Embrase-moi Tome 2

Chapitre 1 - Lui

Installé sur les canapés moelleux de la boite de nuit, j'observe la piste de danse qui s'étend devant moi. La musique qui s'échappe des enceintes près de notre table fait vibrer les verres et les bouteilles. Je ressens le son des basses se répercuter dans tout mon corps. Il fait pulser mon sang au même rythme. Mon cœur se contracte à la même fréquence, comme si le DJ avait installé ses platines dans mon palpitant. Mon estomac se tord quand mon regard tombe sur les hanches d'une demoiselle ondulant sous mon nez. J'attrape mon verre et bois une grosse gorgée d'alcool pour faire passer la sensation. La brûlure qui me traverse l'œsophage me fait grimacer. Je ne quitte pas des yeux le corps de la jeune femme qui se balance lentement. Elle est totalement hors mesure. Pas parce que c'est une mauvaise danseuse, non. Elle suit simplement un autre tempo. Plus lent, plus sensuel. Elle cherche à m'aguicher, me séduire. Il y a encore quelques mois, je ne me serai pas gêné pour lui sauter dessus. J'y aurai mis les formes, pourtant, le résultat aurait été le même. Elle, nue dans un lit.

Mais ça, c'était avant.

Avant qu'une rousse volcanique me rentre dedans. Avant qu'elle ne change ma vie. Avant qu'elle prenne le contrôle de mes sentiments, de mon cœur. Avant qu'elle ne me devienne essentielle. Avant qu'elle ne me fasse tomber. Avant qu'elle ne me broie.

Quand le soleil se couche, que les ténèbres envahissent notre monde, les étoiles apparaissent. La lumière chasse l'obscurité. Ce n'est pas toujours vraie.

Elle a emporté avec elle, la clarté. Elle m'a laissé dans le noir le plus complet. Et je sombre, petit à petit. Je le sais, je le sens. C'est comme nager à contre-courant. On a beau lutter de toutes ses forces, la bataille est perdue d'avance. Alors je fais ce que tout le monde devrait faire. J'abandonne. Je me laisse couler.

Au début, j'ai essayé. Vraiment. Je suis sorti, j'ai souri. Mais plus je faisais semblant, plus la réalité m'explosait en pleine figure. Cette vérité crue, agressive, à laquelle j'ai fait face dans cette ruelle. Parfois, l'espace de quelques secondes, j'oublie. J'ai l'impression de pouvoir continuer ma vie, comme si de rien n'était. Je ne souffre plus. Je pense avoir la capacité de respirer normalement, sans douleur. Mon cœur recommence à battre, à se réchauffer. Puis tout me revient, brusquement. C'est la douche froide. L'impact est violent. Les odeurs, les sons, les mots qu'elle a prononcés. Son regard glacial, dépourvu de tous sentiments. Non, pas de tous. J'y ai vu la colère, la haine, la rage. Tant d'émotions négatives. Je savais qu'elle cachait certaines choses, que sa vie n'était pas facile, mais comment aurai je pu imaginer une fin pareille ?

Aujourd'hui, cela fait un mois.

Un mois que mon corps hurle son absence.

Trente jours que mon cœur saigne.

Sept cent vingt heures que mon âme est brisée.

Quarante-trois mille deux cents minutes que j'ai cessé de respirer, de vivre.

Je suis perclus de douleurs. Comme un camé en manque, je ne sais plus réfléchir. Je ne suis plus bon à rien. Parce que c'est ce qu'elle était, une putain de drogue. Une addiction dont je dois me sevrer de la pire des façons. La plus brutale.

Je secoue la tête et chasse ces pensées désagréables. Je bois une nouvelle gorgée en me levant. L'alcool ingurgité depuis le début de la soirée se fait sentir. Je tangue dangereusement. Mes membres lourds me rendent gauche. Je suis maladroit, pataud. J'avance en me raccrochant aux dossiers des fauteuils. Mon genou bute contre la table. Un verre se renverse, arrosant copieusement Bastien qui jure. Il se redresse d'un bond en me fusillant du regard. Moi, je ricane. C'est plus fort que moi. C'est incontrôlable.

— Putain, Max. Tu peux pas faire attention ?

Mon ami m'engueule. Il m'attrape le bras et essaie de me faire asseoir. Je résiste, mon genou en appuie sur le coussin de simili cuir. Je n'avais jamais remarqué que la couleur était aussi moche. Il y a des traces de brûlure à certains endroits. Je me demande combien de fesses ont vu ces assises depuis le début de leur existence ? Si on les passait à la lumière bleue, qu'est-ce que l'on verrait ?