42 - ENZO

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- Sinon c'est quoi ton taf ?

Cette question je l'attendais et l'appréhendais plus que tout. Je réponds quoi ? Ecoute, je suis rappeur et mon premier album c'est vendu à presque un million d'exemplaires. Nan surtout pas, c'est sur que comme ça je vais lui faire peur.

- Je suis dans la musique vite fait.

Elle hoche la tête puis joue avec son couteau. Elle va me tuer c'est ça ?

- T'as un nom d'artiste ?

- Ouais...

Je sais que si je ne réponds pas correctement ça va paraitre bizarre, Sofia attendait un pseudo et moi comme un idiot j'acquiesce. Mais que voulez vous, si je balance mon blaze elle va aller chercher sur google et là je ne contrôlerais plus rien. D'autant plus que vu la rumeur qui tourne toujours j'ai pas envie que ma brunette se fasse de fausses idées.

- C'est N'zoo.

- Genre Enzo ? T'as rien changé du tout.

- Si regarde.

En souriant je sors mon téléphone et tape les quatre caractères. Une fois finie je montre le résultat à la fleuriste et sa bouche esquisse un oh silencieux.

- Tu comprends mieux maintenant ?

- Carrément !

Elle me sourit et nos plats arrivent enfin. Au vu de la sauce tomate qui dégouline de partout je me demande comment je vais faire pour réussir à manger ça sans m'en mettre partout. Mais très vite la question est réglée quand je vois ma fleuriste se goinfrer. Heureusement qu'elle utilise ses couverts car on est à la limite de la femme de Cro-Magnon.

C'est une meuf de quelle espèce ça ?

- La bouffe grecque c'est dégueu à ce point ?

- J'ai faim c'est tout.

Elle s'arrête d'un coup et louche sur mon assiette. Direct je comprends que son regard m'interroge, du style tu manges pas ou quoi ? et mon premier reflexe est de protéger mon bien. Hors de question qu'elle me pique ma nourriture.

Jamais le premier soir.

- Tu fais ça t'es morte.

- Bah mange alors.

- J'attends que ça refroidisse.

Ma brunette hausse les sourcils et je sens qu'elle meurt d'envie de se moquer. D'ailleurs elle s'étouffe avec ses lasagnes alors je lui tends un verre d'eau. J'avoue que ça fait fragile comme prétexte mais sur le coup j'ai pas pu trouver mieux.

- C'est nul comme excuse.

- Je sais.

Je souris et retire la sauce béchamel du dessus avec ma fourchette. J'aurai presque parié que Sofia se serait jetée dessus mais étonnement elle n'en fait rien : elle se contente de me regarder comme si j'étais fou. Je vous jure, il me faut un mode d'emploi pour déchiffrer cette femme car tout seul je pense ne jamais y arriver. D'ailleurs c'est en l'observant encore une fois que je remarque que ma brunette à de la sauce au coin des lèvres. C'est étrange mais cette scène la rend vulnérable je trouve.

Une vraie gamine.

D'ordinaire j'avoue que ça m'aurait dégouté mais venant de Sofia ma réaction est toute autre : sa maladresse m'attendrit. Alors c'est plus fort que moi, j'attrape une serviette et me penche vers elle. Vous voulez savoir ce que ma fleuriste fait ? Elle recule, de plus en plus.

Elle va finir par tomber.

- Attends bouge pas.

C'est plus fort que moi, je ris et je crois que ça lui fait encore plus peur alors de ma main libre j'attrape son menton et de l'autre je passe la serviette sur la petite tâche orangée. Elle est vraiment pas possible. Au moment où ma brunette comprend mon geste elle rougit et se frotte la bouche.

- Désolé.

- T'excuses pas, c'est pas ta faute.

Et voilà, à nouveau je me retrouve à sourire comme un con et je la fixe. Pourquoi cette femme me rend aussi heureux ? C'en est juste une parmi tant d'autres.

Une étincelle au milieu de trois milliards de terriennes.

Elle rougit de plus belle mais cette fois j'ai envie de profiter un peu du moment alors je n'abandonne pas. Résultat elle panique et encore une fois la situation devient drôle. Je l'adore.

- Tu...tu veux mes lasagnes ?

Je joue le jeu jusqu'au bout et attrape l'assiette qu'elle avance vers moi. C'est beaucoup trop simple de la déstabiliser que c'est même plus amusant alors je décide d'arrêter de la taquiner.

- T'as toujours été comme ça ?

Je lui rends son plat et elle fuit mon regard. Est-ce qu'elle est triste ?

- J'ai grandi dans un cocon tu sais alors difficile de sociabiliser.

Je hoche la tête et comprend qu'elle ne m'en dira pas plus. Dans un sens ma situation est assez similaire à la sienne : depuis le succès je ne peux plus vraiment me faire de nouveaux potes. Ceux qui pointent leur nez sont seulement là pour profiter de ma notoriété, de mes thunes, de mon influence. Même en amour le schéma se répète : t'es pas aimé pour ce que tu es et ça me tue. Avec Sofia c'est différent car je suis convaincue qu'elle ignorait tout de ma vie de rappeur, j'ai pas besoin de me protéger ou de prétendre être quelqu'un que je ne suis pas.

Je suis moi.

C'est pesant ce genre de vie et j'imagine que ma fleuriste le sait pertinemment. J'ai fait une croix sur les relations toxiques et j'espère que celle avec ma brunette ne va pas évoluer en mal. Entre les médias, le rap et la notoriété tous les ingrédients sont réunis pour que ça foire. Malgré tout j'ai envie d'essayer car je me sens bien lorsqu'elle est dans le coin alors même si je suis convaincu qu'on se fera tous les deux du mal dans cette aventure, ce n'est pas quelques bleus qui vont me stopper.

Je suis prêt à m'esquinter pour elle.


D'amour et de RapOù les histoires vivent. Découvrez maintenant