Chapitre 17 Partie 1 - Lui

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Installé dans le canapé du salon, j'attends patiemment qu'Athénaïs est terminé de coucher Noham. Ce soir, nous travaillons tous les deux à « La Meute ». Pour le plus grand plaisir de la rousse d'ailleurs, qui est impatiente de retrouver ses collègues. Cela fait un moment qu'elle n'avait pas fait de service au bar, étant très prise par son ancien deuxième boulot. Un frisson désagréable me parcourt en repensant à ça, à ce qu'elle faisait. Mes poings se serrent comme à chaque fois que j'imagine ces hommes la toucher, la caresser, l'embrasser. Elle m'a tout raconté, tout détaillé, sans tabou, et dans un sens, cela m'a fait énormément de bien. J'ai été rassuré, notamment sur le fait qu'aucun de ses clients n'avaient été violent avec elle. Ou l'avait obligée à faire quoi que ce soit. C'est un point sur lequel elle a beaucoup insisté. Depuis que je suis au courant de sa deuxième activité, c'est une des choses qui m'inquiétait le plus. Combien de fois me suis-je réveillé en sursaut, couvert de sueur, après avoir cauchemardé là-dessus ? Je ne compte plus les rêves atroces où je la voyais, pleurant, suppliant un homme de la laisser tranquille. De ne pas la toucher. Je les ai fait bien trop souvent.

— Voilà ton café.

Je sors de mes pensées pour tomber sur le sourire de Carmen. Elle me tend une tasse que je récupère rapidement. Je l'observe s'installer face à moi, poussant un petit soupir fatigué. Elle plie le torchon qui était jeté sur son épaule pour le poser sur la table basse. Elle cale ensuite son dos contre le dossier de son fauteuil. Les traits de son visage sont tirés, marqués par une vie bien remplie. Pas toujours facile, pas toujours agréable, mais ses rides aux coins des yeux, prouvent qu'elle fut pleine de rire. Elle clôt les paupières, appréciant la première gorgée de son thé parfumé.

— Tout va bien, Carmen ?

Son regard vient plonger dans le mien. Bien que légèrement éteint par l'âge, il reste franc et pétillant. Ses lèvres s'étirent alors qu'elle me fixe silencieuse.

— Maintenant, tout ira pour le mieux !

Je fronce les sourcils devant cette phrase, quelque peu énigmatique. Voyant ma tête, elle ricane doucement. Elle porte la tasse à sa bouche, bois un peu de sa boisson. Je souffle sur le liquide brun avant de l'imiter.

— Tu sais que j'étais la gouvernante des filles quand elles étaient jeunes ?

J'acquiesce, écoutant attentivement ce qu'elle me raconte. Athénaïs a toujours tant de mal à parler de son enfance, de ses parents, que chaque petite information est bonne à prendre.

— Ma mère était la nourrice d'Athénaïs, leur grand-mère. C'est souvent ainsi dans ce milieu, des mères/filles, pères/fils, restent au service d'une même famille sur plusieurs génération. J'ai été élevé avec elle. Différemment, évidemment, mais ensemble.

Sur ces mots, elle se lève. Je la regarde sortir de la pièce puis y revenir quelques secondes plus tard. Elle me donne une photo en noir et blanc, datant de plusieurs dizaines d'années au vu de la qualité. Deux jeunes femmes se tiennent, côte à côte. A en juger par leur visage souriant, elles doivent être dans la vingtaine. Je suis abasourdie par la ressemblance entre Athénaïs et sa grand-mère. En les mettant côte à côté, on pourrait jurer qu'elles sont sœurs.

— C'est impressionnant, hein ?

Je relève la tête, croisant les prunelles sombres de Carmen. Elles me renvoient une tendresse infinie. Je peux lire tout l'amour qu'elle ressent pour cette femme. Sur le cliché, la jeune Carmen a ce même regard, ce même sourire. Peu importe les années, et même la mort, les sentiments qu'elle éprouve sont toujours les mêmes. Toujours aussi puissants, aussi purs.

— J'ai toujours su que j'étais amoureuse d'elle. Mais je ne pouvais rien dire, rien faire. A cette époque, les mœurs étaient bien différentes. Il était interdit pour deux femmes ou deux hommes d'être ensemble. Surtout pour elle, qui avait un avenir déjà tout tracé. Je suis restée à ses côtés quand elle s'est mariée, quand elle a eu sa fille. J'étais là, aussi, quand son mari s'est éteint.

Embrase-moi Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant