71 - SOFIA

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Plus que deux jours à attendre.

C'est long. Du coin de l'œil j'observe Lomepal qui joue avec un pied de table dans la boutique. Pour l'instant je le laisse faire sans rien dire, tant qu'il ne fait pas tomber les vases posés sur le bois ses bêtises ne me posent aucun problème. Après au moindre signe de faiblesse venant des fleurs, j'interviendrai.

Comment on peut vivre sa vie aussi paisiblement qu'un animal ?

- Meuf on pourrait lui mettre un drap blanc pour Halloween.

- Il est déjà blanc mon chat.

Je fronce les sourcils. C'est quoi le but de cette opération ? A part traumatiser ma petite boule de poil, je ne vois pas d'autres finalités. Et on ne touche pas à mon chat, surtout depuis hier où il a tenté de s'enfuir.

- Ca pourrait faire venir des clients. On n'a qu'à transformer ta boutique en maison de l'horreur.

J'admets que l'idée du rwandais n'est pas forcément bête. Je pourrais même aller jusqu'à penser qu'elle est vraiment bonne si un petit détail ne me chagrinais pas. Alors j'ajoute :

- Comment tu veux que des fleurs fassent peur au juste ?

- On n'à qu'à mettre des citrouilles et des potirons partout. Je sais pas, c'est ton domaine chérie.

- Et comment on fait circuler l'évènement ? C'est pas con mais si personne ne vient...

- Sofia on est au vingt-et-unième siècle.

- Et ?

- Instagram !

- Genre tu l'utilises pas que pour stalker Beyonce ?

- Tu comprends rien à la vie bébé.

Je souris, forcément fallait penser à cette solution. Comme quoi ça sert d'avoir son meilleur pote accro aux réseaux sociaux. C'est vrai qu'à notre époque on a l'avantage de pouvoir faire circuler une info relativement rapidement alors pourquoi pas tenter de l'organiser, cet évènement.

Mais à ma façon.

- Dans ce cas on ouvre en nocturne. On mettra de la musique sympa un peu fort et toi et moi on va déguiser. On va distribuer des bonbons à tout les clients qui rentrent aussi. On va décorer, forcément mais je pense plus à des toiles d'araignées qu'à des potirons. Après bien sûr on va garder des citrouilles, c'est la tradition faut pas déconner.

Plus j'énumère tout ce qu'on doit organiser et plus je me dis qu'une fleuriste n'est pas censée se transformer en organisatrice de fête. Seulement ce projet est vraiment excitant, alors pourquoi pas se lancer ? Au pire des cas, si cette soirée se solde par un échec ça fera de la pub au magasin.

- Toute la nuit ?

- Seulement jusqu'à minuit frère, j'ai besoin de sommeil moi !

Je commence déjà à me dire qu'il va falloir se dépêcher car mettre tout ça au point va nous prendre un temps fou, surtout qu'Halloween est proche. Or l'organisation c'est pas trop notre truc en général.

- Tu fais l'animation avec moi ?

- Je sais pas.

- Barack !

Il me taquine, c'est évident, mais c'est pas le moment de me faire stresser. Jamais je ne pourrais me charger de tout si je suis seule. N'oubliez pas que j'ai toujours un mariage le mois prochain et que la confection des centaines de bouquets ne va pas se faire toute seule. D'ailleurs ce n'est sûrement pas le black que je vais solliciter pour m'aider.

- On invite Mamita ?

- Pour que ma grand-mère fasse fuir tout le monde ?

- T'es dure avec elle. En vrai elle pourrait faire une vieille sorcière, elle aime bien les enfants en plus. Et si elle va s'occuper de la déco avec nous ?

- T'oublies qu'elle ne peut pas rater son téléfilm.

- On mettra une télé là.

Le rwandais me désigne de l'index l'arrière boutique alors je soupire. cette idée est folle, alors pourquoi suis-je en train de l'envisager ?

Ton job c'est juste de vendre des fleurs meuf.

- C'est oui.

- Quoi ?

- Je suis ok, pour tout.

- Je t'aime bébé.

- Désolé frère mais mon cœur est déjà pris.

Quelle conne, depuis quand je lâche des bombes comme ça ?

C'est mort, maintenant que j'ai fait cette déclaration Barack ne va plus me lâcher. Alors certes, en tant que meilleur ami c'est normal qu'il soit au courant de ce que je ressens. Seulement disons qu'un autre moment aurait peut être été plus propices à ce genre de parole.

- Ca y est t'avoue t'aime Enzo.

- J'ai pas exactement dit ça.

- Tu l'a insinué meuf.

- C'est faut. Les rwandais vous êtes toujours en train de mentir c'est fou.

- Et les grecs toujours en train de dire de la merde. Assume meuf.

Il marque un point. Pourquoi je devrais avoir honte de ce que je ressens ? Aimer ne rend pas quelqu'un fragile ou encore vulnérable. Faut à tout prix que je me sorte cette idée de la tête.

- Je parlais de Ratatouille.

- C'est ça, continue.

Le rwandais s'approche et me prend dans ses bras. D'abord je suis un peu désorientée : on n'a pas l'habitude de ce genre de chose, surtout sur mon lieu de travail. Puis peu à peu je me détend et j'encercle à mon tour mes bras autour de lui.

- T'es musclé de ouf en fait.

- Sofia.

- Nan vraiment, comment tu fais ? Me dis pas que tu vas à la salle, je sais très bien que c'est pas vrai.

- Sofia.

- Ou alors c'est quand tu cours pour choper le métro ? Impossible.

- Arrête de changer de sujet. T'as le droit d'être amoureuse, c'est pas moi qui vais te juger. Et si c'est à cause de tes parents que ça te fait si peur, on peut en parler.

Je fais la moue car je crois qu'il vient de toucher un point sensible. Le pire ? J'avais même pas conscience de cette angoisse là mais maintenant que Barack en parle, je réalise qu'il dit peut être quelque chose de sensé.

Et si c'était de là que venait mon blocage et ma peur ?

A cet instant la clochette retentie et c'est l'arrivé d'une cliente qui stoppe mes pensées. C'est la première visite de la journée et le réaliser dissipe tout mes doutes. Plus tard on aura l'occasion d'aborder le sujet j'ai peur de m'engager car mes parents sont plus là pour me montrer comment faire.

Maintenant c'est l'heure de la vente.


D'amour et de RapOù les histoires vivent. Découvrez maintenant