86 - ENZO

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- C'est juste la porte en face.

Je laisse Sofia grimper les quelques marches restante pour rejoindre le perron de mon appartement pendant que je cherche mes clefs. Malheureusement, elles ont l'air d'être bien planquées tout au fond de ma poches.

Ces connasses.

Plus je cherche et moins je trouve normal qu'une simple poche de perfecto soit aussi profonde. Alors entre deux mouchoirs probablement pas très propres et mon paquet de clope, je continue de trifouiller. Tellement en fait que le paquet de Marlboro s'échappe et tombe à terre.

- Je les ai !

Tout fier je tends le bras devant moi, l'objet de ma convoitise mis en évidence. Seulement ma brune ne le remarque pas, toute occupée qu'elle est à regarder la petite boite rectangulaire qui repose toujours sur le sol.

- Tu fumes ?

Je fronce les sourcils avant de ramasser le paquet de vingt cigarettes - sûrement moins depuis quelque temps - et je me sens con. Est-ce que ça la dérange ? Je vous jure, si ma grecque me dit qu'elle déteste ça je promets d'arrêter de suite.

- Ouais...ça te gène ?

Elle hausse les épaules et me pique les clefs des mains doucement. D'ailleurs je la soupçonne d'avoir fait exprès de caresser ma peau au passage et son contact à vite fait de m'électriser.

Les femmes sont des sorcières, je le jure.

- Non, je suppose que ça ne me pose pas de problème. Tu fais ce que tu veux.

- C'est la verte.

- Quoi ?

- La bonne clef pour ouvrir la porte, c'est celle qui est verte.

Alors que ma brune se débat avec la serrure je dois bien vous avouer que je suis soulagé. Si Sofia m'accepte avec mon plus gros défaut - car je crois bien que fumer l'est - alors ça veut peut être dire que c'est la bonne ?

Tu t'emballes encore mec.

- Enzo ? T'es bloqué ?

- Je pensais.

A toi.

Et le sourire qui s'affiche sur les lèvres de ma fleuriste m'empêche de rêver à d'autres choses. Et je mentirai si jamais je disais que cette situation ne me convient pas. J'observe ma brune rentrer chez moi et dès l'instant où ses pieds foulent ma propriété elle semble être prise d'un élan de curiosité. J'ai l'impression qu'elle sautille de pièce en pièce tellement elle va vite et je pourrai presque jurer que ses pupilles sont dilatées à l'heure qu'il est.

- Euh... C'est les toilettes ça Sofia.

Je me mords la lèvre pour m'empêcher de rigoler lorsqu'elle me répond qu'elle veut tout connaître de moi. De suite. Sans attendre. Je vous jure, elle est encore plus impatiente qu'une gosse.

- Mes plantes ! T'as gardé mes plantes !

- Je les ai pas achetées pour rien princesse.

C'est vrai, vu le bras que ces fichus végétaux m'ont couté, il est hors de question que je m'en débarrasse. C'est d'ailleurs pour cette raison uniquement que je me démène pour les garder en vie. Visiblement c'est pas gagné et j'en ai la confirmation lorsque Sofia fronce les sourcils devant mon bonzaï.

- Dis Enzo, ça t'arrives de l'arroser parfois ?

- Tous les jours, il va si mal que ça ?

Elle grimace et m'ordonne de lui remplir un verre d'eau. Vu que j'ai décidé de lui être entièrement dévoué ce soir j'accepte sans rechigner mais je ne perds pas une seconde : je coche la petite case Sofia me doit mille baisers dans mon crane.

Je deviens niais, c'est ça ?

- Bon, j'espère qu'au moins il survivra cette nuit.

- Tu parles de mon pénis ou de cette plante ?

- Enzo !

J'adore. Parce que même quand je l'énerve, ma grecque ne peut s'empêcher de sourire et vu qu'elle n'assume pas ses joues se teintent d'un rose irrésistible. Moins d'une seconde s'écoule avant qu'elle ne triture sa satanée frange.

D'accord, je suis peut être allé trop loin.

- On regarde un film ?

- Et rien de plus. Tu me promets Enzo ?

Je lève les mains en l'air en signe de réédition. Je suis vraiment allé trop loin je crois. Décidément, les grecques sont les femmes les plus compliquées du monde : je suis prêt à offrir mon corps entier à Sofia mais elle ne veut que...mon cœur ? Je ne sais même pas.

En tout cas moi j'aimerai bien avoir le sien.

- Tu repars dans les nuages.

- Je commence à fatiguer je crois.

- Déjà ?

Je m'approche de ma fleuriste et, après que je dépose un baiser lent sur sa bouche, mon esprit semble s'être réveillé. Finalement ça va être bon, enfin je crois.

- T'as Netflix ?

Je grimace et la réaction de Sofia est tellement démesurée que je regrette presque de n'avoir pas pu dégainer mon portable à temps pour la filmer.

Eh oui, il y a des extraterrestres qui vivent sur cette planète.

- Je vais appeler Barack pour lui dire, je suis pas capable de garder le secret plus longtemps.

- Balance, je ris.

Je considère que je passe déjà beaucoup trop de temps sur les réseaux pour mon travail alors je n'ai pas envie de gaspiller les heures restantes à trainer devant une plateforme de film en streaming. Comprenez, je fais encore partie de cette espèce d'humains qui préfèrent lire à la place. Impressionnant, n'est-ce pas ?

- Tiens, j'ai une idée princesse.

C'est fou comment j'arrive à capter l'attention de Sofia avec une simple phrase. J'ai même pas encore commencer à développer mon idée que cette femme est déjà pendue à mes lèvres. Plus curieuse, ça n'existe pas.

- Mon nouvel album est fini et j'ai encore trouvé personne d'assez bien pour l'écouter en premier. Ca te dit ?

Comment ses yeux peuvent-ils encore plus pétiller ? Sofia est un ange, un être surnaturel envoyé sur terre pour me faire perdre la raison. Et si ce n'est pas la cas, j'ai dû être vraiment vraiment vraiment très généreux dans une vie antérieure et le karma se charge de me remercier.

La deuxième solution est impossible, à bien y réfléchir.

J'attrape mon pc qui ne traîne jamais loin - il était d'ailleurs sur la table de la cuisine - et tend un écouteur à Sofia. Ces derniers, je les ai trouvés dans le tiroir de la commode du salon. Chez moi les objets changent rarement de place, ça en devient presque lassant de connaître sur le bout des doigts leur emplacement.

Ma brunette croise les jambes en tailleurs et je suis certain que d'ici deux minutes elle va avoir des fourmis, ce qui aura pour conséquence de la faire gesticuler dans tous les sens. Ca promet d'être drôle. Mais pour le moment je me contente d'appuyer ma tête contre son épaule alors que je lance le premier morceau de la tracklist.

- Prête princesse ?

Elle hoche la tête et, dès les deux premiers accords, je sais que j'ai tout gagné. Cet album c'est de la bombe, ne me demandez pas d'être humble sur ce point car je n'y arriverai pas. Ce projet représente des mois de travail, des pleurs et des prises de têtes mais des moments joyeux aussi. L'amour et le bonheur.

Comme d'être avachi sur cette femme que j'aime.




D'amour et de RapOù les histoires vivent. Découvrez maintenant