13 - SOFIA

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- Dépêche, on va tout louper.

- Mmh.

- Laisse le manger Sofia.

- L'encourage pas ! Il est quinze heure et il continue à se goinfrer !

Je regarde Mamita, désespérée. On était censé faire un repas vite fait à la maison mais forcément, avec une grecque pour grand-mère, le casse croûte d'espi s'est transformé en buffet royal.

- Frère tu devrais même plus avoir faim à cette heure là.

- Tu me juges ? Je suis blessé meuf.

Barack mime l'action de s'être prit une balle en plein cœur. Bien évidemment la doyenne de cette maison accoure vers lui et en profite pour remplir à nouveau son assiette de Gyros. Ce plat est tellement calorique que je m'étonne que le rwandais ne soit toujours pas écoeuré.

- Je veux pas qu'on loupe la brocante, je geins.

- T'inquiète bébé, y'a le temps.

Le pire c'est que l'événement se déroule sur Montmartre donc on est obligé de prendre le métro. On pourra pas y être en cinq minutes alors plus les secondes s'égrainent et moins on pourra rester. Surtout si mon black est toujours autant motivé pour aller faire les boutiques après.

- J'ai besoin de vase.

- Ça c'est pas vrai, lance Mamita.

- C'est ce que je passe ma vie à répéter !

- Toi bouffe et tait toi, je râle.

- Sofia ! Soit gentille avec Barack, il a eu ne dure journée le pauvre.

Je lève les yeux au ciel. Mais oui, c'est horrible d'être en vacances ! Comme si j'allais la croire ! Pour éviter de faire une autre remarque je me retourne dos à la table de la cuisine afin de me retrouver face à l'évier. J'ouvre le robinet, il grince lorsque je tourne la molette, puis attend que le bac se remplisse d'eau.

Faut vraiment qu'on change ce vieux truc.

- Mamita t'es vraiment la meilleure cuisinière de Paris.

Je ris en entendant Barack parler la bouche pleine. Je dis pas que je suis parfaite - car je suis loin de l'être - mais moi au moins je respecte les bonnes manière. Lui c'est clairement un porc, je vous l'ai déjà dit : jamais je l'emmène au restaurant.

Mes mains plongent dans le liquide chaud et je soupire, cette sensation est apaisante. Doucement je verse du liquide vaisselle sur une éponge et commence à frotter. Faire la cuisine c'est bien, seulement c'est super salissant. Résultat c'est moi qui suit de corvée de vaisselle. Ça ne me dérange pas, au contraire ça me fait plaisir car c'est normal d'aider.

- Les enfants ?

- Tu veux une deuxième télé ? Tu le sais pourtant qu'on en a pas les moyens, je réponds.

- Je peux venir avec vous ?

Oh.

Je ne m'attendais pas à ça. Après tout depuis que ma grand-mère a découvert les telenovelas elle ne décroche plus de l'écran carré. Je vous jure on dirait une ado en pleine crise. Et vu qu'elle est à la retraite, elle peut se permettre de rester autant de temps éveillée qu'elle le souhaite. Je suis sûre que tous ces feuilletons lui ramollissent le cerveau mais que voulez vous : Mamita est une éternelle romantique.

- Avec plaisir !

- Alors on décale. Maintenant !

Barack se lève et je débarrasse son assiette pendant que la doyenne nous attend devant la porte d'entrée. Malgré son âge assez élevé, ma grand mère est toujours pleine d'énergie : elle ne s'arrête de courir que pour dormir et manger. Malheureusement, je ne connais pas encore son secret. C'est dommage car il le serrait vachement utile, j'ai toujours du mal à me bouger.

Rapidement, on sort dehors et emprunte la bouche de métro la plus proche. C'est étonnant car la rame est presque vide alors qu'on est en plein samedi aprèm.

Curieux.

Pendant le trajet Barack stalke Queen B sur Instagram alors je décide de parler avec Mamita. Elle me parle encore et toujours de son troisième mari, Adras, que je n'ai jamais connu. C'était celui dont elle était vraiment amoureuse, celui à qui elle avait offert son cœur sans rien demander en retour. Seulement peu après être tombée enceinte d'une petite fille qui se révélerait être ma maman, son très cher compagnon à succomber à la guerre. Alors pour fuir son chagrin elle a fuit son pays.

J'ai beau avoir entendu cette histoire des millions ou des milliards de fois, je ne m'en lasserais jamais. C'est toujours avec admiration que je regarde Mamita déclarer son récit : ses yeux pétillent, emplit de vie, et elle ne retient que les beaux instants. Cette histoire est triste mais lorsqu'elle me la conte c'est comme si c'était la meilleure chose qu'il lui soit arrivé. C'est étrange et j'aimerais avoir sa détermination, sa force de toujours regarder devant alors qu'elle laisse pourtant tant de choses derrière elle. Son passé ne la hante pas mais au contraire il fait sa force et la porte toujours plus haut.

- C'est la prochaine station.

En effet je distingue sur le tableau du wagon le petit point orange en dessous de Abbesses. J'ai envie de me trémousser comme une gamine tellement l'idée d'acheter les pots m'emballe. Il est quasiment dix sept heure lorsqu'on arrive enfin.

J'ai hâte. J'ai hâte. J'ai hâte.

- On y est !

Je laissé échapper un petit cri de joie, c'est plus fort que moi : les brocantes sont beaucoup trop fabuleuses pour que je résiste à l'engouement que je sens monter en moi.

- T'es vraiment grave bébé.

Mamita nous offre l'entrée et on la remercie. Le pire c'est que je sais pertinemment qu'elle ne va rien acheter dans ce genre de lieux. Elle ne supporte pas posséder des objets que d'autres ont utilisés avant elle. Question d'hygiène, elle dit.

- Barack Barack Barack.

- Respire meuf.

Je l'attrape par le bras et désigne le vendeur en face. Un monsieur ayant la cinquantaine tient un stand qui contient tous les objets que je convoite.

- Court pas, c'est dangereux !

J'ignore la remarque et en à peine quelques foulées j'arrive aux portes du paradis. Derrière j'entend vaguement mon black rire et lâcher un "t'en fait trop". Je secoue la tête, toute essoufflée et repère un bouquet de végétaux séchés qui est tout simplement sublime. Doucement, je passe mes doigts dans ma frange.

On en fait jamais trop pour les fleurs.

D'amour et de RapOù les histoires vivent. Découvrez maintenant