?

- Ca va comment ?

Elle grogne et j'en profite pour me rapprocher d'elle. Seulement elle est encore une fois prise de spasmes incontrôlables.

Putain.

- Je vais te chercher une bouillote, ok ?

- Fais vite steuplait.

J'acquiesce - même si ma sœur ne peut pas me voir - et je cours pour me rendre à la cuisine et pourtant mon appart n'est vraiment pas grand. Je sors une poche du réfrigérateur et la met de suite dans le micro-onde. Reste plus qu'à compter les trente seconds dans ma tête.

Une

Deux

Trois...

Vu l'état dans lequel est ma sœur, elle n'est pas allée en cours de toute la journée alors tôt ce matin j'ai contacté son lycée. Le problème ? Ils ne m'ont pas cru quand j'ai dit qu'Emilie - terminale ES 3 - était malade. Tout d'abord ils m'ont accusés de ne pas être un membre de la famille puis, ils ont exigé d'avoir une copie du certificat médical. Des gros chieurs je vous jure.

Résultat : l'établissement a fini par appelé mes parents et maintenant ma mère me harcèle pour savoir ce qui ne va pas. Je lui ai déjà juré que c'était juste des douleurs de règles, elle ne me croit pas. J'espère seulement que notre génitrice ne va pas se ramener chez moi parce que tous le sang que ma sœur perd ne peut pas être entièrement du à des menstruations. Et ça, elle le comprendrait direct.

- C'est chaud Em, j'arrive !

Je retourne dans la scène du crime - qui pourrait presque être crédible si ma sœur ne respirait plus - et plaque le paquet chaud contre le ventre tendu.

- Enzo ?

- Oui, je suis là.

- On peut regarder un film ?

Quoi ? Je suis le seul à penser que cette idée est cheloue ? Comme si c'était le bon moment pour faire ça. Ca doit être écrit sur mon visage que je ne comprends rien car ma sœur ajoute :

- Ca va me distraire.

- Euh... Ouais.

J'attrape mon ordi portable, celui avec la fameuse pomme croquée, et l'allume. Il démarre assez vite et en un clic je lance l'application Netflix. Ce truc est à la fois la solution et le problème à toutes les situations. Quand tu ne sais pas quoi faire tu le lances et pareil quand t'as une tonne de corvée. Au final le résultat est le même : on se fait strictement rien.

- Tu veux regarder quoi ?

- Coup de Foudre à Notting Hill !

- Tu te fous de ma gueule ? On l'as déjà vu vingt fois cette année !

- Allez, elle supplie.

- T'es chiante, tu le sais ça ?

Si elle n'était pas coincée en position fœtale à l'instant, je suis persuadé qu'Em se serait levée pour aller me faire un bisous sur la joue. La peste.

- Je te préviens on le regarde qu'une fois !

- Mmmh mmh.

- Emilie !

- J'ai mal.

Je secoue la tête, pour une fois je ne peux pas nier car elle souffre vraiment. Je crois même qu'elle n'a jamais été aussi blanche : sous sa peau livide on distingue parfaitement des traînées de veines bleues et vertes. Un zombie, vraiment. Je ne l'ai que rarement aperçue dans cet état.

Tout ça à cause de deux médicaments.

Je lance le film et on regarde Hugh Grant se balader dans le célèbre quartier. Je déteste ce film du plus profond de mon être. Déjà je le trouve vraiment super super super super niais puis tout dans cette histoire repose sur le mensonge. C'est vrai ça, Julia Roberts aurait dû être claire avec Hugh des le début : pourquoi elle ne lui a pas révélé qu'elle est une star de cinéma ? C'est pas cool je trouve. On ne cache pas des choses aux gens qu'on aime et encore moins dans une relation amoureuse aussi passionnée.

Le seul truc de bien c'est qu'il est drôle. Un peu.

Je soupire et Emilie m'engueule. Apparemment je gâche le film. J'aimerai bien lui demander comment on peut gâcher un navet mais ce n'est pas le moment de lui casser les couilles. Je vais m'endormir, je le sens.

Comment ça peut être long deux heures et quatre minutes...


D'amour et de RapOù les histoires vivent. Découvrez maintenant