Chapitre 10 Partie 1 - Elle

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Une secousse me force à émerger de mon profond sommeil. Je grogne quelques paroles indistinctes en gardant les paupières bien closes. Mon corps me fait souffrir le martyr. J'ai l'impression de m'être faite percuter par un semi-remorque. La plante de mes pieds me brûle. Mes muscles tirent, notamment dans mes mollets et cuisses. Je paie ce matin, les excès de la veille. Il faut dire que cela faisait bien longtemps que je n'avais pas autant dansé. Quand Carine a su que Gabriel et moi étions plutôt doués en danse de salon, elle ne s'est pas gênée pour nous demander une démonstration. Puis de fil en aiguille, on s'est retrouvés à faire des heures d'enchaînements. Nous avons varié les tempos, les musiques, passant de la salsa à la valse puis au tango. J'ai passé un très bon moment, reprenant goût à cette passion qui m'a si longtemps maintenu en vie. Et mon ami est un très bon partenaire. Je l'avais déjà remarqué quand nous avions évolué ensemble à « La Meute ». Il sait parfaitement me guider. Il bouge avec grâce et force. Sa poigne se fait ferme autant que douce. Il a aussi un très bon rythme. Mais ma fatigue actuelle me fait quelque peu regretter ces moments de complicité.

Il n'y a pas à dire, la danse est un sport complet qui met le corps à rude épreuve. Pourtant, je suis une personne plutôt active. Je vais m'entraîner deux fois par semaine, au moins. Et je cours régulièrement. Enfin, de temps en temps serait un terme plus approprié.

Haha, tu n'as pas fait de sortie running depuis au moins trois mois.

Je fais taire ma petite voix qui me souffle que je me suis bien relâchée ces dernières semaines.

Si tu avais à gérer un enfant, deux boulots et une vie sentimentale chaotique, toi non plus, tu n'aurais pas le temps de courir !

Paroles, paroles...

Ma conscience se met à chatonner alors que je me renfrogne, m'enfonçant dans mon matelas.

Une nouvelle secousse remue mon épaule. Je roule difficilement sur le côté, enfouissant mon visage dans l'oreiller. En gémissant, j'étire mes mollets. J'ai l'impression d'être Pinocchio avec mes jambes de bois.

— Maman !

La voix de Noham me réveille un peu plus intensément. J'ouvre une paupière, le nez toujours enfoui dans le moelleux de mon compagnon de nuit. J'écrase un profond soupir avant de tourner mon visage vers la terreur qui ose troubler mon repos. Ma chambre est très lumineuse, trop même. Qui a eu la merveilleuse idée d'ouvrir les rideaux en grand ? Je papillonne quelques instants, stabilisant le monde qui m'entoure. Le paysage se pare peu à peu de formes qui deviennent de plus en plus distinctes.

J'émets un gémissement plaintif quand un poids vient atterrir sur mes hanches. Un rire aigu vient agresser mes oreilles. J'essaie de me cacher sous ma couette alors que Noham s'évertue à me chatouiller le cou.

— Maman, debout !

Il répète plusieurs fois cette phrase, faisant peser ses quelques kilos sur moi.

Un pop-up s'ouvre dans mon esprit alors que je suis secouée comme un prunier. La vidéo d'un chien s'acharnant sur son compagnon à quatre pattes pour qu'il se lève. Un sourire étire mes lèvres quand je compare les situations.

Noham est le husky tout excité, moi, le gros cochon paresseux !

Après quelques secondes à servir de trampoline, je décide de me redresser. Mon mouvement le fait glisser jusqu'à mes jambes en rigolant. En voilà au moins un qui est en forme. Adossée aux oreillers, je plonge mon regard dans le sien. Ses yeux bleus pétillent de malice. Il ressemble tant à Sixtine, s'en est déstabilisant. Ses iris ont la même teinte, tout comme ses cheveux. Ils sont tous les deux aussi blonds que je suis rousse. La forme de nos visages est ressemblante cependant. C'est fou de voir à qu'elle point les caractéristiques physiques peuvent se répercuter sur plusieurs générations. Je suis le portrait craché de notre grand-mère, mais on ne peut nier la ressemblance entre ma sœur et moi. Le lien familial entre nous trois, même quatre si on intègre Noham, ne peut être contesté. Notre mère, avec ses mèches brunes, contraste violemment. Et encore, s'il n'y avait que ça qui nous différenciez. Je ne comprends toujours pas comment, notre grand-mère, si douce, attentive, compréhensive a pu enfanter une femme si froide.

Embrase-moi Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant