Chapitre 9 Partie 1 - Lui

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Installé sur le siège passager, j'observe le paysage se modifier à travers la vitre fermée. Les bâtiments élégants ont laissé place aux immeubles en béton. Les allées bordées d'arbres se sont effacées, remplacées par des grillages. La nature entretenu se transforme petit à petit. Elle devient plus sauvage. Les herbes vertes virent au jaune. On arrive dans les quartiers Nord. Le Ghetto comme beaucoup l'appelle. La zone, la cité, tant de nom attribué à ce quartier. C'est une chose que je n'ai jamais compris. Pourquoi, quand on veut intégrer une population, la parquer dans ce genre d'endroit ? Pourquoi l'exiler loin de tous ?

Adolescent, je me suis pris la tête un certain nombre de fois avec mes profs sur ce point. Ils avaient beau soutenir que cette situation ne devait être que temporaire, qu'il a fallu trouver rapidement des solutions pour loger de nombreux migrants. Je n'en démordais pas, convaincu que le gouvernement savait dès le départ que cela ne pouvait pas bien finir. On ne peut que se sentir exclu en vivant ici.

Enfin, on pourrait en parler pendant des heures, débattre pendant des jours, ce n'est pas ça qui fera changer les choses. Non, ce n'est pas moi, Maximus, simple pompier qui fera évoluer le monde. En tout cas, pas à si grande échelle. Je me contente de faire ce que je peux, avec mes moyens. Notamment, régler la dette d'une certaine rousse têtue.

Je baisse les yeux sur le sac posé devant moi, sur le tapis de sol. Pour être tout à fait franc, je commence vraiment à stresser. Je suis déterminé à aider, mais je ne sais pas du tout dans quoi je mets les pieds. Cette mission peut s'avérer bien plus dangereuse que prévu. Même si Rose m'a assuré que cet Hector aboyait plus qu'il ne mordait, je ne peux m'empêcher d'imaginer le pire. On ne peut jamais vraiment savoir qui on a en face de soi. Ce qu'il cache ou ce dont il est capable. Surtout que j'ai entraîné mes amis là-dedans. Je pense que je ne pourrais pas me le pardonner s'ils étaient blessés. Mais sans eux, impossible de réussir ce que je m'apprête à faire. Le choix a été difficile, les impliquer ou pas. Evidemment, à partir du moment où je leur en ai parlé, ils ont voulu m'aider.

Du coin de l'œil, j'observe Thomas. Concentré sur la route, il serre nerveusement ses mains sur le volant. Ses jointures blanchissent à intervalle régulière. Derrière moi, je sens la présence de Bastien et Eliott. La tension est palpable dans l'habitacle. Mon cœur bat fort contre mes côtes à mesure que nous approchons de notre destination. J'ai l'impression d'aller au combat. D'être un soldat qui part à la guerre. Le seul problème, je ne suis pas armé pour ça. Probablement pas prêt non plus. Quand on dit que l'amour peut vous faire faire n'importe quoi, je suis bien d'accord. Il m'aura fallu presque trente ans pour le comprendre. Mais là, c'est bien ancré en moi. Et je m'en vais affronter un dealer seulement avec mon courage en bagage. Ainsi qu'un sac plein de billets et de bijoux. Tout ça pour les beaux yeux d'une rousse qui m'en voudra sûrement de rembourser cette dette à sa place.

Nerveux, je fais craquer mes doigts avant de croiser le regard d'Eliott dans le rétroviseur.

— Vous savez, je ne vous en voudrai pas si vous me laissez ici.

Mes amis poussent de légers cris d'indignation avant que le brun ne prenne la parole.

— Arrête Max, on t'a déjà dit un million de fois qu'on venait avec toi.

— Oui, on ne te lâchera pas. Tu peux compter sur nous.

— On va aller botter le cul de ce sale mafieux, renchérit Bastien.

Nous rigolons tous les quatre faisant baisser la tension environnante. Je savais que je pouvais compter sur eux, quoi qu'il arrive, peu importe ce que je leur demande. Les rencontrer a vraiment été une bénédiction. J'ai peut-être une vision naïve de la chose, mais je sais que sans eux, je ne suis rien. J'ai toujours pensé que l'on pouvait avoir des coups de foudre en amitié. Des personnes que l'on peut aimer au premier regard. Des gens dont on a conscience qu'ils marqueront notre vie à tout jamais. C'est ce qu'il s'est passé pour nous. En y réfléchissant bien, je me dis que j'aurai été capable de faire exactement la même chose pour mes amis. Oui, je serai prêt à tout pour eux. Je sauterai d'un pont si c'était nécessaire pour les aider, les sauver.

Embrase-moi Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant