- Sérieux meuf le tablier vert c'est obligé ?
- C'est un honneur de le porter.
- Mais c'est moche !
Je lève les yeux au ciel. Forcément j'aurais dû me douter que le point mode allait poser un problème ou deux. Cependant j'ai très peu de temps pour former Barack aux rudiments de la vente alors on repassera sur ce détail plus tard.
- Ah et on vient pas bosser en jogging, ça donne une mauvaise impression aux clients.
- T'es en train de me traiter de flemmard ?
- C'est toi qui le dit.
En même temps que je laisse planer le doute, j'approche mes mains de mes cheveux. Je m'apprête au pire pour cette journée alors quoi de mieux qu'on bonne queue de cheval bien serrée pour tout affronter ? Je me souviens qu'il y a quelque temps maintenant le black avait essayé d'apprendre à différencier quelques variétés de fleurs et que ça ne s'était pas vraiment bien terminé.
On a du boulot.
- Déjà, t'as une idée de comment on emballe un bouquet ?
- Toi tu sais calculer des probas ?
Qu'est-ce que je disais tout à l'heure déjà ? ah oui, que ça allait être compliqué.
- C'est la base mec.
-Les probas aussi, c'est la base des maths.
D'un signe de tête j'intime au rwandais d'aller choisir des fleurs au pif. Pour l'instant on en est pas encore au stade de la composition : tout ce que je demande à mon nouvel employé c'est de savoir un minimum gérer à la caisse.
C'est tout.
Après un rapide tour du magasin Barack revient avec deux sortes de fleurs. Il à de la chance, celles qu'il a choisis vont souvent de pairs et une petite voix dans mon crâne m'intime qu'il l'a peut être fait exprès. Si c'est vraiment le cas je vous jure que je suis fière de lui mais une autre pensée m'affirme que le hasard existe et qu'il opère beaucoup plus souvent qu'on ne veut le croire.
Tant pis.
- Bien. La variété ?
- Tu me prends pour un con bébé ? C'est des tulipes, facile.
- Et les autres ?
Je vois bien que le rwandais fronce les sourcils. Alerte : on a désormais perdu notre nouvelle recrue. Combien de temps il a tenu au juste ? Cinq minutes ou cinq secondes ? C'est pourtant pas compliqué de retenir le nom de plantes basiques. Tout est une question de culture générale.
- Je mets fin à ton calvaire ou je te laisse aller regarder en catimini sur google et je fais genre je te crois car j'ai rien vu ?
- Attends ça va me revenir. J'en suis sûr.
Je hoche la tête et patiente. Si on avance toujours à cette vitesse, autant se tirer une balle : c'est moins douloureux. Pourtant mon côté battante refuse d'abandonner de sitôt. Vous croyez que je dois dire à Barack qu'un enfant de cinq ans réussirait mieux que lui ?
- C'est le nom d'un personnage de la mythologie grecque frère.
- Merci de me rajouter un peu plus de pression.
- Parce que je suis grecque ? C'est trop cliché ça, personne ne prête plus attention à ces histoires à notre époque.
- J'aurais tout de même ta grand mère sur le dos.
- Seulement si quelqu'un le lui dit.
C'est le moment que je choisis pour faire un clin d'œil démoniaque à mon meilleur pote : notre pacte est à présent scellé. Si j'avais envie de le soulager je lui avouerai que Mamita non plus n'en a rien à faire de ces légendes, seulement je préfère le torturer encore un peu.
Voir même de le faire chanter.
- Beyonce elle aurait la réponse, elle.
- J'ai une queue entre les jambes qui m'empêche précisément d'être Beyoncé.
C'est une manière de voir les choses comme une autre. N'empêche je trouve sa remarque vraiment étrange. Depuis quand il me parle de ses organes génitaux d'abord ?
- Bref. On va à son concert ensemble si tu trouve la réponse, sinon...
- C'est une jonquille.
- Raté. Narcisse c'était la bonne réponse.
Malgré la pluie qui frappe la vitrine du magasin à torrent, j'arrive à percevoir le fait chier que marmonne le black, il est vraiment déçu et je m'en veux. Hésitante je passe mes doigts dans ma frange, le petit jeu auquel je me suis livrée était malsain.
Promis c'est la dernière fois que je le fait marcher avec Queen B.
- En fait c'est les mêmes plantes. On peut dire les deux noms.
J'en profite pour glisser le fait que j'ai déjà réservé les billets pour le concert depuis un sacré bout de temps - ils s'écoulent tellement vite - et je jure que les yeux de Barack n'ont jamais été aussi brillant qu'à cet instant et mon cœur se gonfle de soulagement.
- Tu vas te mettre à pleurer ?
- C'est les oignons.
De l'index le rwandais m'indique le sachet de bulbe qui traine à côté sur le comptoir. Bien évidemment je rejette l'excuse et souris. On dirait un gosse surprit en train de faire une bêtise lorsque Barack essaie de dissimuler ses réels sentiments. Un peu comme moi au final.
On se ressemble tellement.
- Un oignon de fleur ça fait pas pleurer frère.
- Vraiment ?
Il a l'air déçu mais passé quelque temps il semble s'y faire : je le vois entamer l'emballage du bouquet - assez maladroitement, je dois vous avouer - et ça me fait grincer des dents. Garder à l'esprit que Barack est débutant parait simple mais le voir massacrer les principes fondamentaux de l'art floral me fait beaucoup trop tiquer.
D'abord cet idiot n'a pas ficeler les différentes tiges ensemble avant d'emballer son bouquet. Ensuite il inverse l'ordre pourtant inviolable papier de soie, papier cristal et c'est la pire erreur qu'il pouvait faire. Alors quand je le vois saisir l'agrafeuse comme un gros bourrin je prends définitivement peur.
- Tu peux arrêter de faire ces bruits ?
- Quels bruits ?
- Ceux qui me donnent l'impression que je tue quelqu'un.
- Désolé frère, c'est plus fort que moi.
Si seulement il savait.
VOUS LISEZ
D'amour et de Rap
Romance« Sofia est une fleuriste qui s'épanouit un peu plus de jours en jours. Elle mène une vie calme et posée dans le 15ème. Un peu timide, elle chouchoute ses fleurs ou encore sa grand-mère. En effet bien qu'indépendante, la jeune fille partage son foye...