46 - ENZO

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- On va rentrer.

- Nan t'en fais pas.

- Arrête tu trembles carrément là !

De ma main je désigne Sofia. Ca fait un moment que je l'observe : elle grelote et je ne vais surement pas la laisser crever de froid sans rien faire. Quelle idée de foutre sa main dans l'eau aussi ?

Elle est mignonne avec sa franche toute mouillée, ça lui donne un côté femme-enfant.

- Aller bouge.

- Flemme.

Pas le choix je me lève et l'attrape par les bras, mon opération a pour but de la mettre debout et ça s'annonce pas mal. Après un grognement pas du tout sexy elle essuie ses mains sur sa robe et je vous jure qu'au passage j'ai vu un reste de chocolat s'étaler. Lorsque ma fleuriste s'en aperçoit je remarque qu'elle rougit. Elle est vraiment gênée pour ça ?

Aussi délicate qu'une fleur.

Son geste me donne tout de même envie de l'embêter un peu alors j'avoue : j'arrive pas à m'empêcher de la charrier. M'en voulez pas, c'est plus fort que moi ce truc et j'ai même le sentiment que c'est devenu une habitude depuis quelques temps.

- T'es une grosse dégueulasse mec.

- C'est pas vrai.

J'adore la moue qu'elle fait quand elle tente de se défendre. Déjà ses sourcils relevés et sa voix qui tend vers les aigus la trahissent : elle ment. C'est beaucoup trop facile de le deviner et beaucoup trop drôle.

- C'est quoi ça alors ?

- Ca fait parti du motif de la robe, c'est tout.

Vraiment ? Crois pas que je vais avaler ça.

Plus elle s'enfonce dans ses mensonges et plus ses yeux s'écarquillent. De mon côté je ne peux pas lutter contre l'envie de sourire qui me démange de plus en plus. Cette meuf c'est vraiment une galère et il me semble que je le pense de plus en plus au fur et à mesure que je la commence à la connaître.

Ma brunette.

Je l'entends marmonner Barack, pire et je crois percevoir aussi les mots porc et frite puis con mais je n'ajoute rien. Autant la laisser dans son délire parce que moi ça me fait délirer, cette femme est un sketch.

- T'as pas fini encore ?

Sofia commence à sortir le bout de sa langue puis finalement elle se ravise et repars de plus belle dans ses pensées. C'est quoi cette habitude ? Doucement on reprend le chemin du retour. C'est dingue car absolument toutes les rues sont désertes, on ne croise même pas un mec bourré dans les rues et à ce moment je me dis que depuis les attentas tout est plus calme ici. Même si la journée rien n'a changé en apparence, la nuit les gens deviennent méfiants et pratiquement plus personne ne sort. C'est triste, avant Paris c'était une fête : y'avait des gens qui gueulaient partout, des jeunes qui chantaient et dansaient.

Maintenant tout est plus tendu.

On arrive face à la barrière qu'on avait escaladée plus tôt dans la soirée et un instant j'hésite à porter Sofia. J'aimerai faire des petites attentions vite fait mais je redouter qu'elle prenne le mal. Comme un signe de la domination des hommes sur les femmes, du genre : tu crois parce que j'ai des seins je peux pas le faire ? C'est con mais je ne veux vraiment pas blesser ma fleuriste alors au final je la laisse tranquillement agripper les barres de fer.

- Tu te rappelles on est garés où ?

- Tu sais plus de l'endroit où t'as mis ta caisse ?

Je me souviens qu'un jour Sofia m'avait mis en garde : ne jamais répondre à une question par une question, hors en ce moment c'est exactement ce qu'elle vient de faire. Seulement, je suis coupable alors je la laisse faire. Après tout moi ça ne me gène pas qu'elle le fasse, les réponses peuvent être des interrogations, j'ai appris ça grâce au rap. Y'a toujours plus à découvrir, toujours un ailleurs à explorer alors oui : le point final n'existe pas. C'est juste un concept que les gens ont inventé pour se rassurer.

- Voilà pourquoi je prends le métro mec.

J'avoue que sur ce coup là je suis coupable, j'aurai du regarder les lieux avant de faire mon putain de créneau ou au moins prendre un point de repère. En plus c'est pas comme si je n'était pas familier des rues de la capitale. J'ai tellement marché partout que je connais ma ville par cœur.

Mais pas assez pour me souvenir d'un putain d'emplacement apparemment.

- C'est pas grave on va marcher un peu.

C'est fou, cette femme reste optimiste dans toutes les situations.

On longe les trottoirs d'Auguste Comte et c'est près d'un panneau passage piéton que j'aperçois la voiture noire. Un panneau bleu c'est visible quand même, quel boulet de ne pas l'avoir remarqué avant. Je doit être dingue mais depuis qu'on est sorti du restau j'ai comme l'impression qu'une personne nous suit. Vous devez penser que je suis taré.

- Tu vois, on s'en est sorti.

- Bah c'est pas grâce à toi.

J'ai la sensation d'avoir du miel dans les oreilles lorsque le rire de ma brunette retenti, c'est doux comme son. Je déverrouille les portières puis je me dit que si on fait la synthèse de cette soirée ce premier date est loin d'être catastrophique. Ca s'est super bien passé alors que je redoutai de ouf ce moment en tête à tête. Les mains sur le volant j'apprécie l'instant et je me sers du retro pour observer Sofia sans qu'elle ne s'en rende compte : elle a posé son coude sur la porte et son menton posé sur son poing.

- Tu démarres ?

- Euh ouais...pardon.

Elle hausse les épaules et je mets le contact. Franchement j'aurai jamais pensé qu'elle n'ai pas peur de mon métier. Y'a pas grand monde qui accepte qui je sois rappeur et elle j'ai l'impression qu'elle s'en fout et ça fait putain de bien.

Ca fait ça d'être traité comme quelqu'un de normal ?


D'amour et de RapOù les histoires vivent. Découvrez maintenant