Chapitre 12: Affronter la réalité

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Djamilatou

Retour en arrière  : dix ans plutôt

Depuis que je lui avais dit que j'avais une asymétrie, maman ne cessait de m'observer, de me regarder peinée par la situation.

- Arrête de me regarder comme ça. Si j'ai pas peur alors pourquoi t'as peur maman? Je vais bien, ce n'est pas comme si je comptais mourir dis-je dans un sourire qui se voulait rassurant.

- Ma fille...

Retour dans le présent

Que rajouter de plus? C'est toujours dur de se l'avouer mais il fallait peut être s'y attendre. Peut-être est-ce de ma faute? Je ressentais pourtant cette boule totalement indolore dans la poitrine, mais elle ne me gênait pas plus que ça.
Petite grosseur que j'avais eu le malheur d'associer à mon asymétrie mammaire. Dans le doute j'avais fini par consulter une gynécologue qui pour elle, celle-ci serait lié à un dérèglement hormonal. Celle-ci aussi qui après palpation disait que ça partirait tout seul.

Certains penseront que c'est de ma faute mais que rajouter de plus quand vous faîtes confiance au diagnostic d'un spécialiste?

Lui faisant entièrement confiance, je ne m'étais pas inquiétée plus que ça avant que tout ne bascule avec ce bilan de santé.

Beaucoup pensent que le cancer du sein n'est réservé qu'aux femmes mûres. Ils devraient voir la réalité en face. Je n'avais que vingt six ans et pourtant...

Je sortais de mes pensées et me redressais dans mon lit, seule. Mon rendez-vous était pour aujourd'hui et il ne faudrait pas que je le loupe, même si l'envie d'y aller ne se faisait pas sentir. Cela ne mènerait nul part et ça je le savais pertinemment.

Je n'agis pas comme une défaitiste, je suis juste réaliste contrairement à d'autres.

Quelques minutes plus tard

Prête, je ne pris pas la peine de manger. Je n'avais ni l'envie ni l'intention d'ingurgiter quelque chose.

Il fallait se rendre à l'évidence, nous avions besoin d'un essor au niveau médical. Beaucoup ne pouvaient pas se soigner, soit parce que c'était trop cher soit parce qu'il n'y avait pas de docteurs attitrés et compétents à ce poste. Comment voulez-vous que certains restent s'il n'y avait pas le matériel nécessaire pour soigner les patients?Comment voulez-vous qu'il y ait un essor dans le secteur santé si pour beaucoup la préoccupation était de s'enrichir et de dilapider l'argent comme bon leur semblait?

Pendant ce temps beaucoup était entre la vie et la mort. Faute de moyens. Des patients à même le sol, des corps jonchés par terre n'attendant qu'une seule chose celle d'être pris en charge.

Avoir opté pour cette voie n'est pas anodin. J'ai toujours ressenti le désir de vouloir aider ceux qui étaient dans le besoin. La plupart ne savent pas tout ce que cela représente, de voir le soulagement dans les yeux du patients, sa reconnaissance, de voir que vous avez pu accomplir votre tâche. Même si je venais à ne plus exercer ce pour quoi ma vie avait un réel sens, j'estimais avoir rempli ma part de contrat avant de m'en aller, celle de sauver et de redonner le sourire.

- Madame vous êtes arrivée!

Je sortais de mes pensées en entendant le Taximan parler. Je le payais et le remerciais avant de descendre. Je regardais l'hôpital la boule au ventre et finissais par pénétrer à l'intérieur.

Une heure plus tard

Une fois le rendez-vous terminé, je me dirigeais vers mon ancien lieu de travail. Il n'était que midi, J'avais alors largement le temps de lui rendre visite.
J'arrêtais le premier taxi, discutais le pris et finissais par monter. Une vingtaine de minutes plus tard j'étais arrivée. Je ne prenais pas la peine de saluer la réceptionniste et me dirigeais vers sa chambre. Je sentais les regards interloqués sur moi mais je n'en tenais pas compte. Ça ne me touchait pas plus que ça.

-  Eh Madame!

Je ne prenais pas la peine de me retourner et continuais mon chemin. Elle avait fini par me rattraper avant de saisir mon bras. Ne voyant d'autre solution, je soupirais et me retournais faisant ainsi face à Marie.

Tous des hypocrites.

- Oui?

- Vous n'avez pas le droit d-

- Tu peux te taire? Rien que t'entendre parler devient un supplice. Ce n'est pas parce que je ne suis plus fonctionnaire que tu dois commencer à te comporter de manière hautaine avec moi. Je suis ici pour une visite, je connais la chambre je n'ai pas besoin de ton aide. Merci.

J'étais peut-être en tort, mais tous m'énervaient. Parmi ceux que je considérais comme proches de moi, personne n'avait daigné ne serait ce que me dire un "au revoir" et ce sont ceux avec qui je n'avais aucune affinité qui l'avaient fait.

- Excusez moi m-

En l'entendant parler, je m'étais mise à rire doucement. Maintenant que je n'étais plus fonctionnaire ici, ça se permettait de me vouvoyer maintenant. Comme on le dit si bien quand vous êtes heureux, vous voyez tout le monde mais quand vous sombrez vous ne voyez plus personne.

- Marie je suis peut-être malade mais je suis encore en pleine forme pour pouvoir t'offrir un long et beau séjour à l'hôpital. Donc si tu ne veux pas finir avec une dentition aussi fragile que celle d'une vielle retournes à ton poste. Sur ce, bonne journée.

Aussitôt dit, aussitôt fait je reprenais mon chemin menant vers sa chambre. Je toquais et rentrais, elle était déjà réveillée. Ne travaillant plus ici, je ne savais pas si elle avait pu recevoir une greffe. Mais je m'étais promise de demander avant de repartir. Je passais une grande partie de mon après midi avec Joséphine avant d'enfin repartir. Plus rien à part cet enfant, ne me retenait ici.

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Il était temps d'affronter la réalité.

Tell me somethin' girl
Dis moi quelque chose, ma fille
Are you happy in this modern world
Es tu heureux dans ce monde moderne?
Or do you need more
Ou vous avez besoin de plus
Is there somethin' else you're searchin' for
Y a t'il autre chose que vous recherchez?

Shallow, Lady Gaga&Bradley Cooper

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Djamilatou: Blessure sucrée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant