J'arrive en bas de mon immeuble et je le rend compte d'un truc : je suis un morfale. À peine dix minutes m'ont suffit pour que je bouffe ma baguette en rentier. Résultat : des miettes partout dans ma voiture.
J'ai plutôt intérêt à la nettoyer avant qu'Em voit ça.
Lorsque je sors dehors la pluie a entièrement cessée. Encore une fois, j'ai pas vraiment envie de rester chez moi à végéter. C'est normal que je perde l'inspi si mes journées se résument à bouffer puis dormir, au final je suis un peu responsable de ma page blanche. Alors au lieu de monter les étages je loue un vélib et roule en direction de la place du Carrousel. Naturellement j'emprunterai la rue de Vaugirard. C'est plutôt cool à Paris car, hormis sur les buttes, les routes sont plutôt plates et pédaler est agréable. Le seul hic c'est que les bagnoles roulent comme des dingues à mille à l'heure et manquent de vous butter à toutes les intersections.
Et je vous parle même pas des ronds points...
Bientôt je passe sur le Pont Royal, j'aurais aimé pouvoir profiter de la vue mais rester focus me semble plus important pour le moment. J'adore cette sensation quand tu te penches pour regarder l'eau, le vertige que tu ressens. À Paris, mon édifice préfère et le pont Alexandre III. Ce monument est tellement impressionnant qu'à chaque passage j'en ai le souffle coupé. Cet endroit massif avec ses lampadaires et ses pylônes où trônent aux sommets des saturés en or massif est encore plus beau de nuit. En bruit de fond la Seine, et cette traversée devient alors magique. Celui là personne ne pourra jamais me le changer.
Pas comme l'autre où ils ont fini par virer tous les cadenas.
Je continue mon petit bonhomme de chemin vers le quai Français Mitterand puis tourne à gauche. J'arrive de suite vers la Rue de Rivoli et repose mon vélo. J'aime le Louvre, cet endroit est reposant. Malgré les opinions divergent je suis de ceux qui aiment et chérissent la pyramide de verre, cette construction n'enlève rien au cachet du lieu. Au contraire je trouve que ça renforce encore plus le caractère historique du palais et cette confrontation moderne et ancien semble résonner juste.
Je passe les portes et une violoncelliste interprète un air sous le porche. En général, les musiciens apprécient particulièrement cet endroit car le son y résonne harmonieusement et, bien évidemment, le passage ici est triplé par rapport à mon pauvre 15ème. Les étrangers sont fiants de ce genre de spectacle et je reconnais que ces sessions musicales imprévues sont loin de me déranger.
Sauf quand c'est dans le métro.
Je reste posté devant l'artiste. Elle est blonde, plutôt jeune mais je trouve cette femme totalement dépourvu de charme. Ses cheveux ne sont pas assez foncés, pas assez bouclés. Sa raie tracée au milieu la rend gamine, même pas elle a besoin de se faire des couettes. Elle n'est pas gracieuse et ses gestes me semblent être du genre maladroits. C'est décidé, je préfère officiellement les brunes. Néanmoins je respecte son talent - car elle en possède, c'est indéniable - alors je dépose une poignée de petites pièces doré et argent dans l'étuis qui lui permet de ranger son instrument. À la fin de son morceau elle me sourit trop franchement et me remercie. Je choisis de décaler car j'étais là pour bouger et non pas pour écouter toute la journée une meuf même pas bonne à mater.
J'ignore les gens qui tracent ou encore tous ces asiatiques qui prennent des photos à chaque coin de rue. Ils sont drôles parfois, comment on peut être autant curieux de tout ? Sur le chemin je croise même des mariés, c'est la mode ça aussi. J'avoue que je vois pas trop l'intérêt du shooting à ciel ouvert : tout le monde te matte. À leur place je serais mort de peur.
Mes pas me mènent jusqu'à Notre Dame. Ce lieu aussi et cher à mon cœur, après tout c'est un des nombreux symboles de notre ville lumière. Malgré tout je n'irais pas jusqu'à dire que les événements récents m'ont bouleversés. C'est vrai même si voir la cathédrale en feu m'a foutu les boules, je ne fais pas partie de ces gens qui clament haut et fort qu'il faut la reconstruire de suite. Selon moi il existe des problèmes beaucoup plus importants dans l'hexagone, beaucoup plus urgents. Relogeons plutôt les milliers d'SDF de Paris compte plus à mes yeux que remettre quelques pierres en place.
Puis faut se rendre compte d'une chose : elle tient toujours notre belle femme, elle n'a pas été complètement rasée après tout. Et heureusement. Alors regardons ce qui nous reste avant de nous focaliser sur ce qui nous manque. Elle est à l'image de notre belle capitale maintenant.
Fluctuat Nec Mergitur.
J'ai envie de m'assoir sur les dalles quelques instants pour réfléchir. C'est vraiment bête que je n'ai pas un cahier sur moi car l'envie de gratter me démange. Je tape sur le béton avec mes doigts et secoue la tête. Je suis ce rythme entièrement improviser et me laisse bercer par mes pensées. Pour l'instant tout se bouscule très vite et dans mon crâne c'est la pagaille mais si je continue encore je sais que ce morceau prendra peu à peu forme. Je sais d'ores et déjà qu'il parlera d'inégalité, de tunes, de cette putain de cathédrale mais aussi d'enfants qui crèvent la dalle.
Parce que c'est ça être rappeur aussi, c'est dénoncer la merde qu'on subit.
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D'amour et de Rap
Любовные романы« Sofia est une fleuriste qui s'épanouit un peu plus de jours en jours. Elle mène une vie calme et posée dans le 15ème. Un peu timide, elle chouchoute ses fleurs ou encore sa grand-mère. En effet bien qu'indépendante, la jeune fille partage son foye...