Dédié à Mounash_Ebene
____________
Djamilatou
Retour en arrière: 10 ans plutôt
Je n'étais qu'encore au lycée quand tout cela a débuté. Je n'avais que quinze ans. Plus les jours passaient plus je me sentais mal dans ma peau. En prenant le temps de m'observer chaque matin dans la glace avant d'aller en cours, je m'étais rendue compte du fait que je n'étais pas "normale", que quelque chose n'allait pas. Et en insistant sur cette observation j'avais découvert que je développais une asymétrie mammaire.
Je n'avais aucune idée au début de ce que cela pouvait être, je connaissais encore moins le nom de cette anomalie.
Peu de femmes sont totalement satisfaites de la taille et de la forme de leurs poitrines. Trop grosses pour certaines, trop petites pour d'autre mais qu'en était-il de celles qui comme moi présentaient une différence de volume?Malheureusement pas beaucoup osaient en parler et j'étais de celles là.
[Une asymétrie mammaire est une différence de volume et/ou de forme entre les seins.]
Au début l'asymétrie n'était pas si visivle. Mais au fil du temps, me mirer dans la glace devenait un défi pour moi. Quand je m'apprêtais à sortir, que ce soit pour aller à la boutique ou à l'église le Dimanche je prenais toujours le temps de m'observer pour voir si cela ne paraissait pas. J'étais comme devenue paranoïaque. C'était presque devenu une obsession pour moi.
Parfois, je n'osais pas porter certains vêtements de peur qu'on ne le remarque et qu'on me devisage dans la rue. J'ai vécu dans cette peur pendant des mois sans que personne ne le sache. Je me sentais étrange, "bizarre", je n'étais plus à l'aise avec cette poitrine. Je souffrais en silence tout simplement.
J'avais fini par le dire à ma mère. Je revoyais encore son visage triste suite à mon "problème". Mon père lui avait fini par le remarquer tout seul sans que je ne lui dise. Tout le monde à la maison le voyait mais personne n'en parlait. Et pourtant....
Quand j'avais sport à l'école, je n'osais plus me changer en classe, de peur des regards, peur des jugements , mais surtout de ces regards curieux et indignés.
Je me rappelais encore de ce jour-là. Il y avait une conférence à l'école , organisée par un gynécologue. Il est arrivé un moment où il parlait du cancer du sein, de l'asymétrie mammaire. Au moment où il évoquait ce point, beaucoup s'étaient indignés ne comprenant pas qu'il puisse exister des femmes qui aient une différence entre ses seins. Pendant que d'autres s'en amusaient moi je rêvais de sortir de la salle. À ce moment là, qu'est ce que je n'aurai pas donné pour qu'on puisse me laisser sortir de cette salle? Le malaise s'était emparé de moi, je me sentais encore plus mal.
Je ressentais l'envie de dire à ces incrédules: j'en suis la preuve et pourtant je n'ai que seize ans.
Mais avec quel courage aurai-je pu le faire? Je ressentais parfois l'envie de me libérer, de le dire comme pour être soulagée ou peut être libérée d'un poids mais jamais je ne l'avais fait. Je n'avais pas besoin qu'on me prenne en pitié.Au bout d'un moment, j'avais fini par l'accepter. Par comprendre que je n'avais pas le choix, que je devais apprendre à vivre avec cette différence.
Enfin, C'est ce que je croyais. Jusqu'à ce que je me rende compte que je me voilais la face que je faisais semblant de l'accepter pour soulager ma conscience.
Beaucoup ne comprennent et ne comprendront jamais ce que ces filles/femmes ressentent. Seules celles qui le vivent, en ont un aperçu. Pedant longtemps, je me suis demandée si quand je me marierai, il m'accepterait pour ma différence. Faisons face à la réalité, ils ne sont pas nombreux à l'accepter. J'avais peur. C'était comme devenu un poids supplémentaire sur mes épaules. Parfois l'envie de me libérer me prenait mais à qui irais je me confier?
Ma mère? Je ne souhaitais pas la voir encore plus soucieuse. Mon père? Je ne voulais même pas y penser. Mes amis? Je n'avais pas besoin de leur pitié.
Je m'étais documentée, J'avais fait plusieurs recherches. Les unes plus stressantes que les autres. J'ai appris des choses que peut-être je n'aurai jamais aimé savoir. À seulement seize ans on se voit profiter de la vie, pas compter le nombre d'années qu'il nous restera si notre cas s'aggravait.
Mais encore ce n'étaient pas les seules choses que j'avais apprise. En apprenant qu'on était plus exposé au cancer du sein j'étais désemparée. Je n'en avais jamais parlé à mes parents. Ils n'avaient pas besoin de le savoir. Ils avaient déjà assez de soucis pour que j'en rajoute._________
Je l'ai gardé pour moi avec la certitude que je ne vivrai pas longtemps sur cette terre.
J'ai le cancer du sein.
_________
VOUS LISEZ
Djamilatou: Blessure sucrée
De Todo"J'avais la vive impression de vivre au ralenti. De ne plus être maître de moi même. Comme si mon esprit ne répondait plus. J'étais comme déconnectée de ce monde. Je subissais une routine. J'errais sur terre sans grande conviction. Je...